JO Paris 2024 | Ferrand-Prévot, championne olympique : L'immense émotion d'un "robot" qui contrôlait ses émotions

La pluie n'avait pas empêché l'équipe de France de rugby à 7 d'embraser le ciel de Saint-Denis mais ce dimanche, le soleil tant attendu pour la cérémonie d'ouverture, a inondé la région parisienne de ses rayons brûlants, donnant un éclat supplémentaire à la démonstration de Pauline Ferrand-Prévot. Sur la colline d'Elancourt, la nouvelle championne olympique de VTT a mis ses rivales à l'agonie, son public aux anges et sa famille au paradis. Elle a mis fin à une quête entamée à Londres, il y a 12 ans.

On peut toujours réécrire l'histoire d'une journée, dire qu'à l'échauffement déjà, Pauline Ferrand-Prévot avait le comportement d'une fille sûre de son fait et de ne pas vouloir laisser échapper la quatrième occasion d'enfin saisir ce rêve olympique. Dans sa bulle de "robot", elle n'a pas pu faire attention aux huiles du sport français, les Tony Estanguet ou Claude Onesta, venus parce qu'ils savaient au fond d'eux que ce jour serait grand.

"Je me suis dit que ça allait être une belle journée, racontait l'héroïne du jour. Je me disais que j'allais prendre mon petit déjeuner, faire un petit tour de vélo…" Plus tard, Ferrand-Prévot qualifiait ce jour de "parfait". "La victoire d'une vie", avait-elle soufflé l'oeil dans le vide cherchant à comprendre ce qui lui arrivait. On peut toujours réécrire une journée mais on peut rarement en deviner le scénario à l'avance.

Sur la colline d'Elancourt baignée de soleil, où les arbres offraient un brin d'ombre nécessaire aux quelques dizaines de spectateurs qui avaient eu le courage de monter tout en haut du magnifique circuit des JO de Paris 2024, le public français avait répondu présent. Sur la ligne de départ, on l'encourageait déjà, comme on le faisait pour Loana Lecomte la malheureuse du jour. Pendant la course, on courait ici puis là pour la voir martyriser ses adversaires à coup de trente secondes par tour. Partout, on se chauffait pour le bouquet final.

Massé dans l'aire d'arrivée, le public a offert à Pauline Ferrand-Prévot ce qu'elle était venue chercher : ce shoot d'adrénaline pure qu'elle fuyait jusque-là. "J'étais à l'image des dernières Coupes du monde, en mode robot, avouait-elle. J'avais à cœur de ne pas montrer mes émotions parce que je n'avais pas le droit, il fallait que je sois concentrée sur moi, que je ne me laisse pas perturber." Celle qui s'est adjoint les services d'une préparatrice mentale cette année - "50% du travail" dit-elle -, se connaît trop pour refaire les mêmes erreurs. Il y avait eu Londres 2012, Rio 2016 et Tokyo 2021 pour presque autant de désillusions. Il n'était pas question d'ajouter Paris 2024 à sa liste noire.

Alors "PFP" a mis toutes les chances de son côté, profitant du parcours de Boulouris (Var), un "réplicat" d'Elancourt. "Elle a beaucoup travaillé. ça ne l'a pas fait plus tôt pour plein de raisons, c'était son destin, jubile Yvan Clolus, son coach qui a milité auprès des organisateurs pour avoir une course de sept tours, favorable à la Française, et non six.. Son destin, c'était de gagner ici devant ses fans." Des fans qui l'ont fêtée comme jamais elle ne l'avait été. On a vu la championne olympique craquer sur le podium, on l'a vue, face à nous, s'arrêter pour profiter à plein d'une énième Marseillaise dont son propre père était le chef d'orchestre.

Posée au bout de la ligne droite d'arrivée, sa famille savait-elle au fond qu'elle accueillerait une champion olympique dans ses bras ? "Il y a quelques jours, elle nous a dit :  'mais les parents, je vais être championne olympique', confie sa mère Sylviane. On s'est dit qu'elle vendait la peau de l'ours et finalement on y a cru. Elle nous a embarqués dans son histoire. Pour une fois, nous, on était confiants, on était à fond, des vrais prétentieux." Il y a certains enfants avec qui c'est un peu plus facile que d'autres…

"On a toujours su qu'elle serait une grande notre fille, mais à ce point là…, poursuit-elle, entourée de la "Team PFP". Je lui avais toujours dit 'tu seras championne du monde', elle l'est 15 fois, mais championne olympique, c'est magnifique ! C'est autre chose, c'est encore une autre dimension." Championne du monde dans toutes les disciplines, Ferrand-Prévot ne courait plus qu'après ça. C'est cette journée et seulement celle-là qui justifiait tous les sacrifices.

Le premier d'entre eux fut de se constituer une bulle et de ne plus en sortir. Il fallait se montrer discrète dans la presse et sur les réseaux sociaux, limiter les distractions au maximum. Mais le "robot", Ferrand-Prévot ne l'est plus. Ou plutôt elle ne l'a plus été pendant tout son dernier tour, moment où elle a commencé à savourer. 

"J'ai tellement gardé pour moi…, souffle la championne. Ça va me faire du bien de sortir de cette bulle. J'avais hâte de partager et de revivre normalement." On comprend alors pourquoi, drapeau bleu, blanc et rouge sur le dos, elle a abandonné la presse pour se tourner vers son public qui l'acclamait. Les yeux fermés, la tête en arrière, la championne olympique a profité, une dernière fois. Les larmes ont encore coulé, rappelant les efforts et les échecs. De tout ça, il n'est plus question, seul reste son jour de gloire.