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Roland-Garros - Monfils et Paire sans repères : Le tennis français se dirige-t-il vers un fiasco ?

Maxime Battistella

Mis à jour 26/09/2020 à 12:04 GMT+2

ROLAND-GARROS – A quelques jours du début des hostilités sur la terre battue parisienne, le clan tricolore, en manque de résultats, inquiète à l’image de son numéro 1, Gaël Monfils. A tel point que l’on peut se demander si le tournoi, déjà historique en raison de la crise du coronavirus, ne le sera pas tristement pour le tennis français.

Gaël Monfils (Roland-Garros 2019)

Crédit: Getty Images

Ça fait 37 ans que ça dure. Depuis 1983, Yannick Noah attend son successeur en Grand Chelem et à Roland-Garros. Hasard du calendrier, au moment de son sacre, l’intéressé avait lui-même mis fin… à 37 années sans titre tricolore dans le simple messieurs après Marcel Bernard en 1946. Alors bis repetita ? Avouons-le tout de suite, si le clin d’œil du destin serait assurément magique, il y a, au moment où nous écrivons ces lignes, peu de raisons d’y croire. Ce serait même plutôt le contraire. Car depuis la reprise du circuit à la mi-août, nos représentants ont des bleus à l’âme.
A l’US Open voici quelques jours, aucun n’a atteint la seconde semaine. Et si Adrian Mannarino et Corentin Moutet ont sauvé l’honneur en se frayant un chemin vers le 3e tour, on se souviendra malheureusement plus côté français des malheurs de Benoît Paire, exclu du tournoi en raison d’un test positif au coronavirus, et de ses cas contacts, que des performances tricolores. De retour en Europe pour une saison sur terre battue décalée, les choses ne pouvaient – du moins osait-on l’espérer – qu’aller mieux.
Absent à Flushing pour ne pas prendre de risques avec le virus et s’éviter un changement de surface brutal, Gaël Monfils a d’ailleurs effectué sa rentrée après six mois sans compétition. Auteur du meilleur début de saison de sa carrière – il était 3e à la Race avec deux titres en poche quand les compétitions ont été suspendues début mars –, membre du top 10 plus ambitieux que jamais, le numéro 1 tricolore porte en grande partie les espoirs de lendemains plus roses. Mais coupé dans son élan, il a visiblement du mal à retrouver ses sensations. Avec deux défaites au 1er tour consécutives à Rome et à Hambourg contre les 97e et 103e joueurs mondiaux, "La Monf’" inquiète.

Monfils, leader sous pression et trop isolé

L’intéressé l’avoue lui-même – il s’en est ouvert sur les réseaux sociaux –, il est actuellement loin de son meilleur niveau. Mais gare au catastrophisme. "C’est le Français qui a le plus de chances d’aller en deuxième semaine, malgré ses deux défaites. Il a prouvé par le passé qu’en jouant très mal sur les tournois préparatoires, il était capable d’aller chercher un quart ou une demie à Roland-Garros. C’est un joueur avec lequel il n’y a pas de règles", estime notre consultant Arnaud Di Pasquale. Et force est de constater que l’ancien DTN (directeur technique national) connaît bien le loustic.
Monfils a atteint une demi-finale (2008) et trois quarts (2009, 2011 et 2014) à Roland : lors de ces quatre saisons, il a au mieux gagné 4 petits matches sur ocre sur le circuit (il avait en plus remporté un Challenger à Marrakech en 2008) avant de fouler le sol parisien. Pire, en 2009, il ne comptait aucun succès en préparation, tout comme en 2017, édition lors de laquelle il a quand même joué les huitièmes de finale du côté de la Porte d’Auteuil. Tête de série numéro 8, il ne pourrait affronter Dominic Thiem qu'en quart de finale, soit un tour plus tard que l’an passé.
Bien que très régulier à ce stade, le Parisien ne représente pas pour autant une assurance tous risques de présence en seconde semaine. "Le problème, c’est de miser sur un seul homme. C’est toujours dangereux. Et Gaël Monfils n’aime pas avoir trop les regards rivés sur lui. La différence, c’est que d’habitude, ils sont quand même plusieurs sur lesquels on compte. Et là, j’ai le sentiment qu’il est un peu isolé. Il y a quelques absents, et forcément, un peu moins de profondeur. Il manque surtout de joueurs bien classés, capables de faire de bonnes perfs. De ce côté-là, ce n’est pas de bon augure", concède Di Pasquale. Les forfaits de Jo-Wilfried Tsonga et de Lucas Pouille ces dernières semaines ont un certain poids dans le pessimisme ambiant.
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Di Pasquale : "Pas de conclusion hâtive sur Monfils : il me donne encore envie d'y croire"

Un clan affaibli par les absences et les coups durs

Car si le Manceau n’a plus atteint la seconde semaine depuis cinq ans à Roland, il a quand même tenu la baraque souvent au cours de la dernière décennie. Deux fois demi-finaliste (2013 et 2015) et une fois quart-de-finaliste (2012), il représentait des chances certaines de beau parcours, mais à 35 ans, son corps et son dos notamment ne lui laissent que peu de répit et il a déjà tiré un trait sur sa fin de saison. Pouille, lui, n’a encore jamais brillé à Roland mais il en avait le potentiel. "Au regard de ce qu’il a montré très tôt en arrivant sur le circuit, de la manière dont il a été capable d’élever son niveau de jeu pour aller battre des Del Potro à Wimbledon ou Nadal à l’US Open (en 2016, NDLR), ça présageait quand même de très bons résultats. Je suis triste parce qu’il ne se sort pas de sa blessure au coude", souligne notre consultant.
Vers qui alors se tourner pour épauler Gaël Monfils ? Benoît Paire qui avait découvert les huitièmes de finale l'an passé ? On ne sait même pas si l’Avignonnais sera autorisé à jouer, lui qui a encore été testé positif à la covid-19 à Hambourg. Et même s’il peut s’aligner, dans quel état se présentera-t-il sur le court ? Fatigué mentalement et physiquement par des semaines d’isolement, il n’a fait que de la figuration à Rome, avant d’abandonner en Allemagne. Incapable de tenir deux sets en ce moment, il devra se frotter au format des cinq manches, un défi pas loin d’être insurmontable pour lui.
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"C'est grotesque, je suis à l'agonie" : Paire souffrait déjà après... 3 jeux

On l’aura compris, les chances françaises de figurer en seconde semaine ne sont pas légion. Or depuis le début de l’ère Open, les absences tricolores en huitièmes de finale à Roland-Garros se comptent sur les doigts de deux mains. C’est arrivé précisément à 7 reprises, la dernière en date il y a deux ans, et seulement deux fois lors des 20 dernières années (avec l’édition 2007). Parmi les autres Bleus engagés cette année, Richard Gasquet est celui qui a le plus de références sur l’ocre parisien : des huitièmes en 2011, 2012, 2013 et 2015, ainsi qu’un quart en 2016. Mais à l’image de son compère Tsonga, il se bat actuellement avec un corps qui ne répond plus totalement aux exigences du très haut niveau. Depuis sa défaite au 2e tour contre Alex de Minaur à Flushing, on ne l’a plus vu en action sur un court.

Gasquet, emblème d'une génération en bout de piste

"C’est une période difficile pour lui. Il y a des petits pépins à droite, à gauche qui l’empêchent de s’épanouir pleinement sur le court. Pour l’avoir croisé à plusieurs reprises, il s’accroche, il a envie parce que c’est un passionné. Il adore le tennis, sentir la balle et je suis assez admiratif", confie Di Pasquale qui ne se fait toutefois pas d’illusions sur les limites physiques du moment. Gasquet est peut-être l’emblème d’une génération – Gaël Monfils excepté – qui arrive en bout de piste. Gilles Simon, qui n’a gagné qu’un match en qualification à Hambourg sur ocre, souffre également en ce moment.
"La dynamique est tout autre qu’à une époque où on les attendait en quart et en demie de Grand Chelem quasiment à chaque fois. C’était d’ailleurs très excitant parce qu’on savait qu’on avait quatre bonhommes qui étaient capables de faire de grands résultats et qui se retrouvaient presque systématiquement dans les 20 premiers mondiaux", considère l’ex-DTN. Les attentes à leur égard sont de fait désormais beaucoup moins grandes. Mais si l’on veut voir le verre à moitié plein, ils n’ont rien à perdre non plus lors de cette édition 2020 hors norme où, finalement, la très courte préparation sur terre battue peut jouer en leur faveur.
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Gasquet a fait durer le suspense mais De Minaur était trop fort

"Je ne suis pas en train du tout de le pousser vers la sortie, mais Richard peut se dire qu’il est en train de vivre un de ses derniers Roland et ça peut le libérer. Certains, en fin de carrière, ont réussi à jouer avec un peu moins de pression et ont réussi de belles choses. Avoir plus de recul, de distance, de hauteur, ça permet parfois de jouer plus relâché. Et si physiquement, il tient, ça reste un joueur très dangereux." Nicolas Mahut, invité surprise au 3e tour l’an dernier à 37 ans, peut en témoigner. Le problème, c’est que le tirage au sort s’est montré particulièrement cruel pour Gasquet et Simon, condamnés à l’exploit d’entrée respectivement contre Roberto Bautista Agut et Denis Shapovalov.

L'absence de public (ou presque) n'aidera pas

Une autre donnée importante pour envisager ce genre de scénario positif manque à l’appel : le soutien du public. Pour que les Bleus se transcendent à Roland, c’est un élément essentiel. Or, seulement 1000 spectateurs pénètreront dans les 12 hectares du site. Le court Philippe-Chatrier, qui peut en accueillir plus de 15000, sonnera donc bien creux. "Il y a un point qui m’inquiète, c’est que Gaël aime beaucoup jouer avec le public, s’en nourrir. Il a ce côté showman et quand ça ne se passe pas bien dans un match, ça peut faire office d’électrochoc, ça peut faire une grande différence. Il faudra qu’il aille chercher au plus profond de lui pour trouver l’énergie. Mais si tout se passe bien au score, on ne se posera évidemment pas ce genre de questions", observe Di Pasquale.
Opposé au fantasque et talentueux Alexander Bublik – quart-de-finaliste à Hambourg cette semaine – pour son 1er tour, le numéro 1 tricolore ne pourra compter que sur lui-même. Gare au démarrage diesel ! Mais il n’est pas le seul concerné. Pour renverser des parties mal engagées, se sublimer, réaliser des exploits dans les premiers tours, les Bleus au classement plus modeste se servent souvent de ce supplément d’âme. Dans le contexte anxiogène actuel avec l’ombre du coronavirus qui plane sur le tournoi, ils en ont cruellement manqué pendant les qualifications. Benjamin Bonzi est ainsi le seul Français à s’en être extrait.
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Les Hits du jour : "Moutet a des petits défauts mais là, il a montré des signes de très grand"

Mentalement, les Bleus devront donc être très solides. Et l’espoir est peut-être à aller chercher du côté de la relève. A Flushing, Corentin Moutet a notamment montré que le huis clos ne l’affectait pas plus que cela. Le gaucher, qui avait frôlé les huitièmes de finale à Paris l’an dernier, est certainement très motivé à l’idée de franchir un cap. "Corentin est encore un peu vert parfois, un peu irrégulier. Mais il avance, il progresse, il sait où il veut aller. Son projet est bien défini et c’est ce qu’il faut retenir. Il est hyper heureux de jouer Roland, il a envie d’en découdre et pourrait nous surprendre", encense Di Pasquale. Un obstacle l'attend rapidement toutefois. S'il franchit le 1er tour, Moutet devra vraisemblablement se frotter à Diego Schwartzman, tout juste finaliste à Rome. Un sacré défi.

Humbert et Moutet, la relève à la rescousse ?

Mais le Français le plus en forme du moment incontestablement est un autre gaucher : Ugo Humbert. Avec son jeu d’attaquant, il a à première vue plus d’arguments sur les surfaces rapides. D’ailleurs, il a découvert la deuxième semaine d’un Majeur à Wimbledon l’an passé, avant de gagner son premier titre ATP à Auckland début 2020. Mais c’est bien sur la terre battue italienne qu’il a atteint son premier huitième de finale en Masters 1000 la semaine dernière, avant de s’offrir Daniil Medvedev (son premier top 10) à Hambourg. "C’est un vent de jeunesse aussi, c’est chouette, ça fait du bien. Il va arriver avec un peu de confiance. Il peut aller chercher une deuxième semaine. Mais on ne va pas se mentir : tout dépend aussi du tableau, il n’est pas tête de série", observe l’ex-DTN.
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Plus puissant et plus fort que Vesely, Humbert est resté sur son nuage

Désormais 41e joueur mondial, le meilleur classement de sa jeune carrière, Humbert n’a pas été protégé non plus. Comme Moutet, il lui faudra se débarrasser d’un qualifié puis, surtout, sortir le grand jeu selon toute logique face au Chilien Cristian Garin, tête de série 20 et spécialiste de la terre battue, au 2e tour. Rien n’a donc été épargné aux Bleus, et au-delà d’une hypothétique deuxième semaine, il sera déjà important de voir combien seront encore en lice au… 3e tour. Un stade de la compétition où il y a toujours eu au moins un représentant français dans l’ère Open. Une débâcle historique est-elle envisageable ?
Arnaud Di Pasquale se refuse à jouer les prophètes lugubres. "C’est très dur de s’aventurer dans un quelconque pronostic. Malgré tout, il y aura pas mal de Français dans le tableau et peut-être qu’un ou deux réussiront à faire un joli parcours. Et quand je dis faire un joli parcours, c’est viser la deuxième semaine." En comptant les invités et le qualifié, ils seront ainsi 18 sur la ligne de départ, soit plus de 14 % des engagés. Le nombre fera-t-il la force du tennis tricolore ? Il n’y a plus qu’à l’espérer.
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