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Bautista Agut, ou une autre idée de la réussite

Laurent Vergne

Mis à jour 12/07/2019 à 12:56 GMT+2

WIMBLEDON – Roberto Bautista Agut doit se sentir tout petit dans ce dernier carré où il côtoie les trois légendes, Federer, Nadal et Djokovic. A 31 ans, l'Espagnol va jouer face au Serbe sa première demi-finale majeure. Il a pris son temps, mais son atypique parcours a quelque chose d'exemplaire.

Roberto Bautista Agut

Crédit: Getty Images

Novak Djokovic. Rafael Nadal. Roger Federer. Roberto Bautista Agut. Cherchez l'intrus. Il n'est pas très compliqué à trouver. Le triumvirat du tennis mondial pèse 123 demi-finales, en comptant celles de vendredi. RBA, le quatrième homme du dernier carré londonien, va quant à lui découvrir cet horizon. A 31 ans. Il n'appartient ni à la caste des géants ni même à celle juste en-dessous. Ce n'est même pas un membre de la NextGen, celle qui doit, un jour (mais quand ?), assumer la relève quand ces messieurs de la haute auront daigné laissé la place, puisqu'il ne semble question de la leur prendre.
Non, Roberto est juste Roberto. L'Espagnol suit sa propre trace, appartient à sa propre catégorie. Car s'il y a bien une chose qu'on ne peut lui enlever, c'est le côté unique de sa trajectoire. Bautista Agut n'a rien pour inviter au désir excessif. Il ne dégouline pas de talent, n'était annoncé par personne dans ses premières années sur le circuit. Ni dans ses moins jeunes, d'ailleurs. C'est le genre de joueurs dont aucun coup ne dépasse de la raquette. Il ne possède pas non plus une personnalité extravagante. Il ne sort pas de conneries plus grosses que lui, ne dit du mal de personne. Pour un peu, ce serait l'anti-Kyrgios.
Tout ceci est indubitable, et pourtant, ce n'est en aucun cas une raison pour ne pas nourrir vis-à-vis de lui, si ce n'est une quelconque passion, en tout cas une certaine admiration. Il y a du David Ferrer en lui, et pas seulement parce qu'ils sont tous deux originaires de la région de Valence. Un Ferrer bis, certes pas l'idéal pour devenir bankable, mais l'assurance, au moins, de tirer le meilleur parti de son potentiel. Voire de le surpasser.
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Wimbledon - Roberto Bautista

Crédit: Eurosport

Il y a quelques années, lorsque Roberto a commencé à émerger doucement au plus haut niveau, il avait d'ailleurs cité Ferrer, et non Nadal, comme son modèle absolu. Il s'est inspiré de lui presque jusqu'au mimétisme, avouant boire ses paroles et ériger ses conseils en parole d'évangile. Comme son ainé valencien, il place le travail au-dessus de tout. D'ailleurs, quand on lui a demandé mercredi si cette première demi-finale majeure signifiait qu'il appartient désormais à l'élite, Bautista a formulé cette réponse en forme d'autoportrait : "cela veut juste dire que je travaille bien."
Il faut dire qu'à 31 ans, Roberto Bautista Agut n'a plus l'âge de s'égarer dans une quelconque euphorie. Sans doute le privilège de l'éclosion sur le tard. Mais il savoure cette rare heure de gloire à sa juste valeur, plus que si elle était survenue bien plus tôt. Parce qu'il n'est pas sûr d'en vivre beaucoup d'autres après, et peut-être, aussi, parce qu'il n'imaginait pas qu'il puisse y en avoir, avant.
Question précocité, on repassera. S'il avait écouté les sceptiques, le patient Espagnol n'aurait jamais mis les pieds sur le Centre Court vendredi. Il aurait raccroché ses raquettes depuis longtemps. A 20 ans, il pointait au 485e rang au classement ATP. Il a dû attendre d'avoir 22 ans pour intégrer le Top... 200. Et lorsqu'il a enfin crevé le plafond du Top 100, en août 2012, Bautista Agut avait déjà fêté depuis quatre mois son 24e anniversaire. Il n'a remporté son premier match en Grand Chelem qu'à 24 ans et neuf mois. A cet âge-là, Federer avait déjà gagné sept Majeurs. Nadal huit. Djokovic cinq. C'est dire l'ampleur de ce qui sépare les trois géants du quatrième larron de la quinzaine en cours.
Au-delà de son cas, son émergence tardive et sa constante bonification sont une invitation à éviter les jugements définitifs. Sur un Zverev, par exemple, bon à jeter aux orties à 22 ans à écouter certains. Il n'y a pas de règle absolue pour s'accomplir. Toutes proportions gardées, sa trajectoire rappelle aussi celle d'un Stan Wawrinka, bon joueur, puis très bon joueur, mais qui n'a effectué sa mue définitive en vrai grand champion qu'à l'approche de la trentaine. A son échelle, Roberto Bautista Agut s'épanouit lui aussi à la trentaine. Depuis cinq ans, il est devenu un modèle de constance. Du printemps 2014 à l'été 2019, il a toujours figuré entre la 13e et la 29e place à l'ATP. 13e, ce sera son rang lundi s'il s'incline contre Djokovic.
Mais cette campagne 2019 témoigne qu'il continue d'avancer. Lui qui avait toujours buté sur le cap des huitièmes de finale en Grand Chelem (neuf défaites en neuf tentatives) a goûté pour la première fois aux quarts en Australie et, donc, au dernier carré à l'occasion de ce Wimbledon. Certains s'en étonneront, encore. Mais c'est sur herbe qu'il avait ouvert son palmarès sur le circuit, à Rosmalen, en 2014. Et c'est sur surface rapide qu'il s'épanouit le plus depuis quelques saisons. Atypique, jusqu'au bout.
A l'aube de ces demi-finales, personne ne lui donne la moindre chance. Assez compréhensible, tant il apparait comme un nain face aux trois géants qu'il accompagne. Pas un problème, le scepticisme est son compagnon de route. On rappellera quand même que l'ami RBA a remporté trois de ses cinq derniers matches contre le Serbe et que, si celui-ci s'est imposé trois fois sur trois en Grand Chelem, il a toujours dû s'employer. Mais contrairement à beaucoup, Djokovic ne le sous-estimera pas. A priori, Roberto n’a aucune chance. Mais cette chanson-là, il la connait par cœur...
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Roberto Bautista lors de son quart de finale face à Guido Pella / Wimbledon 2019

Crédit: Getty Images

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