Formule 1 | En Australie, le Grand Prix le plus artificiel de l'histoire

Lundi matin, Stefano Domenicali se réveillera de bonne humeur. Il y a quelques mois, le patron de la Formule 1 assurait que le Grand Prix d'Abu Dhabi 2021 était "sa plus grande fierté", malgré un dénouement que beaucoup essaient encore de comprendre. Quelque chose nous dit que le dirigeant a particulièrement apprécié ce qu'il a vu dimanche, à Melbourne. C'est-à-dire un "bazar", selon les mots du vainqueur Max Verstappen.

Domenicali, lui, a probablement apprécié le "spectacle", l'un de ses termes fétiches depuis qu'il a pris les commandes de ce sport qui semble parfois oublier qu'il en est un. Jusqu'à présent et en plus de 70 ans d'histoire, il n'avait en tout cas jamais produit un Grand Prix aussi artificiel.

L'épreuve australienne a fabriqué autant de départs que de zones DRS ; il y en a eu quatre en tout, dont un dernier lancé derrière la voiture de sécurité. Avant elle, seuls quatre Grands Prix avaient compté trois départs ou plus. Deux avant 2020 (Autriche 1987, Belgique 1990). Deux autres depuis (Toscane 2020, Arabie Saoudite 2021). Drôle d'accélération.

Le travail de sape et d'érosion de la discipline reine du sport automobile continue. Et ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard si le chaos de Melbourne a émergé quelques jours seulement après que Domenicali - encore lui - a remis en question la raison d'être des essais libres.

Jeudi, les têtes pensantes poussaient même pour introduire un énième nouveau format de Grand Prix, avec qualification le vendredi après-midi pour la course de dimanche, et qualification le samedi matin pour le sprint du samedi après-midi. Avec l'idée de le tester à Bakou... dans un mois.

Bref, inutile de préciser la finalité : produire plus de courses pour générer plus d'argent, et s'assurer qu'elles soient toutes plus spectaculaires les unes que les autres pour attirer du monde afin de… générer (encore) plus d'argent. Tout ce petit plan serait parfaitement pensé si la Formule 1 devait être autre chose qu'un sport.

Dimanche, le meilleur a gagné, et c'est tant mieux. D'autres ont tout perdu après avoir été longtemps aussi méritants que le Néerlandais. Pierre Gasly, Esteban Ocon, Carlos Sainz... tous ont payé très cher un règlement noué par un accord tacite, sous couvert d'un prétendu respect des spectateurs qui ont payé leur place ou leur abonnement pour voir une course, et non une parade. Ironie de l'histoire : il n'y avait, cette fois, pas d'autre solution que de boucler l’affaire derrière la voiture de sécurité.

"On ne devrait pas avoir tous ces drapeaux rouges, a justement confié Verstappen sur Canal+. On pourrait facilement résoudre ces problèmes avec les voitures de sécurité ou les voitures de sécurité virtuelles. Je ne sais pas pourquoi on fait ces nouveaux départs, parce que ça crée le chaos. [...] On ne devrait plus utiliser ce système." Quelle valeur accorder à des méthodes critiquées par un pilote ayant décroché son premier titre grâce à elles ?

Le double champion du monde avait été le premier à lever son bouclier, vendredi, après que la F1 a révélé ses nouvelles intentions pour faire évoluer les week-ends de Grands Prix. "C'est contre l'ADN de la F1", avait-il dit. Un ADN génétiquement modifié pour que le spectacle prenne le dessus sur le sport. Après des décennies durant lesquelles le sport créait le spectacle.