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Etre jeune, italien et percer en Serie A, ça ressemble à une mission impossible

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 01/08/2014 à 14:04 GMT+2

Le football italien ne fait pas confiance à ses jeunes, qui ont du mal à percer en Serie A. Valentin Pauluzzi vous explique pourquoi et vous relate le parcours du combattant imaginaire d'un footballeur de 18 ans. Une fiction qui ressemble de très près à la réalité.

Stefano Beltrame a eu le droit à neuf minutes de jeu avec la Juve la saison dernière

Crédit: Panoramic

Pourquoi les jeunes joueurs italiens ont-ils tant de mal à percer ? C'est la problématique qui est revenue le plus souvent durant les états généraux du football italien suite au flop de la Nazionale au Mondial. Les centres de formation regorgent de talents éclipsés par les entraineurs et dirigeants de la Botte. Les chiffres sont par ailleurs éloquents : seulement 42 U21 autochtones ont foulé les pelouses de Serie A lors de la saison 2013/2014 avec un temps de jeu misérable pour la plupart. Cinq évoluaient chez les cinq premiers du classement, précisément un à l’Inter et quatre à la Roma. La Juventus a été sacrée championne sans faire appel au moindre U21 italien et en a utilisé seulement deux autres lors des deux précédentes saisons où elle a également remporté le Scudetto : Luca Marrone et Stefano Beltrame (9 minutes de jeu pour lui).
Cette semaine, Arrigo Sacchi n’a pas renouvelé son contrat de coordinateur des sélections de jeunes italiennes. Motif invoqué : le stress. A travers ses propos, on a aussi pu ressentir de la lassitude envers un football de clubs totalement désintéressé par son travail. Il s’est pourtant donné du mal puisque les rencontres des U15 aux U21 ont augmenté de 35 % pendant son mandat de quatre ans à la fédération. Mais percer en Serie A est un parcours semé d’embuches pour un jeune joueur italien.
Pour bien vous faire comprendre combien il est difficile pour un joueur aujourd'hui de percer, on s'est lancé dans un exercice de football fiction où l'on retrace à quoi ressemble un début de carrière quand on est italien. Toute ressemblance avec la réalité est bien évidemment fortuite, même si vous allez retrouver quelques points communs avec des joueurs et des situations qui n'ont rien d'imaginaires.

Première saison : Des débuts "forcés"

J'ai 18 ans et je suis un milieu défensif prometteur né dans la banlieue de Milan. J'ai intégré il y a quelques années le centre de formation du Milan AC et me voilà en Primavera, dernière marche avant le monde professionnel. Mon entraineur est un ancien pro dont l'ambition est d’obtenir des résultats afin de prendre rapidement les rênes d'une équipe senior. Ce n'est pas vraiment un éducateur qui cherche à faire progresser ses jeunes. L'effectif est composé pour moitié de joueurs provenant des quatre coins du globe : slovènes, espagnols, ghanéens... La saison n'a pas commencé mais je fais déjà partie de la liste UEFA des 25 pour disputer la Ligue des Champions. Un choix pas vraiment dicté par mon talent, mais bien par le manque de joueurs formés au club dans l'effectif pro, la liste est ainsi complétée par des éléments de la Primavera. Je fais même mes débuts deux mois plus tard, cinq minutes contre le Viktoria Plzen pour le dernier match de poule sans enjeu. Une ascension fulgurante vite stoppée puisque je ne figure que deux autres fois (sans jouer) sur une feuille de match d'ici la fin de saison, en Coupe d'Italie et contre des clubs de Serie B.

Deuxième saison : Un double prêt en Serie B

 Il est maintenant temps de prendre mon envol en quittant le cocon familial. Régulièrement titulaire avec les U19 du Milan, je me dis que je pourrais intéresser un petit club de l'élite, mais les seules propositions sont celles de la Ternana et Bari qui jouent le maintien en Serie B. On m'envoie en prêt chez le premier car le directeur sportif est un vieil ami de la direction rossonera. Je suis donc son choix et non celui de mon nouvel entraineur qui ne m'a jamais vu jouer. Je tente de le convaincre à l'entrainement mais rien : 112 minutes de jeu cumulées de septembre à janvier. Le Milan décide alors de m'envoyer ailleurs, à Modena (toujours en Serie B) où ça se passe mieux, au point de participer à un stage avec l’équipe d'Italie Espoirs. Sur 25 convoqués, seuls 5 évoluent en Serie A, le reste du contingent est dispatché entre la Serie B et la 1re Division de Lega Pro.
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Simone Ganz

Crédit: LaPresse

Troisième saison : le passage obligatoire par la case copropriété

La 1re Division de Lega Pro justement, soit le troisième niveau national, est ma nouvelle destination. C'est un nouveau prêt, cette fois à Come, non sans que les dirigeants du Milan ne m'aient auparavant vendu en copropriété au Chievo. Une technique qui permet d'obtenir des exonérations sur les taxes liées aux transferts et de redresser les bilans comptables en surévaluant la réelle valeur économique  des joueurs. J'appartiens ainsi à trois clubs en même temps. Là-bas, je me retrouve avec beaucoup de joueurs de mon âge car, dans cette division, les clubs reçoivent des primes de la ligue en fonction du temps de jeu des joueurs de moins de 22 ans. Plus ils sont jeunes, plus le montant est élevé. J'ai 20 ans et j'entre ainsi parfaitement dans ces critères auxquels le coach doit cependant se plier pour faire ses choix. Je suis donc forcé de jouer...mais pas à mon poste, me voilà désormais ailier gauche moi le milieu défensif. Je ne fais que très peu de progrès, qu'importe, mon président peut compter ses euros dans son bureau. Ce n'est qu'en fin de saison, et grâce à deux de mes coéquipiers blessés, que je peux faire mes preuves devant la défense.

Quatrième saison : la xénophilie puis le retour en Serie B

Cette saison pleine et les performances encourageantes des derniers mois me portent à croire que l'un de mes copropriétaires va peut-être me donner ma chance. Au Milan, c'est bouché avec le recrutement de deux joueurs, l'un venu du Mali, l'autre d'Allemagne. Des opérations qui égayent la curiosité des tifosi, totalement indifférents du sort de leurs jeunes compatriotes. Reste alors le Chievo dont le directeur sportif est revenu de son voyage sud-américain avec deux joueurs évoluant à mon poste : un Brésilien et un Argentin tous deux en possession d'un passeport italien grâce à un ancêtre né ici il y a cent ans. En les recrutant via le même agent, il a surtout obtenu une option sur un espoir local. Heureusement, mon ancien coach de la Primavera s'est souvenu de moi, il est désormais à Brescia en Serie B. J'accepte le challenge et à mon arrivée, il ne me reconnait plus, ces va-et-vient incessants m'ont faire perdre énormément confiance en mes moyens. Finalement, ça ne se passe pas si mal et j'arrive à me mettre en valeur.

Cinquième saison : enfin une chance en Serie A

 Suffisant pour me faire racheter entièrement par le Chievo qui décide de me donner ma chance en Serie A quatre ans après mes débuts pros en Champions League. Seulement, je suis barré par Bentivoglio, un italien de 29 ans qui sort d'une suspension de deux ans suite au calcioscommesse (affaire des paris truqués). Je ne joue ainsi qu'un seul match qui se conclut d'ailleurs par une défaite. C'est connu, dès les premières difficultés, la grande majorité des entraineurs misent sur les joueurs expérimentés. Je chute vite dans la hiérarchie, passant derrière le Finlandais Hetemaj et le Serbe Radovanovic. Me revoilà reparti pour un prêt en janvier, du côté de Lumezzane en 1re Division de Lega Pro. Seulement, j'ai 22 ans et n'entre plus dans ces fameux critères d'âge liés aux subventions de la ligue et je joue très peu.
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Alberto Cerri a fait ses débuts à Parme mais est très peu utilisé

Crédit: Imago

Sixième saison : la boucle est bouclée

J'ai changé six fois de destination en cinq ans pour un total de 70 matches joués. Parme qui a déjà 170 joueurs sous contrat me recrute et m’envoie à Nova Gorica en Slovénie avec dix autres collègues. Ce club dispute les qualifications de l'Europa League. L'adversaire ? Le Viktoria Plzen. La boucle est bouclée.
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