Le souffle coupé

"Ah, on les entend moins les Argentins !" Cette phrase anodine, prise à la volée d'un supporter français en sortant du Palais des Sports de Gerland, reflète parfaitement l'ambiance du vendredi soir à Lyon. Arrivés en fanfare le matin même, les Bleu et Blanc étaient remontés comme des coucous, chantant - pour ne pas dire hurlant - à qui voulait l'entendre que la finale de Coupe Davis serait dans leur poche. En conférence de presse jeudi à l'hôtel de ville, même état d'esprit du côté des joueurs. Conquérants. Sûrs d'eux. A l'image de David Nalbandian qui n'hésitait à annoncer que son match face à Monfils allait inverser des statistiques pourtant en sa défaveur. Vendredi soir, après les deux défaites argentines, les chants argentins sont absents et les mines déconfites.

Et on peut les comprendre : jamais l'Argentine n'est parvenue à inverser le cours d'une rencontre de Coupe Davis, en étant menée 0-2 après les deux premiers simples. De son côté, la France à 97% de chances de se qualifier pour la finale de Coupe Davis, sa première depuis 2002. Deux fois, les Bleus ont perdu une rencontre alors qu'ils dominaient ainsi le score. Deux fois sur 106 matches dans cette compétition. La dernière en 1956 face à l'Italie, à Roland-Garros. La première dix ans plus tôt face à la Yougoslavie, toujours à Paris, à l'époque où les Tricolores étaient emmenés par Marcel Bernard, vainqueur d'ailleurs en 1946 des Internationaux de France. Une autre époque.

Que ce soit Juan Monaco ou David Nalbandian, un tantinet belliqueux la veille, les deux Gauchos ont reconnu sans rechigner que les Français avaient joué un tennis bien meilleur que le leur. Si tactiquement Guy Forget a su calmer les inquiétudes et répondre aux interrogations de ses protégés, il faut reconnaître que les Bleus ont su, de leur côté, répondre présent émotionnellement pour battre des Argentins. D'autant que ces derniers ont encore en tête leur victoire en quarts de finale à Moscou sur la Russie de Nikolay Davydenko et Mikhail Youzhny, sur une surface similaire à celle de Gerland. L'erreur serait d'oublier qu'ils ont joué deux finales en 2006 et 2008 grâce à leur homme fort, David Nalbandian.

Depuis le début de l'année, Nalbandian a une moyenne de deux points rapportés par rencontre de Coupe Davis. Statistique qui risque de chuter ce week-end. Vendredi soir, le 28e mondial a laissé entendre qu'il ne s'alignerait en double à côté d'Eduardo Schwank ou de Horacio Zeballos. Les récents demi-finalistes de l'US Open devraient donc bien garder la confiance de Tito Vasquez. Le capitaine argentin avait tout de même prévenu que si le leader argentin le voulait, il intégrerait l'équipe de double en fonction des résultats de vendredi et de son humeur à son réveil le samedi matin. Il n'en sera certainement rien. Déçu de sa prestation à l'issue de son match face à Monfils, à voir avec quel dédain il a jeté sa raquette en quittant le court la tête basse, Nalbandian est capable de tout. Même de se résigner quand il reste 3% de chances de se qualifier ?

Il est facile de faire parler les statistiques à un moment pareil. Toujours est-il que, jusqu'ici, les Tricolores réussissent une saison de Coupe Davis exemplaire et font honneur presque logiquement à leur première demi-finale jouée depuis 6 ans. Il suffit de regarder les matches joués en 2010 dans cette compétition : les Tricolores n'ont perdu qu'une seule fois en 12 matches de Coupe Davis. C'était face à l'Allemagne à Toulon au mois de mars... sur abandon de Jo-Wilfried Tsonga face à Simon Greul lors du 4e match, alors que les Bleus avaient déjà gagné leur billet pour les quarts de finale. Gagner sur un score de 3-0, la France l'espère sans y penser trop fort. Mais pour le moment, c'est bel et bien le tarif.