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Wimbledon : Nick Kyrgios, la métamorphose, avant de jouer sa première finale de Grand Chelem contre Novak Djokovic

Maxime Battistella

Mis à jour 10/07/2022 à 11:35 GMT+2

WIMBLEDON - Si son comportement sur le court fait encore beaucoup parler, Nick Kyrgios s'est impliqué ces dernières semaines comme rarement auparavant dans sa carrière de tennisman et en a été récompensé par une première finale en Grand Chelem. Un parcours d'autant plus marquant que l'Australien revient de très loin et se croyait perdu pour le haut niveau.

"Kyrgios, un talent pur mais une attitude détestable"

Il est resté de longues minutes prostré sur sa chaise après son quart de finale victorieux. La tête assaillie par les pensées et les émotions d'une épopée à laquelle il ne croyait plus lui-même. Et pourtant, huit ans après son premier quart à Wimbledon et sa percée remarquable au plus haut niveau, Nick Kyrgios a bien renoué avec le fil de ce que son potentiel semblait lui promettre : le voilà pour la première fois en finale d'un tournoi du Grand Chelem, grâce au forfait de Rafael Nadal. Sur le gazon du All England Club évidemment, comme un clin d'œil du destin.
L'Australien est d'ailleurs la première non tête de série à atteindre la finale à Wimbledon depuis 2003 et un de ses compatriotes, Mark Philippoussis. Pourtant adepte des déclarations tapageuses, des démonstrations de confiance en soi et des postures détachées (pour ne pas dire j'm'en foutistes), Kyrgios n'a cette fois pas caché son émotion. Et pour cause, lui-même pensait avoir laissé "passer le train", gâché sa chance de briller sur les plus grandes scènes.
Il y a eu un moment où j'en avais presque fini
"Je me disais juste à quel point les choses peuvent changer. Il y a eu un moment où j'en avais presque fini avec ce sport. J'ai publié des choses sur mon état dépressif en 2019, quand je me faisais du mal et j'avais des pensées suicidaires. Et là, sur cette chaise, après ma victoire… C'est un accomplissement spécial pour tout le monde, mais en particulier pour moi. Si on avait demandé aux gens s'ils me pensaient capable de ça ces deux dernières années, ils auraient sûrement tous dit : 'Non. Il n'en a ni la capacité mentale ni la capacité physique, il n'a pas la discipline qu'il faut…' J'ai presque fini par douter de moi-même. Il y a tant de personnes que je veux remercier... Mais en même temps, je ne veux pas m'arrêter là non plus", a-t-il dévoilé en conférence de presse.
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Corretja sur l'art du service à la cuillère : "Nick, vas-y à fond contre Djokovic"

Nick Kyrgios a longtemps caché ses idées noires et sa souffrance d'écorché vif derrière le masque de l'insolence et d'un certain nihilisme. A tel point, a-t-il révélé, qu'en 2019, alors qu'il s'apprêtait à défier au 2e tour Rafael Nadal, son agent avait été obligé de venir le chercher à 4 heures du matin dans un pub dans l'état que l'on imagine. C'était alors la stratégie de l'évitement dans toute sa splendeur : d'une certaine manière, il se mettait dans une situation qui lui permettait d'encaisser mieux la défaite inévitable avec une telle "préparation".
Et le tableau ne s'est pas franchement arrangé lors des deux saisons suivantes. Avec respectivement 9 et 15 matches disputés sur le circuit ATP en 2020 et 2021, Kyrgios semblait s'être fait une raison. La pandémie de coronavirus et l'interruption des compétitions pendant cinq mois n'avaient certes pas aidé. Mais tout ce temps passé chez lui à Canberra avait amené l'Aussie à remettre profondément en cause son rapport au tennis. En terminant le dernier exercice par cinq défaites d'affilée, il avait même considéré que la retraite n'était plus un sujet tabou.

Une tournée US en mars prometteuse avant le gazon en mode mission

"Au début de l'année, je ne savais même pas si je voulais vraiment jouer, en tout cas régulièrement. Les deux dernières saisons, j'avais perdu l'amour du jeu, le feu intérieur, l'étincelle. Mais des choses ont changé dans ma vie, et j'ai redécouvert tout ça d'une certaine façon, que beaucoup de gens voulaient que je joue, et je joue aussi pour eux. Je sens que j'ai encore beaucoup d'énergie et que j'ai joué mon meilleur tennis ces derniers temps. Mentalement, je me sens bien. La route a été longue. Il y a eu huit ans entre mon premier quart de finale ici et celui-ci", a-t-il encore retracé.
Pour la faire courte : Kyrgios a trouvé l'amour et le tennis a suivi. La tournée américaine de mars a initié ce renouveau avec un quart de finale à Indian Wells perdu d'un rien contre Nada, encore lui. Puis un huitième de finale à Miami où il avait au passage écœuré Andrey Rublev (6-3, 6-0) en 52 minutes. C'était évident : Kyrgios avait retrouvé le plaisir de jouer. Mais quelque chose coinçait encore. Dès qu'un adversaire lui résistait un tant soit peu (comme Sinner en Floride par exemple), il faisait preuve d'une nervosité extrême et sortait de sa partie, en écopant des points de pénalité à répétition pour son comportement.
Pour résoudre ce problème mental, outre une éventuelle consultation, il lui fallait retrouver vraiment le rythme de la compétition. Regoûter plus fréquemment à ces situations de stress. Après de bons entraînements sur gazon en Australie, il s'est donc (enfin) imposé un programme copieux avec trois tournois de préparation à Wimbledon. Son irascibilité lui a certes encore joué des tours, notamment en demi-finale de Stuttgart contre Andy Murray. Mais il a enchaîné les performances de choix, entre autres à Halle face à Stefanos Tsitsipas et Pablo Carreno Busta. En tout, il a ainsi joué 9 matches en deux semaines et retrouvé le goût du combat.

Finie la stratégie de l'évitement : des ambitions enfin assumées

Son parcours à Wimbledon n'en a été que la conséquence logique. Même dans ce 3e tour électrique de nouveau face au Grec lors duquel il a parfois dépassé les bornes, Kyrgios ne s'est, cette fois, pas auto-éliminé. Son attitude beaucoup moins volcanique lors des deux tours suivants, malgré des sensations fluctuantes, a peut-être d'ailleurs été encore plus riche en enseignements. Pas de services à la cuillère ou de tweeners contre Garin par exemple : il n'est plus seulement là pour faire le show.
"J'ai ressenti un peu plus de pression, assurément. J'étais en terrain inexploré : essayer de me qualifier pour les demi-finales d'un Grand Chelem en tant que favori. Et j'étais tellement souvent sur les talons que je ne pouvais pas me permettre de jouer des coups comme ça", a-t-il confirmé.
Quelque chose s'est donc passé chez Kyrgios. Au revoir la stratégie de l'évitement, il a en quelque sorte trouvé le courage de se poser les bonnes questions. Et si, pour une fois, il mettait toutes les chances de son côté, que se passerait-il ? S'il soignait sa préparation physique, se fixait une mission, peut-être en récolterait-il les fruits, malgré des années d'errances et de quête personnelle ? Chacun va à son rythme après tout et certains ont besoin de plus de temps que d'autres pour trouver leur voie. Ce Wimbledon 2022 semble arriver à point nommé pour l'Australien.
"Je me sens juste plus mûr. Plus tôt dans ma carrière, quand j'atteignais le 3e tour ou un huitième de finale en Grand Chelem, j'étais beaucoup sur mon téléphone, à rester sur internet, ou susceptible de sortir pour dîner ou explorer d'autres choses. Je ne serais pas resté chez moi avec mon équipe, faire des soins, manger et bien me reposer. Je pense que dans mon équipe, nous avons tous le même objectif, et c'est pour ça que ça marche. Nous savons tous ce que nous sommes venus faire ici. Je leur ai fait savoir que je voulais aller assez loin et peut-être même soulever le trophée."
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