Alizé Cornet : "A Roland-Garros, j'ai eu de grands moments de solitude et de grands moments de joie"

Pour elle aussi, c'est le dernier Roland-Garros. Mieux, c'est son dernier tournoi. C'est donc avec beaucoup d'émotions qu'Alizé Cornet s'est présentée ce vendredi face à la presse pour évoquer son premier tour face à Zheng Qinwen mais surtout pour revenir sur sa relation si particulière avec le Majeur parisien. Et le public français.

Alizé Cornet à Roland-Garros

Crédit: Getty Images

C'est votre dernier tournoi. Pouvez-vous résumer un peu ce que ce tournoi représente pour vous et votre carrière ?
Alizé Cornet : C'est une question qui mériterait une longue réponse. Roland-Garros représente 20 ans de ma vie. Ça a été mon premier tournoi du Grand Chelem quand j'avais 15 ans. Ce sera mon 20e cette année. C'était aussi l'endroit où je voulais dire au revoir au tennis professionnel. Je suis contente d'être arrivée à ce moment-là où je peux enfin faire mes adieux devant mon public et ma famille. Roland-Garros, c'est une grande histoire d'amour qui n'a pas toujours été facile. C'est le cas pour tous les joueurs français. Je suis contente de choisir ma sortie et que ce soit ici, dans ce tournoi qui a signifié tellement pour moi.
Justement, comment abordez-vous émotionnellement les choses ?
A.C : Je me laisse porter. De toute façon, je n'ai pas grand-chose d'autre à faire. J'essaie de rester concentrée sur mes entraînements. Je fais ma préparation exactement comme chaque année et comme je le fais depuis 20 ans, avec tout mon investissement. Je fais les choses bien avec toute la rigueur qui est la mienne depuis tant d'années. Cela me permet un peu de mettre le côté émotionnel de côté, de me focaliser sur quelque chose de concret que sont les entraînements, l'adversaire qui arrive, etc. À des moments, je réalise ce qui va se passer d'ici les prochains jours et les prochaines semaines, il y a un peu de nostalgie qui m'envahit. C'est complètement normal. Au final, le contraire serait étonnant. Il y a des hauts et des bas. Dans l'ensemble pour l'instant, je tiens la route.
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Video credit: Eurosport

Vous aviez 15 ans pour votre premier Roland-Garros. Est-ce qu'au moment de quitter ce sport, vous pensez le quitter dans un meilleur état qu'à vos débuts ?
A.C : Dans un meilleur état ? Quand on est dans ce milieu depuis si longtemps, on a du mal à voir l'évolution. C'est comme quand on se regarde dans un miroir, on ne se voit pas vieillir et quand on compare, on voit la différence entre les deux photos ; c'est pareil avec le tennis. J'ai du mal à me souvenir comment c'était à mon arrivée. Il y a eu des changements et une évolution. L'évolution que je remarque, la plus concrète, c'est le niveau de jeu général, en tout cas sur le circuit féminin, qui a énormément évolué. Ces 20 dernières années, il y a eu vraiment un niveau qui est devenu de plus en plus fort. Les filles sont de plus en plus puissantes et athlétiques, complètes. Je ne sais pas si ce n'est pas uniquement le tennis féminin, mais les matches sont très intéressants. Il y a de belles rivalités. C'était le cas aussi avant mais en termes de niveau de jeu pur, c'est un peu mieux maintenant. Après, dans l'ensemble, j'ai du mal à me souvenir de comment c'était avant. J'ai plutôt bien vécu ma carrière sur le circuit donc j'imagine que l'évolution a été bonne. Je n'ai pas vraiment d'exemples me faisant dire : c'était mieux avant ou des choses comme ça. Les choses suivent leur cours. Les femmes sont de mieux en mieux valorisées, dans le tennis on partait déjà de haut. Je dirais que je n'ai pas vraiment de réponse établie à cette question. Tout ça pour dire que je ne sais pas !
Qu'est-ce que qui va vous manquer, ou pas, à Roland-Garros après votre carrière ?
A.C : Ce qui va me manquer, c'est de jouer au tennis, je pense, parce que c'est vraiment un sport que j'aime toujours autant, même après toutes ces années. J'aime juste taper dans la balle et jouer au tennis, ça paraît tout simple après toutes ces années. Mon enfant intérieur est encore très demandeur de tennis. Ce qui va me manquer aussi c'est l'émotion quand on gagne les matches. C'est hyper addictif, qui nous fait nous dépasser chaque jour, on veut retrouver cette émotion à chaque fois. L'adrénaline de cette émotion, l'adrénaline des matches. Je pense que c'est quelque chose qu'on a du mal à retrouver avec autant d'intensité dans une vie plus lambda. Paradoxalement, c'est aussi ce qui ne va pas me manquer, quand on vit cela à l'extrême pendant autant de temps, une grande lassitude s'installe. C'est sympa de faire le yoyo pendant quelques années mais pendant 20 ans c'est très demandeur psychologiquement. Je suis contente d'avoir tenu la baraque, d'avoir tenu ce niveau tant de temps et d'être restée à ce classement, pendant quasiment 20 ans. Cela m'a beaucoup coûté émotionnellement et psychologiquement. Je pense que je suis tout simplement prête à avoir une vie plus pépère même si avec moi ce ne sera jamais pépère. J'ai tout donné pour ce sport. Tout donné même plus que ça, même au-delà. Je dirais que ce qui va me manquer et pas me manquer, ce sont un peu les mêmes choses. Il y a aussi peut-être de faire mes bagages toutes les semaines, de les refaire, les défaire, même pas les défaire en fait, de les re-refaire, de ne jamais pouvoir me poser plus de cinq jours chez moi à la maison. Ça va être quelque chose qui va être reposant, d'avoir un vrai ancrage dans un présent où je peux avoir une vie normale, ce qui n'est pas le cas actuellement.
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Alizé Cornet lors de son match du 1er tour à Roland-Garros 2023

Crédit: Getty Images

En regardant dans le rétroviseur, que pensez-vous que le public français ici à Roland-Garros vous a apporté ? Un boost de confiance ou de la pression ?
A.C : Le public de Roland-Garros n'est pas facile. J'ai eu de grands moments de solitude sur les courts et de grands moments de joie. C'est un peu les deux. C'est un peu une relation... Je n'ai pas le mot qui me vient, je le ressens fort au fond de moi. Ce public peut vous donner énormément. Cela tombe bien, je donne beaucoup sur le court, de moi, de ma personne systématiquement, je me bats, je m'exprime. J'ai souvent eu beaucoup de soutien en retour. C'est un public qui est toujours prêt à sauter sur une occasion pour montrer son mécontentement, pour s'exprimer, pour parfois être un peu dans le... J'en perds mes mots ! Je mesure mes mots parce que je sais à quel point ça peut être… Après 20 ans je vous connais les gars ! Je mesure mes mots. Ce public peut beaucoup vous donner mais aussi vous faire sentir très seul, surtout qu'en tant que Français, on a envie de les rendre fiers et de leur donner du spectacle, et parfois quand ce n'est pas le cas… C'est un sentiment très difficile, parce qu'on a l'impression de décevoir. Ce n'est pas que moi, cela arrive à beaucoup d'autres joueurs français. Tout est extrême ici. C'est ce qui est bon d'un côté.
Vous êtes proche d’Amélie Mauresmo, directrice du tournoi. Avez-vous une idée du court où vous voudriez rendre votre dernier souffle ?
A.C : Je n'ai pas fait de demande. Je ne sais pas quand je vais jouer ni sur quel court. Je me dis que le destin fera bien les choses. Le destin ou alors Amélie, un des deux. Je pense qu’Amélie et les gens de l'organisation sauront faire en sorte que ce soit une belle fête pour mon ou mes derniers matches, je me laisse donc porter.
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