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US OPEN - Carlos Alcaraz, la mini-crise de croissance

Laurent Vergne

Mis à jour 30/08/2022 à 17:33 GMT+2

US OPEN – Après un début de saison ébouriffant qui lui a permis de s'installer au top niveau mondial, Carlos Alcaraz connait un peu plus de difficultés depuis la fin de la saison sur terre battue. Tout ceci reste cependant très relatif. Mais s'il est redescendu de son nuage printanier, le jeune Espagnol garde le cap et, après tout, il n'a encore que 19 ans. C'est encore l'heure de l'apprentissage.

Carlos Alcaraz durante el Masters de Montreal 2022

Crédit: Getty Images

C'est la crise. Qu'arrive-t-il à Carlos Alcaraz ? Plus un seul titre depuis le Masters 1000 de Madrid au début du mois de mai. Il n'a remporté aucun des six derniers tournois auxquels il a pris part, quand il avait soulevé le trophée à quatre reprises (deux 1000, deux 500) lors des six précédents. Un feu de paille ? Une catastrophe ? Un drame ? Un minot monté en épingle ? Rien de tout ça. Tout va bien pour le jeune prodige espagnol. Si anormalité il y avait, elle résidait sans doute davantage dans son rush totalement fou entre la fin de l'hiver et le début du printemps que dans ce qu'il vit depuis deux ou trois mois.
Il avait débarqué à Roland-Garros quasiment avec l'étiquette de co-favori avec Rafael Nadal et Novak Djokovic. Avec le recul, cela pouvait sembler déraisonnable, mais il s'était montré si fort, que ce soit sur dur ou sur terre, qu'un tel statut n'était pas illégitime. Après tout, il avait battu à peu près tout le monde lors des tournois de préparation au Grand Chelem parisien : Nadal, Djokovic, Tsitsipas, Zverev.
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Depuis son coup d'arrêt face à Zverev en quart de finale de Roland-Garros, Carlos Alcaraz fait un peu plus son âge. Mais si crise il y a, elle est de croissance et elle n'est que très relative. Après Roland, le Murcien a atteint les huitièmes à Wimbledon (défaite en quatre sets contre Jannik Sinner), disputé et perdu deux finales à Hambourg et Umag (contre Lorenzo Musetti et Sinner à nouveau) et rallié les quarts à Cincinnati. Pour 95% des joueurs du circuit, un tel bilan estival serait considéré comme remarquable. Pas pour lui. Pourquoi ? Parce qu'il est Carlos Alcaraz, jeune champion d'une précocité inédite depuis l'émergence d'un Nadal ou d'un Djokovic il y a maintenant plus de quinze ans.
Il est en train d'apprendre plein de choses, y compris le fait d'être Carlos Alcaraz
"Je ne suis pas inquiet du tout pour lui, assure son compatriote Alex Corretja, consultant pour Eurosport. Il gagnera des Grands Chelems, il sera numéro un mondial, j'en suis absolument convaincu. Je ne m'attendais pas à ce que les choses aillent aussi vite pour lui au début de l'année. Ce qu'il vit aujourd'hui, cet été, c'est simplement normal. Donc aucune inquiétude, je suis très serein pour lui. Il suit simplement un processus de construction et d'apprentissage."
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Parce que tout est allé à une vitesse supersonique pour lui en début de saison (il n'était pas encore dans le Top 30 en début d'année avant d'intégrer le Top 10 puis le Top 5), l'Espagnol doit assimiler beaucoup plus de choses que prévu en très peu de temps. Sur le court mais aussi en dehors. "Il est en train d'apprendre plein de choses, y compris le fait d'être Carlos Alcaraz, quelqu'un de connu à travers le monde entier, souligne Corretja. Partout où il va, on lui demande de signer des autographes, de faire des photos, etc. On le reconnaît dans la rue. Gérer tout cela, ça s'apprend et c'est ce que Carlos est en train de faire. Il n'a encore que 19 ans."
En toute franchise, le protégé de Juan Carlos Ferrero avait admis récemment à Montréal avoir ressenti le poids qui pesait sur ses épaules. C'était inédit pour lui. "C'est la première fois que je n'ai pas réussi à gérer la pression, avait-il dit après sa défaite contre Tommy Paul (7-6, 6-7, 6-3) dès son entrée dans le Masters 1000 québécois. J'ai ressenti le fait d'être la deuxième tête de série dans ce tournoi, d'être le N°4 mondial et ça m'a pesé. C'est la première fois que je ressens cette pression et je n'ai pas su faire avec."

Un problème de riche

Sur un plan strictement tennistique, il subit une autre forme de contrecoup : le circuit a appris à le connaître. L'effet de surprise a vécu. Les autres ont envie de le battre. S'imposer face à Carlos Alcaraz, ce n'est plus dominer un gamin de 18-19 ans mais un Top 5 mondial. Pour Mats Wilander, l'Espagnol doit donc s'ajuster mais aussi trouver des clés tactiques qui lui font encore parfois défaut. "C'est un joueur incroyable, phénoménal même, avec un jeu très excitant, mais tactiquement, j'attends qu'il fasse les choix qui vont lui permettre de gagner 10 ou 15 tournois du Grand Chelem, juge l'ancien numéro un mondial. Il en est capable mais parfois, il est encore un peu sauvage, un peu jeune, un peu fou, mais c'est aussi ce qui le rend aussi génial à voir jouer."
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Carlos Alcaraz.

Crédit: Getty Images

"Si vous regardez par exemple la fin de son match contre Cameron Norrie à Cincinnati (en quarts de finale, NDLR), il fait quelques choix tactiques qui posent parfois question, poursuit Mats Wilander. Il va abuser par moments de l'amortie, ou prendre un risque excessif quand ce n'est pas forcément nécessaire." Mais là aussi, ce syndrome est le revers de la médaille du talent hors normes de Carlos Alcaraz. Ce n'est pas par manque de solutions que le numéro 4 mondial pêche dans ces moments-là mais par... excès. En somme, il a un problème de riche, plus encore à un âge aussi précoce.
"Au même âge, Rafael Nadal se reposait davantage sur sa solidité et sa constance", précise le consultant suédois d'Eurosport. La palette du Majorquin était sans doute un peu moins complète que celle de son jeune compatriote. Les choix, dès lors, étaient plus simples à opérer. Wilander, encore : "Carlos, lui, a tellement d'armes, tellement de choix devant lui, qu'il est plus difficile pour lui de décider s'il est plus pertinent à tel moment de frapper un gros coup droit ou distiller une amortie, faire un service-volée, rentrer dans le court avec son revers, etc. C'est pour cela qu'il ne joue pas toujours le coup juste, notamment sur les points importants, quand un Nadal ne se trompe presque jamais."
Mais le danger serait de se réfréner. Alcaraz est trop jeune pour cela. Mats Wilander estime que c'est l'erreur à ne pas commettre, quitte à connaître aujourd'hui quelques accrocs et une mini-crise de croissance, qu'il ne sert à rien de vouloir limiter : "Si j'étais son entraîneur, je dirais à Carlos 'Vas-y, continue. Oui, tu vas te tromper mais un jour tu vas réaliser naturellement ce que tu as besoin de faire sur chaque point, sur chaque frappe'." Ce jour-là, la petite crise de croissance sera terminée et il n'y aura plus grand-chose, et peut-être plus grand-monde, pour freiner le joyau d'El Palmar.
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