Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Le Vitoria Guimarães a peu de moyens mais fait trembler la Liga portugaise

Nicolas Vilas

Mis à jour 07/12/2014 à 10:06 GMT+1

Au Portugal, l’équipe sensation de ce début de saison se trouve à Guimarães. Deuxième de la Liga malgré un petit budget, le Vitoria va affronter Braga ce week-end pour l’un des derbies les plus chauds du pays et le droit de s’affirmer comme la quatrième puissance nationale.

Bernard Mensah et Tomane avec le Vitoria Guimaraes

Crédit: AFP

L’histoire est encore loin d’être terminée. Mais celle du Vitoria Sport Clube atteint une étape jusqu’ici inédite. Deuxième de la Liga après onze journées, avec 26 points, jamais l’équipe de Guimarães n’avait atteint un tel total à ce stade depuis l’instauration de la victoire à trois points (1995-1996). Les Vimaranenses bombent le torse, se remettent à regarder leur voisin et rival de Braga dans les yeux. Ce week-end, ils s’en vont les défier dans ce qui sera un troisième derby du Minho en trois semaines (le Vitória s’est incliné à Braga en Coupe du Portugal avant de battre le Moreirense en championnat la semaine dernière). Le duel entre les "Conquistadores" et les "Guerriers du Minho" est l’un des classicos du foot portugais.

"Histórico"

Ce 123e derby du Minho est le plus disputé du pays après celui de Porto (FC Porto-Boavista) et ceux de Lisbonne (entre le Sporting, Benfica et Belenenses). Avec soixante-dix saisons dans l’élite, aucun club n’ayant jamais été champion ne compte plus de présences à ce niveau. Le Vitoria est un "histórico". Le porte-drapeau d’une ville scandant fièrement son statut de cité-berceau. Car c’est dans cette localité située au nord du Portugal qu’est né ce pays. D.Afonso Henriques, fils de Henri de Bourgogne, proclama l’indépendance de son Comté, en 1139. Près de neuf siècles plus tard, il demeure incontournable au sein de sa première capitale. Sa statue trône non loin du château fort, il a donné son nom au stade du Vitória, qui l’a aussi apposé sur son écusson. Depuis, Guimarães a été absorbé par le district de Braga dont elle est l’une des municipalités. La cité des Archevêques est sortie de l’ombre.
En octobre 2010, le nombre de ses socios dépasse pour la première fois celui du VSC. Des chiffres qui continuent d’attiser cette rivalité. Guimarães (29 200 socios annoncés sur son site officiel, à ce jour) affirme avoir radié près de 10 000 adhérents qui ne payaient pas leur cotisation. Le SCB se vante d’avoir dépassé les 30 000 signataires. Une passation de pouvoir qui s’est aussi opérée sur les terrains. Quatre fois troisièmes de la Liga (1969, 1987, 1998 et 2008), le Vitoria occupe une place moyenne de 8,8 en Liga sur la dernière décennie - au cours de laquelle elle a connu un passage en D2. Dans le même temps, le Sporting de Braga (deuxième en 2010 et 4,6 en moyenne depuis 2004) est devenu un habitué des compétitions européennes. Avec 97 rencontres sur la scène continentale, il a dépassé Guimarães (56). A cinq longueurs de son voisin au classement de la Liga, Sérgio Conceição scande : "Nous sommes l’une des quatre meilleures équipes du Portugal". Et pas sûr du tout qu’il y intègre Guimarães…

Système D

Lorsqu’il décrit son équipe, Rui Vitória - le bien nommé - sourit avec fierté : "Nous jouons avec huit Portugais et beaucoup d’inconnus." Le Vitória présente un budget de quatre millions d’euros, soit trois fois moins que Braga. Du coup, RV dépeint son rival comme "un club plus puissant, avec plus d’argent, qui gaspille plus". Vitória fait ce qu’il peut avec ce qu’il a. Et Guimarães possède quelques bons jeunes. Après avoir connu une première année difficile (2012-2013), son équipe B est actuellement huitième de D2 (les équipes ne peuvent aligner que trois joueurs âgés de plus de 23 ans par match et dix joueurs formés localement doivent être couchés sur la feuille de match). Mais le VSC n’est pas aussi portugais que son entraîneur le laisse entendre. Moins de la moitié des joueurs utilisés en équipe première (10/22) sont éligibles pour la Seleção. Rui Vitória le concédait l’été dernier : "Certains ne comprennent même pas ce que je dis".
picture

La joie de Joao Afonso contre Porto avec Guimaraes

Crédit: AFP

Au-delà des André André, João Afonso, Hernâni, surveillez aussi le Ghanéen Bernard, l’Ivoirien Adama Traoré ou l’Uruguayen Jonathan Alvez… Ce modèle de gestion quelque peu forcé par la conjoncture économique a été parfaitement dompté par Mister Vitória, dont le discours prend une tournure visionnaire : "C’est bientôt la fin des fonds d’investissements et les clubs vont avoir beaucoup de difficultés à acheter des joueurs de qualité. Ils ne vont plus être compétitifs financièrement. C’est pour cela qu’il faut miser sur la formation des joueurs et aussi la formation de formateurs". Une ligne de conduite qu’il s’efforce de suivre et qui fonctionne plutôt pas mal, pour l’instant…

Rui Vitória, plus qu’un entraîneur

Lorsqu’il a prolongé au VSC en mai dernier, Rui Vitória était un entraîneur convoité. Son CV circulait alors dans les bureaux des présidents du Sporting, de Porto et même… de Braga. A 44 ans, il a finalement rempilé jusqu’en 2017 avec le Vitória, où il est devenu un héros. En 2013 et après deux saisons de boulot, il a raflé le premier trophée majeur du club : la Taça de Portugal (que Braga a remporté en 1966). Une coupe que ce club fondé en 1922 avait déjà loupé à cinq reprises en finale ! Si Rui est resté dans le Minho, c’est aussi avec la garantie de voir ses pouvoirs élargis. Fait rare au Portugal, Mister Vitória occupe le poste de manager.
Une belle ascension pour le natif d’Alvercan dont il a intégré les équipes à neuf ans. Mais Rui n’a fait qu’une modeste carrière entre la D3 et la D4. Il a débuté son parcours de coach en D3 au Vilafranquense en 2002-2003. En parallèle à sa passion pour le ballon, il a obtenu une Licence en Education physique. Le voilà prof. Six ans plus tard, il a remporté son premier titre avec Fátima (champion de D3). En 2010, il a effectué un bond et rejoint Paços de Ferreira : "Je peux me vanter d’avoir atteint la Liga sans l’aide de personne". Cette semaine, c’est Fernando Santos, le sélectionneur national, qui a salué son "travail fantastique".
picture

L'entraîneur de Guimarães, Rui Vitoria

Crédit: Panoramic

Francophile et passionné

Le Vitória a recruté une quarantaine de joueurs issus de pays francophones dans son histoire. Il est ainsi l’une des équipes les plus francophiles du Portugal. En 1965, le Niçois Jean Luciano y était nommé entraîneur. Les Français se faisaient encore rares dans le championnat portugais. Dans les années 1980, la RDC devient un vivier. Ce sera bientôt le Maghreb. Le Tunisien Ziad Tlemçani (1990-1995) a laissé de bons souvenirs dans le Minho et ouvert la porte aux El Adoua, Faouzi, Soudani… Certains d’entre eux (Benachour, Ghilas) sont formés en France. Et bien d’autres encore (Palatsi, Desmarets, Malonga…) : treize au total. Grégory Arnolin est de ceux-là. En 2008-2009, le défenseur explose à D.Afonso Henriques avant de rejoindre Gijon et la Liga espagnole : "Le Vitória est un très grand club. Il m’a permis de faire le grand saut. J’en garde un souvenir très, très fort. Là-bas, le foot est une religion. Les gens vivent le football comme personne. C’est vrai qu’ils sont exigeants mais vue la dimension du club, c’est normal."
Le VSC est connu pour la ferveur de ses supporters. Même lorsque le club a plongé en D2 (2006-2007), ils étaient près de 20 000 au stade. "Mêmes aux entraînements, les tribunes sont remplies, renchérit Arnolin. Il y a une chanson qui me donne la chair de poule et que j’ai toujours dans la tête : ‘Vitória, alé, acontecer o que acontecer, sou Vitória até morrer’ (‘Vitória, allez, quoi qu’il arrive je suis du Vitória jusqu’à la mort’)". Une passion qui comporte aussi son lot d’excès. Les duels face à Braga ont parfois été entachés par des débordements, voire des agressions. Y compris le duel entre les équipes B. Celui de février 2013 avait été interrompu, à cause d’un affrontement entre supporters. Ce week-end, il risque d’être tendu. Parce qu’un peu plus que d’habitude, c’est la place de la quatrième puissance du pays qui se joue...
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité