US Open 2023 | Karolina Muchova, l'âge de la maturité : "Mon corps a eu besoin de temps"

Comme souvent, elle avance dans l'ombre. Dans cette quinzaine new-yorkaise, Karolina Muchova fait son petit bonhomme de chemin, comme si de rien n'était, presque à l'abri des regards. Et pour cause, ceux-ci sont concentrés sur l'étoile du tennis féminin américain : Coco Gauff, sa future adversaire en demi-finale jeudi. Il faut dire qu'après l'élimination d'Iga Swiatek ou encore Elena Rybakina, les chances de voir la prodige de 19 ans soulever le trophée samedi ont, de fait, augmenté, surtout vu sa dynamique (titres à Washington et Cincinnati, 15 victoires sur ses 16 derniers matches).

Oui, mais voilà, Karolina Muchova, qui a gagné 10 matches sur 11 dernièrement, n'a pas grand-chose à lui envier en termes de confiance et aucune intention de jouer les faire-valoir. Pour s'en persuader, il suffisait de l'écouter dès son succès en 8e de finale contre la Chinoise Xinyu Wang. "C'était le dernier Grand Chelem où je n'avais pas atteint les quarts, donc je suis vraiment heureuse de l'avoir fait. C'est bien mais je ne veux pas m'arrêter là", avait-elle insisté.

Connue pour sa capacité à couper les têtes – elle a gagné 6 de ses 8 confrontations contre des membres du Top 3 ! –, la Tchèque est entrée dans une autre dimension cette saison en se montrant de plus en plus régulière dans l'excellence. Et ce pour une simple et bonne raison : sa condition physique le lui permet désormais. En 2023, elle affiche d'ores et déjà 50 matches au compteur, plus que jamais auparavant sur le circuit WTA, dont 38 victoires (soit 76 % de réussite), et n'a déçu qu'à Wimbledon où elle s'était… blessée à la cuisse droite lors de son premier tour perdu contre Jule Niemeyer. Elle est donc enfin en état de donner à son talent et à son jeu si complet leur pleine mesure.

"C'est une longue histoire. Mon corps a eu besoin de temps en quelque sorte, a-t-elle confirmé devant les journalistes après son quart victorieux. Ça a été du travail en continu pour trouver la bonne formule, pour arriver à rester en bonne santé et à ne pas me blesser après chaque match. Cette année, c'est arrivé d'une certaine façon. Mon équipe et moi avons trouvé une solution pour que je puisse au moins jouer régulièrement. Je suis juste heureuse que ce soit arrivé. J'ai 27 ans maintenant, et c'est aussi pour ça que j'en profite et que j'apprécie de pouvoir le faire. Je me souviens que l'année dernière, j'avais des soucis, j'avais perdu au 1er tour et je ne pouvais pas continuer, donc je suis juste vraiment heureuse de jouer."

A pareille époque en 2022, elle pointait ainsi à la 235e place mondiale. Elle fait désormais partie du Top 10 et est même 7e provisoire à la Race avec cette première demi-finale à l'US Open, en course pour une place au Masters. Endurcie par les épreuves – elle a été éloignée sept mois des courts d'août 2021 à mars 2022 à cause de blessures aux abdominaux puis au dos, avant de quitter Roland-Garros la même année en chaise roulante après une torsion de la cheville –, Muchova n'en est que plus dangereuse.

"Ma force mentale ? Comment je pourrais la décrire… Je fais en sorte que les choses soient assez simples et de ne pas attendre trop de moi. J'ai l'impression que je suis une dure à cuire aussi dans la vie, a-t-elle lâché dans un sourire. Ça aide mon tennis. Certains jours sont mieux que d'autres de ce point de vue. Mais j'essaie toujours d'être au clair dans ma tête, d'être relâchée et de profiter du sport, ce sont les fondamentaux. Je suis assez têtue et je vais toujours chercher ce que je veux. Quand je me fixe un objectif, je fais toujours tout pour l'atteindre, et je suis une compétitrice dans l'âme pour tout."

Sa finale à Roland-Garros en juin, lors de laquelle elle était passée tout près du titre face à la maîtresse des lieux Iga Swiatek, a renforcé sa conviction en son destin en Grand Chelem. Il serait donc très malavisé de la sous-estimer à l'orée du dernier carré à New York. Si elle ne part pas favorite contre Coco Gauff qui l'a battue en finale de Cincinnati dernièrement lors de leur seul duel précédent, elle ne peut être regardée que comme une simple challenger. D'autant que les circonstances dans l'Ohio étaient vraiment différentes.

Muchova y avait ainsi gagné tous ses matches – sauf le quart de finale franchi sur abandon – au bout des trois sets et elle avait dû jouer tous les jours. A son âge et avec son passif en termes de blessures, elle partait donc avec un handicap rédhibitoire contre une athlète de la dimension de l'Américaine. A New York, la chaleur humide jouera aussi un rôle important, mais la Tchèque aborde l'événement avec davantage de fraîcheur : elle n'a lâché qu'une manche en route en 8e de finale, seule partie où elle a passé plus de deux heures d'affilée sur le court.

"Physiquement, j'aime les Majeurs parce que vous avez toujours un jour de repos, donc vous pouvez mieux vous préparer, votre corps peut se remettre un petit peu, vous avez plus de confiance", avait-elle d'ailleurs prévenu en début de tournoi. Et Muchova de poursuivre avant le choc qui l'attend jeudi : "C'est une super joueuse, ce sera une bataille dure, c'est évident, mais je serai prête."

Entre son tennis tout en variations, slices, accélérations, montées au filet, et celui de plus en plus complet de Gauff dont la couverture de terrain est exceptionnelle, le spectacle promet. Muchova ne rêve que d'une chose : briser le rêve de toute une nation pour continuer à vivre le sien.