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Nadal - Gasquet, duodecima, gâteau d'anniversaire... Nos souvenirs parisiens du roi Rafa

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 31/05/2020 à 18:23 GMT+2

Rafael Nadal a triomphé à Roland-Garros pour la première fois il y a quinze ans. En une décennie et demie de souvenirs, il y avait donc le choix. Plusieurs membres de la rédaction évoquent ici quelle image, quel match, quel moment leur vient spontanément à l'esprit lorsqu'il s'agit d'associer Roland-Garros et son souverain absolu.

Rafael Nadal soulève son 12e trophée à Roland-Garros

Crédit: Getty Images

Maxime Battistella

Cinq jeux partout, égalité. La finale de ce Roland-Garros 2011 connaît son premier grand moment de tension. Attiré au filet par une amortie, Rafael Nadal remet la balle comme il peut, Roger Federer n’a plus qu’à le passer tranquillement en revers. Mais le "Taureau de Manacor" semble soudain prendre une place immense au filet. D’une volée réflexe lobée de revers, il renverse la dynamique du point avant de conclure et de serrer le poing de rage. Rafa, la bête de scène, a pris possession de son environnement favori. Pourtant resplendissant en début de match, Roger, lui, n'existe plus.
C’est toujours ce qui m'a fasciné chez Nadal à Roland-Garros. Peu importent les goûts et les couleurs, il trouve sur le court Philippe-Chatrier une arène à la démesure de son charisme brut. Et ce dimanche 5 juin 2011, il relègue la légende Federer, son aîné de cinq ans et son plus grand rival au rang de second rôle en l'espace d'un échange. Il le marque au fer rouge psychologiquement, avec son sourcil froncé et son regard noir. Devant ma télé, j’ai su, à ce moment-là, qu’il avait d’ores et déjà remporté ce qui était à l’époque "seulement" son 6e titre parisien, arrivant ainsi à la moitié de son épopée (jusqu'ici).
C’est ce qui m’impressionne le plus chez lui, en fait. Cette capacité à gagner non seulement par ce qu’il impose physiquement, mais par ce qu’il dégage sur un court. D’autant plus que le décalage avec son comportement quotidien est absolument immense. Stéphane Houdet, champion de tennis en fauteuil, me l'a raconté plusieurs fois : Rafa est le premier à le saluer et à demander de ses nouvelles quand ils se croisent dans les vestiaires ou au Players’ lounge. Il est d’une gentillesse extrême et non affectée en dehors du court, une crème. Mais une fois sur scène, il se métamorphose et alors, mieux vaut ne pas croiser sa route, sous peine d’être fusillé au premier contact visuel. Docteur Rafa et Mister Nadal, la dualité du plus grand champion que Roland ait connu.

Rémi Bourrières

Au-delà de son combat mémorable contre Mathieu en 2006 ou de sa demi-finale titanesque contre Djokovic en 2013, l'un des matches de Rafael Nadal que je garde le plus nettement dans ma mémoire à Roland-Garros, c'est son tout premier, en 2005, contre l'Allemand Lars Burgsmuller. J'étais allé voir le 1er set dans son intégralité, pressé de découvrir le phénomène montant du tennis mondial, qui venait de rafler tous les titres sur terre battue au printemps.
Je me souviens d'ailleurs avoir pensé que la pression le rattraperait peut-être pour son premier Roland. Ce match, dont on a récemment fêté les 15 ans, avait eu lieu sur le court n°1. Et ce qui était génial avec le court n°1, c'est la proximité de la tribune de presse située à ras du sol, ce qui renforce clairement l'impression de vitesse et de puissance. Je dois d'ailleurs confesser avoir surcoté plus d'un joueur en l'observant depuis cette place forte désormais disparue. Alors Nadal vu du 1, comment dire... On avait l'impression d'être au beau milieu du tournage d'un film d'action américain, avec effets spéciaux dispensés en "live".
S'il était beaucoup moins fort tennistiquement qu'aujourd'hui, je crois en revanche que Nadal était plus spectaculaire à l'époque. Sa vélocité, sa musculature, sa chevelure, ses cris d'animal... Un taureau dans l'arène, pas d'autre mot. Et puis, ce lift ! A un moment, je me suis mis à la place de Burgsmuller. J'ai eu l'impression d'être un surfeur au creux de la vague Teahupoo. Je me suis : "tiens, ce joueur là, il va vraiment être très fort." Et pour une fois, je ne me suis pas trompé.

Bertrand Milliard

Il y a quelques jours, Toni Nadal confiait à Mats Wilander une des raisons pour lesquelles son neveu est si fort à Roland Garros : "Après la première semaine, Rafael joue de mieux en mieux et quand il est en finale, il arrive avec confiance car le Central est très bon pour lui. C’est un grand court. Il peut bouger, il a le sentiment que c’est très difficile de faire le point contre lui." Ces propos de l’oncle et coach illustrent parfaitement ce qui me vient à l’esprit quand je pense Nadal et Roland.
Les jours de finale, lorsque je ne commente pas, je prends place dans la tribune de presse, située latéralement au court Philippe Chatrier. Cela change radicalement le point de vue par rapport à la cabine de commentaire, qui se trouve elle dans l’axe du court. On y ressent les choses différemment. Déjà, on se trouve plus près des acteurs et à l’air libre.
J’en ai souvent profité pour garder le regard braqué sur le Majorquin. Tout est impressionnant : sa volonté en premier lieu, l’âpreté du combat physique et mental qu’il impose à ses adversaires, le lift monstrueux de son coup droit, la façon dont il occupe l’espace et l’incroyable défense de son terrain. Combien de fois l’ai-je vu malmené, promené aux quatre coins du court, à l’agonie sur un point pour finalement l’achever en lâchant un monstrueux et improbable contre gagnant, en coup droit ou en revers, accompagné d’un "vamos" retentissant et d’une gestuelle de vainqueur…
Ce court est fait pour lui, il n’en est pas le Roi pour rien. De ses douze conquêtes sur le Chatrier, je ne ressors pas tel ou tel souvenir précis mais plutôt celui, marquant, de cette impression dégagée, de confort sur le court, lié à une dimension favorisant son jeu, et de rouleau compresseur impitoyable laissant planer un sentiment d’invincibilité.

Maxime Dupuis

Mon meilleur souvenir de Rafael Nadal à Roland Garros… n'en est pas vraiment un. Mais un sentiment constant et une interrogation que, hasard du calendrier et des événements, Gaël Monfils et Jo-Wilfried Tsonga ont levé il y a quelques jours lors de leur Twitch commun. A un moment, les deux Français ont parlé tennis, évidemment, et de Rafael Nadal. Morceaux choisis : "Les amis, Rafa c'est… vous ne vous rendez pas compte de la force de ses balles". "L'intensité qu'il met…" "Il t'impose un truc incroyable, hors du commun. Physiquement, c'est un niveau au-dessus. Tu as beau travailler, tu n'es pas sûr d'arriver à ça…"
En moins d'une minute, les deux gars qui ont eu l'honneur - ou le malheur - de croiser la route du "Taureau de Manacor" ont résumé le sentiment que j'ai eu la première fois que j'ai eu le plaisir de suivre une rencontre de Nadal en direct des tribunes du Chatrier. Et qui ne m'a jamais quitté depuis. Rafa vous saoule de coups, vous essore physiquement et psychologiquement comme un problème insoluble.
D’ailleurs, le tennis m'a toujours fasciné par sa dimension psychologique, plus que technique, et par sa construction géométrique. Être en fond de court, face au filet, pour suivre une rencontre de Nadal est une expérience captivante parce que l'on se demande s’il est possible de le déborder. Alors, oui, c’est possible. Parfois. Mais à chaque fois, c’est une gageure… Imaginez un peu ce qu'il y a dans le crâne de l'autre ? Comment ne pas finir par se résigner face à ce mur humain ?

Cyril Morin

Pour moi, Nadal à Paris, c’est ce qu’on appelle un "no-brainer". L’évènement qui ne fait pas réfléchir. Nadal à Paris, c’est victoire à Roland-Garros, surtout pour quelqu’un qui a commencé à se passionner pour le tennis au moment-même où le jeune Espagnol arrivait pour prendre le pouvoir. Des souvenirs, j’en ai à la pelle. Comme fan de sport d’abord. Comme journaliste ensuite. Pourtant, celui qui illustre le plus Nadal à mes yeux est aussi le plus récent.
9 juin 2019. J'ai déjà couvert plusieurs éditions de Roland-Garros pour Eurosport. Déjà assisté aux destructions sublimes de Nadal sur ocre. Déjà été effaré par l'intensité folle mise sur chaque frappe et la puissance de son lift. Mais en ce 9 juin, jour de finale face à Dominic Thiem, c'est le mental exceptionnel du Majorquin qui me frappe. Encore et toujours. Je crois même que c'est ce qui me fascine le plus chez lui.
Au boulot, lorsque des événements majeurs se déroulent, j'ai une petite passion cachée : scruter les photos de l'événement. En tennis encore plus, tant les visages pourraient refléter à eux seuls les physionomies des matches. Celle, sublime, prise par Martin Bureau (AFP, ci-dessous) à la fin de la deuxième manche dit tout de l'orgueil magnifique du champion de Nadal. Presque vexé. Car Thiem a osé lui chaparder un set chez lui, Porte d'Auteuil, dans une finale très disputée. Crime de lèse-majesté.
Ses yeux noirs, son regard perçant, presque animal, tranchent avec sa tenue colorée. Ce pourrait être une affiche de film nommé "El Matador". Blessée dans son égo, la bête va contre-attaquer. C’est évident. Et lisible en un regard. La suite ? 6-1, 6-1 pour se couronner une douzième fois. Évidemment.
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Un regard de Matador pour fusiller des yeux Dominic Thiem qui a osé lui prendre un set à Roland-Garros : Nadal dans toute sa splendeur

Crédit: Getty Images

Sébastien Petit

Cette année, Rafael Nadal ne fêtera pas son anniversaire à Roland-Garros. Est-ce que cela va lui manquer ? Entre rituel et tradition, le 3 juin est toujours une date particulière pour les organisateurs du tournoi parisien. Le jour de naissance de son plus grand champion ne peut pas rester anodin. Et ça va faire bientôt quinze ans que ça dure. En 2005, l’événement n’en était pas vraiment un, le Majorquin débarquant Porte d’Auteuil. Mais dès l’année suivante, à l’heure de remettre son titre en jeu, il a eu droit à sa cérémonie personnalisée avec une petite réception, un cadeau (une serviette) et, bien sûr, un gâteau.
Est-ce que cela va vraiment lui manquer ? Entre jour de joie et jour d’obligation, le 3 juin est forcément une date particulière pour lui. Le jour le plus festif de sa vie, loin de chez soi, est toujours un moment particulier à vivre. Et ça va bientôt faire quinze ans que ça dure. En 2005, il était, tout comme nous, encore loin de se douter du rituel que ça allait engendrer, lui qui n’était qu’un débutant Porte d’Auteuil. Mais dès l’année suivante, Roland-Garros se pliait déjà en quatre pour lui pour marquer le coup. Entre malaise et fierté, difficile de savoir sur quel pied dansait alors le futur ogre de l’ocre. Lui qui était vu par certains à l’époque comme quelqu’un d’hautain et de froid se révélait souriant, presque détendu. Cette arrogance de façade affichée sur les courts n’était en fait que de la timidité mélangée à sa concentration.
Il fallait juste y assister pour s’en apercevoir. J’ai eu la chance d’y être un certain nombre de fois et voir cet envers du décor. C’était mon petit rituel à moi, témoin privilégié de la croissance du phénomène année après année. Je me souviens que, la première fois, les bougies improvisées avaient failli mettre le feu à ses cheveux longs. Et que d’année après année, le gâteau a grossi autant que son palmarès et sa place dans la légende. Cette année, pas de gâteau, pas de cérémonie, pas de rituel accompli. Ce n’est pas la première fois qu’il y aura ce trou dans la raquette, 2009 et 2016 étaient aussi des exceptions. Des exceptions douloureuses, reléguées au passé. Alors oui, cette année, Rafael Nadal ne fêtera pas son anniversaire à Roland-Garros, mais pour une fois, cela ne sera pas synonyme de mauvaise nouvelle pour lui. Est-ce que cela va lui manquer ? Sans doute beaucoup moins qu’à moi.

Laurent Vergne

Il y a longtemps que je n'avais pas attendu un match avec autant d'attente et d'excitation. Rafael Nadal contre Richard Gasquet. Les deux petits prodiges, dont on parle depuis si longtemps. 19 ans à peine. Leur demi-finale, à Monte-Carlo, a été sublime. On se dit que ces deux-là sont là pour un moment (on a raison) et que cette rivalité pourrait marquer les dix années à venir (on a tort). Ce vendredi brûlant (34 degrés à l'ombre) sur le Chatrier, c'est d'abord celui de ce 16e de finale que le tirage au sort avait fixé comme rendez-vous. C'est la première fois de ma vie que je vois Nadal évoluer "pour de vrai".
De match, il n'y aura pas. L'Espagnol s'impose en trois sets et, ce jour-là, j'ai le sentiment d'assister à quelque chose de définitif. Ce n'est pas tant la victoire de Nadal, ni même l'ampleur de celle-ci, qui impose cette évidence que tout ce que l'un dégage sur ce court et que l'autre ne parvient à exprimer. Sur cet immense court central, Nadal est à sa place. Gasquet paraît tout petit. Monte-Carlo semble dater d'il y a dix ans, pas d'il y a six semaines. Le Biterrois est écrasé par son adversaire parce qu'il est écrasé par le poids du contexte. L'attente, l'espérance, la foule.
Bien sûr, il y a la dimension tennistique. Le coup droit de Nadal, son top spin, tout ce que vous voudrez. Mais ce qui sépare le Majorquin du Français, et ce qui le séparera de quasiment tout le monde, c'est autre chose. Rarement j'ai à ce point ressenti de façon presque palpable la différence entre un joueur formidable, Gasquet, et un immense champion. Car en ce vendredi 27 mai 2005, si je suis bien incapable de prédire ce que deviendra le Mozart de Sérignan, il est déjà évident que Nadal, lui, sera un grand, un très grand. En réalité, il l'est déjà, même si, tennistiquement, il demeure perfectible. Mais à cet instant, ces considérations techniques sont presque secondaires. Nadal, c'est déjà autre chose.
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Nadal - Gasquet, Roland-Garros 2005.

Crédit: AFP

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