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Kristina Mladenovic doit-elle se cantonner au double ? "Quand on a connu le Top 10 en simple…"

Cyril Morin

Mis à jour 03/02/2021 à 12:28 GMT+1

OPEN D’AUSTRALIE - Tenante du titre en double à Melbourne et lauréate à Roland-Garros, Kristina Mladenovic connaît une carrière inversement proportionnelle en simple où ses galères se multiplient. Doit-elle élire une discipline pour s’y concentrer à 100% ? Nathalie Dechy, Camille Pin et Arnaud Décugis, ancien entraîneur de Julie Halard, tentent de répondre.

Kristina Mladenovic et Timea Babos posent avec leur trophée de l'Open d'Australie en 2020

Crédit: Getty Images

C’est une obsession pour certains. Un bonus pour d’autres. Une simple question qu’on se pose à la fin, comme un bilan : quelle trace laisse-t-on derrière soi dans son sport une fois sa carrière terminée ? En tennis, la réponse semble évidente : "Si elle veut marquer le tennis français, ça se fera surtout sur le simple", affirme d’entrée Arnaud Décugis, ancien entraîneur de Julie Halard, numéro 1 mondiale en double en 2000 notamment.
Elle, c’est évidemment Kristina Mladenovic. La Française débarque à Melbourne dans la peau de tenante du titre en double, également lauréate de la dernière levée de l’année 2020 à Roland-Garros et comme 3e mondiale au classement de double, qu’elle a déjà dominé par un passé récent (2019), succédant ainsi à Julie Halard. En somme, c’est la patronne et l’une des Françaises les plus victorieuses dans le domaine avec 25 titres. En face, sa carrière en simple ne pèse pas lourd (2 titres) malgré une place dans le Top 10 mondial.
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Roland-Garros - Mladenovic : "Numéro 1 mondiale ? C'est un truc de fou !"

Avant Melbourne, Mladenovic n’est "que" 50e mondiale et semble en proie à des doutes persistants. Alors, à 27 ans, ne serait-ce pas le moment de trancher et d'opter définitivement pour un double qui lui apporte beaucoup ? "Pour moi, c’est encore prématuré de penser comme ça", répond d’emblée Camille Pin, ancienne joueuse et consultante pour Eurosport. "Quand on a connu le Top 10 en simple…, poursuit-elle. On ne se rend pas compte à quel point c’est énorme. Donc, si elle me demandait mon avis, à l’âge qu’elle a et après le niveau qu’elle a pu connaître, je trouve ça trop tôt pour ne faire que du double".
"Je suis persuadée qu’elle ne privilégie pas le double, enchaîne Nathalie Dechy, qui elle aussi a jonglé avec les deux disciplines à son époque (11e en simple, 8e en double). Elle veut et elle peut encore être super performante en simple. Elle est toujours capable d’aller sortir des victoires contre des Tops 10. Sa Fed Cup 2019 prouve qu’elle peut aller chercher un gros niveau en simple".
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Caroline Garcia, Alizé Cornet, Kristina Mladenovic etc. les Françaises fêtent leur victoire en Fed Cup

Crédit: Getty Images

Le double, comme tremplin vers le simple

Sur le circuit WTA en simple, elle est pourtant très discrète. Depuis son quart à Roland-Garros en 2017, Mladenovic n’a jamais réussi à passer le 3e tour en Majeur. Alors, faut-il encore s’obstiner ? Arnaud Décugis, qui a également conseillé Vera Zmonavera, le croit : "selon moi, une joueuse rentre dans sa meilleure période entre 27 et 30 ans, explique l’entraîneur. Que ce soit physique, mental et en termes d’expérience. Je trouverais vraiment dommage de mettre de côté le simple. Sa décision doit se prendre sur un raisonnement simple : ‘est-ce que j’ai atteint mon palier maximum en simple ?', 'est-ce que j’ai tout fait au niveau de ma structure d’entraînement pour retrouver ce niveau ?'".
Toutes ces questions, "Kiki" se les pose peut-être. Sans que l’on sache vraiment si elle y trouve des réponses. "Il y a la question de l’envie, avoue Camille Pin. Elle en a peut-être marre d’entendre des choses sur elle quand elle a mené 6-1, 5-0… Mais tennistiquement, sachant ce qu’elle a déjà gagné en double, ça doit la titiller d’aller chercher à nouveau le Top 10". Mieux, pour revenir au top, le double sera davantage une arme qu’une limite.
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6-1, 5-1, puis 4 balles de match avant de s'effondrer : Le cauchemar de Mladenovic en images

"C’est un curseur à faire évoluer avec pas mal de finesse : le double peut vous garder dans le rythme, vous faire gagner de la confiance alors qu’en simple vous piochez un peu, estime Nathalie Dechy. Je sais qu’après chaque titre du Grand Chelem gagné en double (3 au total, NDLR), la semaine d’après, je jouais très bien en simple. Le boost de confiance est exceptionnel. Ce n'est pas aussi simple de dire 'j’arrête le double pour me concentrer sur le simple', comme l’a fait Pierre-Hugues Herbert à un moment. Mine de rien, enlever le double ça leur fait perdre une dynamique, un entraînement spécifique, des réflexes donc ce n’est vraiment pas aussi simpliste que ça".
De ses titres et son attitude en double peut donc découler donc une autre Kristina Mladenovic. Celle qui mord dans la balle et croit en sa bonne étoile. "Le double est une activité parfaite pour elle, estime Pin. Elle a ses qualités de meneuse qu’on retrouve en double, même en simple en Fed Cup. Ce genre de sensations semble la doper. Elle met une certaine intensité qui la sublime. Elle, c’est ça qui la fait mieux jouer. Il faut qu’elle retrouve ces signaux en simple".
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"La décision de l'arbitre est grotesque, mais Mladenovic devait quand même gagner ce match"

Chez les femmes, choisir n’a rien d’obligatoire

D’ailleurs, Mladenovic le sait mieux que personne : certaines sur le circuit se sont passées le mot. En pleine forme physique, gérer le simple et le double permet de simplement rester au sommet. "Il y a beaucoup de joueuses qui brillent sur les deux tableaux, confirme Dechy. D’ailleurs, Swiatek a très bien joué en double cette année. Dans ma génération, je me souviens de Kim Clijsters ou Lindsay Davenport qui brillaient aussi sur les deux tableaux".
"Chez les garçons, ils se spécialisent très vite, acquiesce notre consultante. Le fait de jouer les tournois Grand Chelem en simple au meilleur des trois sets rend compliqué la gestion des deux dans le même tournoi. Chez les femmes, il y en a beaucoup qui sont très fortes en simple et en double. Pour moi, elles n’ont pas l'obligation de choisir". Là où Herbert a un temps été tenté de choisir, Mladenovic n’aura pas à le faire. Dans un futur proche en tout cas.
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Kiki Mladenovic - Roland Garros 2020

Crédit: Getty Images

"Attention, ça reste compliqué, surtout quand vous avez des petits bobos, nuance Dechy. Regardez Serena : à une époque, elle gagnait simple et double 'sans difficulté' et le double lui servait presque d’entraînement sur la journée de repos. Mais quand on traîne un truc, la journée de repos, on en a vraiment besoin". Et Arnaud Décugis de confirmer que mener les deux batailles de front peut laisser des traces, à l’image de la fin de carrière de Julie Halard.
"Dans sa dernière année, Julie joue 12 finales en double pour en gagner 10, dont l’US Open, rembobine-t-il. Ça lui a demandé beaucoup d’intensité physique et mentale. Je pense que cela a un tout petit peu entaché sa fin de carrière en simple, qu’elle termine 13e mondiale. A ce moment-là, on avait comme objectif premier dans l’année 2000 de finir championne du monde en double. En 2001, je rêvais qu’elle essaye en simple. Mais elle avait tellement donné sur sa dernière année, laissé tellement d’influx, qu’elle sentait que c’était le bon moment pour tourner la page".

400 000 euros la victoire finale à l’US Open en double

Mladenovic n’en est pas encore là. Et risque donc de jongler encore un moment avec les deux casquettes. Après tout, pourquoi se priver ? Depuis le début de sa carrière, la Française a amassé presque 9 millions d’euros de prize-money. Dans le tas, ses victoires en double en Majeurs pèsent forcément très lourd. "C’est sûr que si vous faites partie de la crème en double, votre compte en banque augmente à vitesse grand V, avoue Décugis. Ce qui est difficile, c’est de résister à l’attrait financier". Un risque qui ne semble pas inquiéter Camille Pin. "C’est vrai que c’est un sacré prize-money (400 000 euros par paire en double à l’US Open 2020, NDLR), détaille-t-elle. Après, je pense que ça ne suffira pas à délaisser le simple. En tant qu’athlète, on a besoin de s'accomplir un maximum. L’argent ne prend pas le pas sur le challenge de carrière".
Voilà donc Mladenovic avertie. La suite de sa carrière, par nature, lui appartient. Si elle veut à nouveau tutoyer les sommets en simple, elle devra s’appuyer plus que jamais sur sa confiance accumulée en double. L’un ne va finalement pas sans l’autre. Alors, Mladenovic numéro un mondiale en simple après l’avoir été en double, c’est réaliste ? "Elle fonctionne beaucoup par phase : une phase où elle inarrêtable, une autre où elle ne sent pas son tennis", freine Camille Pin.
"Elle l’a déjà fait une fois donc elle est capable de le refaire, poursuit Nathalie Dechy. Mais je trouve que c’est une joueuse qui peut être très performante sur certaines semaines. C’est plus une joueuse capable de remporter un tournoi sur une semaine plutôt que d’être constante tout au long de l’année". De toute façon, pour ça, il y a le double.
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Timea Babos et Kristina Mladenovic lors de leur victoire à Roland-Garros

Crédit: Getty Images

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