Icardi ou la fidélité 2.0

"Icardi sait attendre et obtenir tout ce qui lui appartient. Il l’a fait avec Wanda, il l’a fait avec l’Inter et il est en train de le faire avec la sélection argentine." Un peu osé ce passage d’un article d’Il Mattino mais très révélateur du personnage.

Rien n’arrête l’attaquant de l’Inter qui continue d’enchainer les buts comme des perles : 87 en 154 matches depuis son arrivée à Milan en 2013. Des chiffres qui le classent déjà à la 11ème place des buteurs all-time de l’Inter, à la 8ème concernant la Serie A. A seulement 24 ans. Le triplé lors du dernier derby n’a fait que rappeler un constat valable depuis déjà quelques temps, Icardi fait partie des tout meilleurs numéros neuf de la planète mais il nous tarde de le voir à l’œuvre dans les plus importantes compétitions.

Icardi c’est avant tout un délit de sale gueule. La nature l’a plutôt bien gâté, là n'est pas la question, mais ce petit sourire en coin, ce regard narquois, bref, cette impression qu’il se fout tout le temps de vous. L’hyper peopolisaiton de sa vie privée ne l’a pas touché plus que ça, alors que tout a été fait pour le déstabiliser. Franchement, on s’en moque qu’il ait "piqué" la femme de son ancien coéquipier Maxi Lopez, d’autant que ce ne sont pas les affaires de fesses qui manquent dans les vestiaires. Mieux, à à peine 20 ans, Icardi a endossé le rôle de papa puisque le père biologique ne s’est pas pressé pour obtenir la garde de ses trois rejetons.

Une belle preuve de maturité nuancée par son hyperactivité sur les réseaux sociaux et cette fâcheuse tendance à exposer sa richesse. Difficile de le blâmer là aussi, beaucoup d’autres le font et même des quarantenaires retraités du foot (n’est-ce pas Christian Vieri ?). Ses deux autobiographies à un si jeune âge ? Pas indispensable mais rien de bien méchant hormis les menaces envers le noyau dur des ultras interistes dans la première (et avant réimpression). Il a payé, encaissé les critiques et conservé son brassard.

Vu comme ça, Icardi est tout l’inverse de Javier Zanetti, son illustre prédécesseur. Or, il n’en est pas si éloigné, en atteste sa vision du rôle de capitaine : « Je n’ai jamais supporté les coéquipiers qui hurlent, ils m’énervent et c’est tout. Un mot dit calmement est plus efficace. C’est comme cela que je fais, je le prends à part et je lui parle. Et puis ce qui compte c’est ce que vous faites et ce que vous êtes. Les autres vous regardent, l’exemple vaut plus que les mots. » Derrière cette apparence sophistiquée, il y a de la substance. Plus qu’on ne le croit. Non, Icardi n’est pas un bluffeur.

"Malgré son âge, Icardi est un joueur avec les épaules larges, si on les mesure on dirait presque Ibrahimovic. Il s’est mis à disposition du collectif. Il a toutes les qualités pour être décisif au-delà des buts." C’est signé Spalletti peu après le derby. Inutile de revenir sur l’efficacité de l’attaquant argentin, les stats parlent pour lui, sachant qu'il n’a pas énormément d’occasions à se mettre sous la dent contrairement aux autres attaquants prolifiques. Tous n’ont pas non plus sa gestuelle et sa coordination d’avant-centre racé. Par ailleurs, son profil ne doit pas induire en erreur. Maurito a distribué 8 passes décisives l’an passé en plus de ses 24 buts.

Des chiffres notables pour un attaquant de surface bien souvent esseulé. 1 pion tous les 20 ballons touchés cette saison, c’est mieux que quiconque. Alors pourquoi l'éloigner de la zone de vérité ? Ses buts ont maintenu son club à flot ces dernières saisons. L'ancien pensionnaire de la Masia avait de bons arguments pour quitter l’Inter afin de se frotter au très haut niveau. Selon Transfermarkt, parmi la trentaine de joueurs évalués à 50 Millions d’€ ou plus dans le monde, il est le seul à n’avoir encore jamais disputé la moindre rencontre de Champions League...

Clairement, en choisissant de rester fidèle à la Beneamata, Icardi a décidé de sacrifier une partie de sa carrière. Et son salaire diront certains ? Et la clause de 110 M€ réponds-je. Et vu le marché, les 4,5 M€ annuels étaient le minimum que sa femme-agent Wanda pouvait exiger lors de la dernière prolongation l’été 2016. Elle assure recevoir régulièrement des offres, mais la famille Icardi-Nara (deux parents et cinq enfants) a trouvé son équilibre à Milan malgré les turbulences que subit le travail du papa. En quatre ans, il a vu se succéder trois propriétaires et cinq entraineurs, ainsi qu’une pelletée de dirigeants durant la pire période de l’histoire moderne de ce club. Lui a fait ce qu’il a pu, en étant même pointé du doigt.

"Il me rappelle Vieri qui marquait tout le temps mais qui était toujours le problème", analysait Hernan Crespo récemment. En Argentine, il a longtemps été blacklisté pour des raisons principalement extrasportives et sur conseil de l’irrépréhensible Diego Armando Maradona. Jorge Sampaoli a très justement fin à cette mascarade en l’intégrant au groupe. Sauf surprise, il ira au Mondial en Russie à la fin d'une saison qui pourrait enfin récompenser son plan de carrière risqué, car avec Spalletti aux commandes, l’Inter est devenue une sérieuse cliente à la course au titre. Sa seconde place à deux points du Napoli n'est pas un hasard, et imaginer Icardi soulever le trophée en mai n’est pas qu'un fantasme d'interiste. Juste qu’il le fera en se faisant un selfie.