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Mondiaux d’athlétisme – Pas loin du fiasco, des lueurs d’espoir : l’heure du bilan de l’équipe de France a sonné

Amaury Erdogan-Gutierrez

Mis à jour 28/08/2023 à 20:51 GMT+2

Ouf. Romain Barras a sans doute soufflé un bon coup devant la médaille d’argent décrochée par le relais 4x400m messieurs. Une première breloque glanée lors de l’avant-dernière épreuve des Championnats du monde de Budapest. L’ombre du zéro pointé a longtemps plané au-dessus du contingent tricolore, qui doit déjà se tourner vers les Jeux de Paris dans un an, afin d’éviter de répéter un tel bilan.

Plus de médailles l'an prochain aux JO en étant à domicile ? "Il ne faudra pas être inhibés !"

Les temps sont durs pour l’athlétisme français, lourds comme l’atmosphère étouffante de la capitale hongroise qui a asséché les quelques bribes d’espoirs d’un contingent venu en nombre (78 athlètes), reparti de Budapest le coffre garni d’un métal décroché sur le tard (l’argent sur 4x400m). A l’heure où certains, notamment dans les plus hautes strates des pouvoirs publics, s’empressent de tirer la sonnette d’alarme, le constat d’un modèle éculé au sein de l’encadrement français tonnait déjà aux oreilles des plus avertis depuis des années, même lorsque le métal coulait à flots (6 médailles aux Jeux de Rio, en 2016).
"Le bilan, il est morose, il est décevant", annonçait sans fard à notre micro Romain Barras, directeur de la haute performance à la Fédération française d’athlétisme (FFA). "Le bilan de médailles est décevant, le bilan de la 'placing table' (ndlr, les finalistes) est décevant. Au-delà de ça, ma plus grande déception, c’est la petite statistique qu’on vient d’avoir : deux tiers de la sélection n’a pas réussi à améliorer son rang mondial dans la compétition. C'est ça qui m'inquiète, ou en tout cas c’est qui me déçoit le plus, parce que j’estime que quand on arrive sur un Championnat du monde, quand on porte le maillot bleu, il faut essayer d'améliorer cette place, et ça n’a pas été le cas pour la majorité de nos athlètes."
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Barras : "Dans la majorité des épreuves, nos athlètes ne sont pas au niveau"

A un an des Jeux, on ne peut rien faire
Un discours lucide repris Renaud Longuèvre, entraîneur et ancien manager des équipes de France d’athlétisme, toujours à notre micro : "Le bilan n’est pas bon, c’est clair", pointe-t-il. "Je ne blâmerai pas les athlètes ni les entraîneurs. Je les connais quasiment tous, ils y mettent du cœur, ils sont à fond dedans, ils engagent leur vie entière… Sur 800 m, on a trois garçons en demies qui font 1’44’’ et ils ont trois entraîneurs différents. Malheureusement, à un an des Jeux, on ne peut rien faire."
Non, le bilan n’est pas résolument "catastrophique". Il pointe surtout les limites d’un système dépassé, poussiéreux face à celui des nations émergentes forgées au milieu d’un paradigme tissé au service de la performance, et de la santé publique. Des enjeux que les Jeux de Paris 2024 sont censés embrasser. On dit bien "censés", car il est presque certain que la claque reçue en terre hongroise risque de ne pas être la dernière sur la joue de l’athlétisme tricolore qui cherche plus que jamais son second souffle.
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Longuèvre : "Aller chercher Ghani Yalouz" pour "amener de l'enthousiasme" chez les Bleus

Longuèvre a bien une solution d’urgence à soumettre, mais elle ne suffira pas à tout changer. "Si j‘étais ministre des Sports ou Claude Onesta (Directeur de la haute performance à l’Agence Nationale du Sport), je rappellerais Ghani Yalouz (Directeur technique national de l’athlétisme de 2009 à 2017) pour qu'il ramène de l’enthousiasme." Tout n’est pas pour autant à jeter. Même le sibyllin Barras intégre un soupçon de nuance dans sa réponse. "Il y a quelques lueurs d’espoir, tout n’est pas à jeter, il y a des choses positives."

Des circonstances atténuantes

En plissant les yeux, on pourrait même entrapercevoir une éclaircie, secrètement glissée dans l’horizon voilé de la FFA. Le 110m haies reste une spécialité bleu-blanc-rouge, en atteste les présences de Wilhem Belocian et Sasha Zhoya en finale. Ce dernier, frappé très jeune d’une pression monumentale, jouera, sauf pépin, la médaille à domicile. Le fiasco du 800 m messieurs, avec trois cartes balayées en demi-finales, trouve surtout son origine dans des préparations hachées et tourmentées par les blessures. Même constat pour Hugo Hay (5000 m), touché cet hiver par un Covid long.
Il ne s’agit pas de trouver des excuses, mais bien de relativiser un bilan famélique, qui, si on lit entre les lignes, ne déroge pas tellement aux standards tricolores des derniers Mondiaux (2 breloques à Doha, 1 à Eugene). Au point d’évacuer toute inquiétude en amont des Jeux ? On n’ira pas se risquer à énumérer toutes les chances potentielles de médaille à Paris, mais plutôt se concentrer sur les performances notables et encourageantes observées lors de la semaine hongroise. Parmi les "sensations" observées, la qualification en finale de la hauteur de Solène Gicquel (15e) et Nawal Meniker (12e), une première pour deux Françaises, trône en bonne position.
Champion d’Europe espoirs à Espoo (Finlande), Yanis Meziane (21 ans) n’a pas dérogé à son style agressif et son sens tactique aigu sur 800 m, où il lui a manqué sept petits centièmes pour s’offrir une première finale mondiale. Comment ne pas citer Thibaut Collet, cinquième à la perche, flanqué d’un record personnel explosé (5,90 m) ? Chaudement encouragé par un fan-club garni, Yann Schrub s’est transcendé devant les siens, avec une 9e place épatante sur le 10 000 m, devant le champion d’Europe Yeman Crippa. Fidèle à son approche millimétrée et croissante de l’effort, Hassan Chahdi a, lui, offert une 7e place historique sur marathon à la délégation française. Le coureur de Voiron (Isère) a tout simplement signé la meilleure performance française de l’histoire des Championnats du monde sur la distance.
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Le coup de coeur de Caristan : "Collet a fait quelque chose d'exceptionnel et a lancé une dynamique"

La réussite d'un championnat ne se mesure pas en médailles
Encore bloquée à zéro médaille avant l’ultime session, la France a aussi pu compter sur Alice Finot (5e sur 3000 m steeple) et, surtout, sur un relais 4x400 m messieurs de haut vol argenté derrière les Etats-Unis. Interrogé après cette performance historique, David Sombé a voulu dédier le précieux sésame à toute l’équipe de France. "La réussite d’un championnat ne se mesure pas en médailles, mais au fait de tout donner, de mouiller le maillot", a même ajouté le relayeur français.
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Du côté des cadres de l’équipe de France, la faillite est plus prégnante. Mélina Robert-Michon (44 ans) a participé à une neuvième finale mondiale, une performance remarquable qui ne suffit pas à masquer le constat d’échec des plus capés. Rénelle Lamote (29 ans) a encore buté en demi-finales du 800 m. Margot Chevrier et Ninon Chapelle n’ont pas existé à la perche, Kevin Mayer a une nouvelle fois dû abandonner un décathlon. Djilali Bedrani a failli en séries du 3000 m steeple (7e). "Depuis 2019, Kevin Mayer était l’arbre qui cachait la forêt, le séquoia qui cachait la forêt même (rires), parce que quand il n’est pas là, la forêt est toujours pareille derrière, on a des athlètes qui doivent réaliser un exploit," rembobinait Barras dimanche.

Le "supplément d'âme" des Jeux à domicile en dernier ressort

Devant cet amoncellement de contre-performances, les pontes de la FFA murmurent aux oreilles indiscrètes que l’éclosion de la nouvelle génération n’est de toute façon pas prévue pour Paris 2024, mais davantage pour les Jeux de Los Angeles, en 2028. Sauf que les Jeux à domicile, c’est plus fort que tout. Alors, faut-il craindre le pire pour l’an prochain ? Va-t-on tout droit vers un nouveau bilan famélique ? Une base chancelante, des membres pantelants, un avenir incertain : la conjoncture n’incite pas aux ambitions les plus élevées. Toutefois, sans plonger dans le discours faussement optimiste des organisateurs, arguant que la ferveur populaire servira d’effet placebo aux athlètes, le contexte ultra-favorable de Jeux disputés à domicile ne doit pas être sous-estimé. Un tel contexte peut – et doit – permettre à certains et certaines de faire passer les centièmes (et centimètres) du bon côté.
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Une version partagée par Barras : "Je ne suis pas sûr que la situation d'aujourd'hui puisse être résolue uniquement par un discours, ou des mots un peu forts", analyse-t-il. "On est dans une situation qui demande beaucoup plus de réflexion, d’aller un peu plus profond dans les axes de travail et les axes prioritaires qu’on doit développer. Mais ce supplément d’âme (d’évoluer à domicile), il existe. Il faut qu’il soit vraiment un avantage pour nous à Paris 2024. Pas un désavantage, pas qu’il nous submerge, mais il faut qu’on travaille sur cette dimension-là."
Pris de borborygmes d’excitation, on veut croire qu’ils seront plus d’un à se montrer à la hauteur de l’événement. Les Hugo Hay, Gabriel Tual, Benjamin Robert, Jimmy Gressier, Yanis Meziane, Azeddine Habz, Léna Kandissounon, Thibaut Collet, Jules Pommery, Nicolas Navarro, Cyréna Samba-Mayela, Alice Finot, sans oublier les relais… Toutes et tous ont le potentiel et les cannes pour s’affranchir de leurs limites physiques et mentales devant une foule acquise à leur cause. Rien ne dit que cela sera suffisant pour décrocher des médailles. Mais générer des émotions, déja, serait une réussite.
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