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De la CFA2 à la L1, les supporters du Racing n'ont rien changé à leurs bonnes habitudes

Christophe-Cécil Garnier et Frédéric Scarbonchi

Mis à jour 06/04/2018 à 16:43 GMT+2

Revenu en Ligue 1 en début de saison, le Racing Club de Strasbourg et ses supporters n'ont pas rompu avec leurs bonnes habitudes et une passion qui s'est construite dans la difficulté et alors que le RCS luttait pour sa survie. Plongée en Alsace avec les fans du Racing.

Les supporters de Strasbourg et les joueurs après la victoire face au PSG

Crédit: Getty Images

Dimanche dernier, Strasbourg recevait Metz pour un derby de l’Est qui s’annonçait chaud. “C’est plus un derby pour nous que pour eux”, pensait Philippe Wolff, le président de la Fédération des supporters de Strasbourg, en faisant référence à l’antagonisme entre Messins et Nancéiens. Écharpes et drapeaux anti-Metz flottaient au vent.
Lors du dernier entraînement avant la grande rencontre, ce sont un millier de Strasbourgeois - 1500 selon, le club, mais le chiffre semble être légèrement gonflé - qui s'étaient donné rendez-vous derrière le stade de la Meinau. Objectif clair : pousser une dernière fois son équipe avant le match. À côté, le parking est rempli de voitures immatriculées 67. Les joueurs s’engouffrent entre les supporters, réunis derrière des barrières métalliques, sous les applaudissements de ces derniers, âgés de 7 à 77 ans. “T’as vu ça, c’est incroyable on a jamais vu ça!”, lance un fan à Philippe Wolff. Le gros des troupes se pressent ensuite face au terrain. De la masse, quelques drapeaux et bannières s’élèvent, ainsi que des enfants postés sur les épaules de leur père.
“Match aller au goût amer, demain, mettez leur la misère” est inscrit sur une banderole devant les Ultras Boys qui donnent de la voix pendant que les hommes de Thierry Laurey s’entraînent. “Les joueurs sont adultes, ils n’ont pas de pression supplémentaire par rapport à ça. Mais ils sont plutôt attentifs et réceptifs. Je pense que la plupart sont des bons gars et ça leur fait plaisir de voir ça. Les joueurs qui viennent à Strasbourg c’est aussi pour voir des choses comme ça”, juge Philippe.
Rassemblement exceptionnel
Cette passion n’est pas due qu’au derby. Après une liquidation qui l’a fait chuter jusqu’en CFA2, la ferveur autour du seul club alsacien professionnel se fait de plus en plus forte. Cette affluence en est une des preuves. Se rassembler ainsi, c’est exceptionnel, précise Grégory Walter, vice-président de la Fédération et auteur du livre Neuf fois le tour de la terre pour mon club. Le dernier rassemblement, de mémoire de fan, remonte à deux ou trois saisons, pour une montée. Sauf qu’on était 200, ajoute-t-il.
La raclée prise à l’aller (0-3) donne envie de se mobiliser, tout comme la “belle saison”, aux yeux des supporters, réalisée par le Racing. Pas si rares dans le football, les rassemblements et les cortèges font tout de même la spécificité de cette institution. Mais pas seulement : d’autres originalités font son unicité.
Retour en arrière : en 2010, le Racing vit une période noire. A la fin de la saison, le club est relégué en National. Dans le même temps, la Fédération des supporters voit le jour. Plusieurs raisons poussent entraînent la création d’une entité qui va fédérer tous les groupes de supporters strasbourgeois, ultras compris. D’abord, “sportivement et financièrement, ça n’allait plus et on sentait qu’on se dirigeait vers un dépôt de bilan. Il y avait un risque de disparition du club”, pose Philippe Wolff.
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Les Ultras strasbourgeois

Crédit: Eurosport

La sonnette d’alarme est tirée. Plusieurs supporters, actifs d’associations, mais d’autres, comme Philippe, connu pour ses écrits sur le forum Racingstub se posent la même question : “Comment sauver le club ?”. “On s’est rassemblé un soir, raconte-t-il. À ce moment-là, on se battait contre Jafar Hilali (le propriétaire du club à l’époque, ndlr), mais pas que. On souhaitait qu’on parle autrement que négativement du Racing, et redynamiser le club”. Ultra Boys, Kop Ciel et blanc, et d’autres associations rejoignent la fédération. Bientôt aidés de supporters moins actifs mais tout aussi amoureux de leur club. Parce que si toutes les associations de supporters ne sont pas toujours d’accord, l’instinct de survie permet de dépasser les malentendus. La fédération rassemble et devient “un espace de discussions entre supporters”.
Cette tentative n’empêchera pas la relégation en CFA2 en 2011. Mais permettra, selon les concernés, de repartir sur des bases saines. Et de créer un projet où l’amoureux du RCS peut s’exprimer, et sera écouté par son club. Si rare par les temps qui courent…

Les recrues convoquées au local des supporters

Illustration avec les nouvelles recrues : quand un joueur débarque au Racing, pas question pour lui de se cantonner à la fameuse conférence de presse et aux premiers entraînements. Un passage par le local de la fédération devient une obligation, les supporters donnent aux footballeurs un livret sur l’histoire du Racing. “On marque le coup, en leur disant qu’on est avec eux mais qu’il faut mouiller le maillot. On met une gentille pression”, sourit Philippe, précisant que ces rencontres se font dans un esprit “positif”.
Cette initiative a commencé en CFA2, à une époque où les joueurs du Racing avaient “des voitures plus petites que les nôtres”, se marre le président. Facilement accepté dans le monde amateur, la force du Racing est d’avoir perpétué la tradition lors du retour parmi les pros. “Quand ils viennent ici, on leur fait un speech sur l’histoire du Racing. Ils sont un peu sur la réserve. Certains regardent parfois leurs chaussures. La plupart des joueurs quand ils viennent, ils le font parce qu’on leur dit de venir. C’est assez rare qu’ils s’intéressent vraiment à ce qu’on leur raconte”, concède Philippe.
Pour lui, quand les supporters font venir les recrues dans leur local, c’est le même état d’esprit que le rassemblement d’avant-match contre Metz. ”C’est donner un contact, commence le président. Leur dire qu’on est là, qu’on les soutient. Et que s’ils se comportent bien, il n’y aura aucun souci entre eux et nous. Ils ont le droit de perdre des matches à partir du moment où ils se donnent à fond”.
Au stade, lors du dernier entraînement, on retrouve cette présence forte du supporter : une fois la petite opposition terminée, les joueurs viennent applaudir les fans. Cela pourrait s’arrêter là. Sauf que les leaders des Ultras Boys se dirigent vers le groupe. Au loin, on voit alors les deux supporters au milieu d’une quinzaine de joueurs, le regard déterminé, en pleine causerie avec eux. L’entrevue durera une poignée de minutes, sans vraiment savoir ce qu’il s’est dit, même si des regards en disent parfois long. Une scène incroyable et rare qui démontre, s’il le fallait, l’importance qu’à pris le supporter dans un club qui a failli disparaître.
Au stade, une heure avant le coup, les fans sont bien là. Alors que toutes les autres tribunes sont encore relativement vides, le kop est bondé. Dans une structure qui ne doit accueillir que 4000 personnes, 7000 bleus et blancs ont pris place. Prêts à reprendre en choeur : “un seul amour, et pour toujours, Racing Club de Strasbourg”.
Inspirés par les "collectionneurs de stades" anglais, les deux auteurs de Supps Par Terre ont lancé un tour de France des vingt stades de Ligue 1 pour aller à la rencontre des supporters et vivre le supportérisme de l'intérieur. Ils livreront régulièrement leur vision sur Eurosport.fr.
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