Wimbledon 2023 | Ons Jabeur s'est endurcie : "S'il faut frapper fort, je suis prête"

A quoi reconnaît-on une championne ou un champion ? A son palmarès bien entendu, mais aussi et peut-être surtout à la manière dont il se relève après être tombé, dont il sait apprendre de son échec. Ons Jabeur aurait pu se dire, après sa défaite en finale de Wimbledon l'an dernier, qu'elle avait laissé passer une chance unique d'écrire le plus beau chapitre de son histoire et de celle du tennis tunisien, voire africain. Mais la revoici donc dans le dernier carré, plus déterminée que jamais à réaliser son rêve : remporter un titre en Grand Chelem, qui plus est le plus prestigieux de tous.

Et pour cause, Jabeur a des raisons d'y croire après avoir pris une revanche sublime en quart de finale sur celle qui l'avait privée du sacre en 2022 : Elena Rybakina. "Je suis une joueuse différente par rapport à l'an dernier. Même si je voulais être fidèle à mon plan de jeu, je ne pouvais peut-être pas le faire à l'époque. J'étais aussi fatiguée émotionnellement et physiquement en finale. Ça prend beaucoup d'énergie de jouer ce genre de joueuse. Honnêtement, je ne regrette rien de ce qui s'est passé l'an dernier, ça devait arriver. J'ai beaucoup appris de la finale de l'an dernier. Je suis très fière des progrès réalisés mentalement, physiquement et tennistiquement", a-t-elle confié en conférence de presse.

L'an passé, la Tunisienne avait ainsi été surpassée en puissance par la Kazakhstanaise qui, en position d'outsider, n'avait finalement pas grand-chose à perdre. Mais mercredi, les rôles étaient en quelque sorte inversés et Jabeur surtout décidée à ne pas répéter les mêmes erreurs. Alors qu'elle avait semblé un peu perdue en début de troisième set en 2022, elle a affiché cette fois un regard noir, habité pour enfoncer le clou après avoir égalisé à une manche partout. Dans l'attitude et le fameux "body language", on pourrait même parler d'une métamorphose.

"J'ai réussi à me servir de ma colère du premier set dans le dernier. C'était beaucoup mieux, je l'ai utilisée pour me concentrer davantage et prendre les commandes du jeu. Je pense qu'il y a des progrès sous différents aspects. J'ai beaucoup d'expérience, pour faire face à différentes situations dans les matches et apprendre à les gérer. Ça m'a vraiment aidée. Je pense que je frappe mieux la balle, j'ai plus confiance en mes coups. C'est pareil au service, c'est mieux, et il le faut, surtout contre des joueuses comme Elena (Rybakina) ou Aryna (Sabalenka). Mais plus que tout, je pense que je frappais vite. S'il faut frapper fort, je suis prête aussi", a-t-elle asséné, sourire en coin.

En vue de sa demi-finale contre Aryna Sabalenka, Jabeur a ainsi envoyé un double message : sur le court et face aux journalistes. Oui, son tennis reste plein de finesse, inventif, attractif et divertissant. Mais la Tunisienne n'est plus là pour amuser la galerie et faire le spectacle, même si elle en conserve un sens aiguisé, elle veut avant tout gagner. Et si pour le faire, elle doit tenir le bras de fer en fond de court, elle ne refusera pas le combat comme ce fut sans doute le cas en finale l'an passé.

"Aujourd'hui (mercredi en quart, NDLR), il n'y avait pas beaucoup de fantaisie. Je frappais vraiment la balle. J'ai peut-être fait quelques amorties ici et là, mais ce n'est pas pareil qu'avant. J'ai pris beaucoup de plaisir à utiliser sa puissance et à montrer que je ne suis pas seulement une joueuse qui varie, fait des amorties et des slices. Je le lui ai montré à elle mais aussi à moi-même. Ça me donne beaucoup de confiance pour continuer comme ça."

Avec 35 coups gagnants et une capacité à prendre de vitesse Rybakina notamment avec des revers longs de ligne supersoniques, Jabeur a su faire preuve de constance dans sa tactique. Grâce à ce tennis plus structuré, qui part moins dans tous les sens, elle se sent prête à relever le défi Sabalenka avec un plan de jeu similaire pour ce qui semble constituer une finale avant la lettre. Rybakina a d'ailleurs elle-même avoué après sa défaite qu'elle pensait que celle qui lui succéderait serait issue de cette demie.

Sortie d'une partie basse du tableau extrêmement dense – elle avait sèchement éliminé Petra Kvitova en 8e de finale –, Jabeur se verrait bien poursuivre son parcours impressionnant en sortant la dernière tête restante de ce que certains ont peut-être trop rapidement appelé le "Big 3" du tennis féminin. "En termes de classement (elle est actuellement 6e mondiale mais était 2e l'an dernier, NDLR), je ne sais pas si les gens ne suivent pas le tennis, ils pensent probablement que ma victoire contre Elena est une grosse surprise. J'ai gagné contre elle avant, c'est très dur de le faire. Je suis heureuse d'avoir montré que j'étais là et j'espère que ceux qui ne suivent pas le tennis me suivront plus", a-t-elle encore fait remarquer.

Coqueluche des spectateurs anglais, Jabeur a d'ores et déjà gagné la bataille des cœurs face à Sabalenka, contre laquelle elle aura aussi une revanche à prendre puisque la Biélorusse l'avait arrêtée en quart de finale en 2021. Voilà bien des raisons de se surpasser à nouveau ce jeudi.

"J'ai toujours parlé de la connexion qui existe entre le public et moi, a-t-elle observé. Je crois qu'il me donne une super énergie. Dieu merci, ils ne sont pas contre moi. Mais peut-être que s'ils l'étaient, je pourrais changer ces mauvaises ondes en bonne énergie." Jabeur est décidément prête à faire feu de tout bois. La gagne est sans doute à ce prix.