Wimbledon 2025 / simple messieurs – Jannik Sinner et Carlos Alcaraz, toujours plus seuls au monde

A eux deux, ils ont confisqué tous les tournois du Grand Chelem disputés depuis 2024. Ils ne cessent de s'élever mutuellement et possèdent désormais une avance abyssale sur le reste de la concurrence, aussi bien au classement que dans le jeu. Jannik Sinner et Carlos Alcaraz, une nouvelle fois opposés dimanche en finale de Wimbledon, sont plus que jamais seuls au monde au sommet du tennis mondial.

Carlos Alcaraz (à g.) et Jannik Sinner, finale de Wimbledon 2025.

Crédit: Getty Images

Ils n'ont pas disputé le meilleur de leurs désormais 13 duels, loin en tout cas des standards de leur légendaire finale de Roland-Garros 2025 ou de leur stratosphérique quart de finale de l'US Open 2022, annonciateur à l'époque d'une ère nouvelle. Mais à l'arrivée, la conclusion est la même : Jannik Sinner et Carlos Alcaraz se sont retrouvés ce dimanche en finale de Wimbledon, où ils ont confirmé et même accentué ce que tout le monde sait depuis maintenant des mois. Dans le tennis moderne, et il y a eux et le reste du monde, relégué désormais à des années-lumière (Novak Djokovic compris) de leur écrasante domination.
A toi, à moi. L'hydre à deux têtes du circuit ATP a dévoré les sept derniers tournois du Grand Chelem, c'est-à-dire tous ceux qui ont été disputés depuis le début de la saison 2024. Une gloutonnerie qui n'a déjà que peu d'égal. Dans l'ère Open, seuls deux duos ont fait mieux : les inévitables Federer-Nadal (11 entre Roland-Garros 2005 et l'US Open 2007) et Nadal-Djokovic (neuf entre Roland-Garros 2010 et Roland-Garros 2012, puis huit entre Roland-Garros 2018 et l'Open d'Australie 2020). Au rythme qui est le leur, et vu la marge confortable qu'ils possèdent sur le reste du peloton, le record semble à leur portée, même si l'on sait qu'en tennis, les choses bougent parfois (souvent) très vite.
À ce sujet d'ailleurs, glissons un aparté : profitez d'eux tant que possible, sans négliger la beauté de l'époque que nous vivons. Comme le bonheur, les ères dorées du tennis ne se savourent pas toujours à leur juste valeur tant qu'elles sont encore là, mais se reconnaissent ensuite au bruit qu'elles font quand elles s'en vont. On a tous beaucoup pleuré les départs de Roger Federer et Rafael Nadal. On réalise l'immensité de Novak Djokovic au moment où le spectre du déclin commence à lui mordre les jarrets. Gloire soit rendue à Sinner et Alcaraz pour avoir réussi l'exploit de dessiner les contours d'une rivalité à la hauteur de ces légendes.
Mais parce qu'ils sont encore très jeunes, on a souvent tendance à parler d'eux au futur. Bien sûr, des lendemains brillants les attendent. Mais "Sinal", c'est avant tout le présent. Ici, et maintenant. Qui nous certifie après tout qu'ils ne sont pas, eux aussi, au climax de leur talent, comme tant d'autres grands champions au même âge avant eux ? Ou du moins au climax de leur rivalité ? L'avenir le dira.
On n'en est pas là, a priori. Car le pire, pour les autres, c'est qu'aussi hallucinants peuvent-ils parfois être sur un terrain de tennis, l'Italien et l'Espagnol semblent encore perfectibles. Physiquement pour l'Italien, qui n'a toujours jamais gagné un match de plus de quatre heures. Mentalement et même tennistiquement pour l'Espagnol, qui connaît encore trop de trous d'air pendant certains matches et dont le service, pourtant un précieux allié durant sa quinzaine londonienne, l'a lâchement abandonné en finale (sept doubles fautes et seulement 53% de premières balles).
Mais tant qu'ils évolueront conjointement dans leur univers parallèle, Sinner et Alcaraz, qui en plus s'entendent comme larrons en foire sans que l'on puisse aucunement les soupçonner d'hypocrisie, continueront de se faire mutuellement la courte échelle pour aller toujours plus haut. C'est ce que l'un et l'autre ont d'ailleurs dit lors de leur conférence de presse respective.
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Carlos Alcaraz au service, finale de Wimbledon 2025

Crédit: Getty Images

"Nous sommes en train de construire une grande rivalité parce que nous nous retrouvons de plus en plus souvent en finale des plus grands tournois, et cela nous permet de devenir toujours plus forts, a tout d'abord déclaré le vaincu. Voilà pourquoi je suis très heureux de vivre cette rivalité. Elle me pousse à donner 100% à chaque entraînement. Parce que je sais très bien que le niveau que je dois atteindre pour battre Jannik est toujours plus élevé. Quelque part, je lui en suis très reconnaissant pour cela."
Même son de cloche du côté de l'Italien : "C'est capital d'avoir ce genre de joueur face à soi, parce qu'il faut sans cesse réfléchir à la manière dont on peut s'améliorer et trouver la force de l'appliquer à l'entraînement." Le numéro un mondial, dont on pouvait craindre qu'il soit marqué par le traumatisme de Roland-Garros, en avait au contraire tiré de précieux enseignements. Même si son jeu demeure plus monolithique, on l'a vu dimanche procéder à quelques légers ajustements – certes sur une surface différente -, tenter quelques amorties, venir plus souvent au filet (avec un superbe taux de réussite), prendre plus de risques en deuxième balle… Et, au passage, la position "latérale" en retour de service qu'il avait adoptée à Paris avait disparu. On n'arrête pas le progrès.
Jannik regarde plus de matches de Carlos que de n'importe qui d'autres, parce qu'il est fasciné par les améliorations qu'il a su apporter à son jeu
Depuis toujours, Jannik Sinner et Carlos Alcaraz se craignent, se respectent et quelque part, s'obsèdent l'un l'autre. Cela date de leur toute première rencontre sur le circuit pro, non répertoriée dans les face-à-face officiels car il s'agissait d'un tournoi Challenger, à Villena (Espagne), en 2019. Sinner, 17 ans et 319e mondial, avait été surpris en trois sets par le jeune Espagnol de 15 ans, qui disputait alors son premier Challenger. Intrigué, l'introverti Transalpin était ensuite aller discuter dans les vestiaires avec son vainqueur, encore chétif mais déjà tellement bourré de talent.
Depuis, l'histoire ne cesse de s'accélérer. Et le magnétisme exerce toujours. "Bien sûr, on ne peut pas se préparer en fonction d'un seul joueur, car ce qui marche face à Alcaraz ne marchera pas face à d'autres, souligne Darren Cahill, l'entraîneur-adjoint du numéro un mondial. Mais Carlos concentre une grande partie de l'attention, c'est certain. Jannik regarde plus de matches de Carlos que de n'importe qui d'autres, parce qu'il est fasciné par les améliorations qu'il a su apporter à son jeu. Et il nous pousse, en tant que coaches, pour qu'on lui permette de s'améliorer sans cesse aussi. Donc la rivalité est réelle. Et j'espère qu'elle demeurera pour ces 10-12 prochaines années."
À court terme en tout cas, elle n'est pas menacée. Au classement ATP, Sinner (12 030 points) et Alcaraz (8 600) ont creusé un gouffre sur leur premier poursuivant, qui demeure toujours Alexander Zverev (6310) ce lundi. Mais au-delà des chiffres, ils ont surtout semé une certaine résignation chez leurs rivaux. Exécuté en trois sets par Sinner en finale de l'Open d'Australie, l'Allemand a confié être aujourd'hui un peu en burn-out. Doublement exécuté en trois sets en demi-finales de Roland-Garros et de Wimbledon, Novak Djokovic, pour la première fois, a fait part de son pessimisme quant à ses chances de gagner un jour à nouveau un Grand Chelem. Et comment ne pas penser que les défaillances de Daniil Medvedev ou autres Stefanos Tsitsipas ont aussi quelque chose à voir avec une forme d'impuissance constatée ?

Qui sera le troisième homme ?

Sinner et Alcaraz sont en train de faire le vide autour d'eux. Devenus au passage le deuxième duo de l'ère Open à se retrouver en finale de Roland-Garros et de Wimbledon la même année (après Federer et Nadal, qui l'ont fait trois fois consécutivement entre 2006 et 2008), ils ont élevé la barre à de telles hauteurs qu'elle semble désormais inaccessible à leurs rivaux d'hier et d'aujourd'hui. Au point qu'on commence à se tourner vers ceux de demain, emmenés par un João Fonseca, pour dénicher celui qui sera capable de leur donner la réplique un jour. Et ce jour-là, pour l'instant, ne semble pas près d'arriver.
Carlos Alcaraz, qu'on ne peut pourtant pas soupçonner d'arrogance, a d'ailleurs lâché en conférence de presse une phrase qui ne lui ressemble pas forcément. "À chaque fois que l'on se joue, notre niveau de jeu est extrêmement élevé. Pour être honnête avec vous, je ne crois pas avoir vu un niveau aussi élevé dans un autre affrontement." C'est vrai et cela reste vrai même pour cette finale de Wimbledon, qui a pourtant été "moyenne" selon leurs standings. Jannik Sinner et Carlos Alcaraz sont seuls au monde, plus que jamais. Jusqu'à quand ?
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