WIMBLEDON - Jannik Sinner après l'abandon de Grigor Dimitrov : "Je ne prends pas ça comme une victoire"

L'un se cachait les yeux avec la seule main qu'il pouvait encore bouger à sa guise pendant que l'autre patientait sur son banc, silencieux au milieu du Centre Court. Aucun des deux ne voulait croire à ce qui était en train de se dérouler. Ni Jannik Sinner, ni Grigor Dimitrov. Le numéro 1 mondial voulait rester vigilant : mené deux sets à rien (3-6, 5-7, 2-2, ab.) en huitièmes de finale à Wimbledon ce lundi soir, il se sentait en grand danger et n'a pas voulu s'attendrir trop tôt. Le Bulgare, lui, ne pouvait pas renoncer avant d'avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour retarder l'atroce sentence. Il a pourtant dû se rendre à l'évidence et abandonner, une cinquième fois d'affilée en Grand Chelem (un triste record), alors qu'au bout de la nuit se dessinait l'une des victoires les plus prestigieuses de sa grande carrière.

Tandis que Grigor Dimitrov venait de quitter le terrain en larmes, Jannik Sinner a été invité à s'exprimer sur sa "victoire", du moins sa qualification en quarts de finale. Forcément mal à l'aise, l'Italien a préféré parler de son adversaire plutôt que de lui. "Honnêtement, je ne sais pas quoi dire. C'est un joueur incroyable, je pense vous avez tous vu cela aujourd'hui, a-t-il balbutié. C'est aussi un bon ami, on se connaît bien en-dehors du court. (...) Il y avait une chance de le voir au prochain tour, il aurait mérité..." Conscient qu'il commençait là à remuer le couteau dans la plaie, le Transalpin a vite enchaîné : "Surtout, je lui souhaite un rapide rétablissement. Il a été très malchanceux. Je ne prends pas du tout cela pour une victoire."

Après avoir rendu hommage autant qu'il le pouvait, ou qu'il le devait à son adversaire du soir ("C'est l'un des joueurs les plus travailleurs sur le circuit. (...) Nous lui souhaitons le meilleur, applaudissons-le."), Jannik Sinner a gardé sa mine sombre et s'est retiré, conscient qu'il venait de gagner les quarts de finale par un trou de souris qu'il n'aurait même pas imaginé quelques minutes plus tôt. Grigor Dimitrov jouait impeccablement bien, l'avait piégé deux fois au début des deux premières manches et avait si bien servi qu'il avait tenu son avantage à chaque fois (malgré un jeu de service lâché à l'Italien en fin de deuxième set). "Il a servi incroyablement bien, a abondé le numéro 1 mondial en conférence de presse. C'était très précis, très rapide. Il a très bien varié son jeu. Je pouvais sentir qu'il avait très bien préparé son match et que son exécution était encore meilleure. Il jouait un excellent tennis."

Jannik Sinner n'avait pas trouvé la clef, il était en grand danger, mais comme les dieux du tennis sont d'un cynisme noir, le Bulgare s'est effondré après avoir réussi un magnifique ace extérieur pour revenir à 2-2 dans la troisième manche. L'Italien n'a pas encore le droit de le dire mais il a tout de même dû se sentir extrêmement soulagé de ne pas avoir eu à batailler pour renverser le match, d'autant plus que lui aussi souffrait du coude droit. "C'est arrivé dans le premier jeu du match, une mauvaise chute, a-t-il développé en conférence de presse. J'ai regardé un peu les vidéos, ça n'a pas l'air lourd, mais je l'ai beaucoup senti ensuite, surtout au service et en coup droit. On verra demain à l'IRM s'il y a quelque chose de sérieux."

Parfois dominé, toujours contenu dans le jeu par Grigor Dimitrov au cours ce huitième de finale, Jannik Sinner s'est finalement qualifié grâce à un terrible coup du sort, mais il n'en sort pas indemne pour autant. Voilà qui ressemble à une "victoire" à la Pyrrhus pour l'Italien, qui aura fort à faire face au fringant Ben Shelton mercredi s'il se présente sur le court.