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Giannis contre Harden, qui mérite d’être élu MVP ?

Antoine Pimmel

Mis à jour 26/03/2019 à 17:04 GMT+1

NBA – Milwaukee et Houston s’affrontent mardi soir. Un duel à distance entre les deux meilleurs joueurs de la saison, Giannis Antetokounmpo (Bucks) et James Harden (Rockets). Une finale symbolique entre les deux grands favoris pour le MVP. Avec une opposition de style qui illustre justement les différentes définitions de ce qu’est, ou doit être, le lauréat du trophée individuel le plus prisé.

Giannis Antetokounmpo (Milwaukee Bucks) face à James Harden (Houston Rockets)

Crédit: Getty Images

Il n’en reste plus que deux. Deux joueurs pour postuler au trophée de MVP. Deux grandissimes favoris qui font jeu égal dans des domaines pourtant bien différents. Giannis Antetokounmpo d’un côté, James Harden de l’autre. Sans leur manquer de respect, les candidatures des excellents Kawhi Leonard et Nikola Jokic n’ont jamais vraiment pris de poids malgré des très belles prestations cette saison. Paul George était le troisième homme dans la course jusqu’à début mars avant de sombrer au même rythme que le Thunder descendait dans le classement à l’Ouest, passant de la deuxième à la septième place.
C’est donc un duel entre les deux basketteurs qui ont évolué au plus haut niveau sur les parquets américains au cours des derniers mois. Le hasard du calendrier fait que leurs équipes respectives, les Bucks pour Antetokounmpo et les Rockets pour Harden, se retrouvent ce soir, à moins de dix matches de la fin de la saison régulière.
Peut-être une dernière occasion pour eux de marquer les esprits avec une performance dantesque sous le nez de leur principal concurrent. Après, soyons honnêtes, les dossiers des deux sont déjà très solides. Il y a peu de chances que ce match change vraiment la donne – sauf énorme performance de l’un des deux – mais la narrative génère des clics et fait vendre du papier. Par contre, au-delà de cette affiche, il y a un vrai questionnement sur ce qu’il y a derrière les lettres MVP (Most Valuable Player). Parce qu’à l’heure actuelle, choisir un candidat plutôt qu’un autre revient à se demander ce qu’est vraiment le MVP.

Giannis Antetokounmpo, le patron d’une équipe qui domine la ligue

Il y a deux grandes définitions, et de nombreuses nuances, et donc deux choix différents qui s’imposent naturellement selon celle choisie. Antetokounmpo, par exemple, est le joueur le plus régulier au plus haut niveau depuis le début de la saison. Ses performances sont alignées sur le même ton d’octobre à mars. Il est le meilleur joueur de la meilleure équipe – Milwaukee possède le meilleur bilan NBA avec 55 victoires (à l'heure d'écrire ces lignes). Et c’est justement la première définition phare. La définition historique. Celle qui a le plus longtemps été utilisée pour couronner un joueur.
Derrick Rose qui menait les Bulls en tête de la Conférence Est en 2011. Dirk Nowitzki et les 67 victoires des Mavericks en 2007. Charles Barkley patron d’une équipe des Suns première à l’Ouest avec 62 succès en 1993. Si le MVP revenait simplement au meilleur joueur du monde chaque saison, intrinsèquement parlant, Michael Jordan aurait gagné le trophée dix fois (il en a cinq). Même Oscar Robertson n’a pas été élu quand il avait réussi sa saison en triple-double, la première de l’Histoire, en 1962. Parce que les Royals de Cincinnati n’avaient gagné que 43 matches sur 80. Kobe Bryant n’a pas non plus été récompensé malgré ses 35 points de moyenne en 2006. Ses Lakers n’étaient que sixièmes à l’Ouest.
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Kobe Bryant et Michael Jordan

Crédit: Getty Images

Quand une franchise brille plus que toutes les autres sur un exercice, son leader est traditionnellement nommé MVP. C’est le principal argument en faveur de Giannis Antetokounmpo. Ses Bucks sont en position pour gagner 60 matches et ils seront les seuls à le faire cette saison. C’est de loin la formation qui a le mieux joué – Golden State reste la meilleure équipe sur le papier – depuis octobre. Troisième meilleure attaque (113,5 points sur 100 possessions) et meilleure défense (104,4) et le meilleur différentiel : +9,1. Bien devant les Warriors (5,5) et encore plus loin les Rockets (3,4).
Et la superstar grecque est évidemment au cœur de ce succès. Il est l’homme central du système. Il est le système même. Il est le meilleur marqueur (27,4), le meilleur rebondeur (12,6), le meilleur passeur (6), le deuxième meilleur intercepteur (1,3) et le deuxième meilleur contreur (1,5) de son équipe ! Une machine ! Il affiche aussi le meilleur +/- de Milwaukee (+9,1) et il est le joueur le plus adroit aux tirs (58%). Sans lui, les Bucks ne seraient jamais en position de jouer leurs premières finales NBA depuis 1974, quand Kareem Abdul-Jabbar s’appelait encore Lew Alcindor et qu’il jouait dans le Wisconsin.

James Harden, l’homme des records les plus fous

Jusqu’en 2017, Antetokounmpo aurait été quasiment assuré d’être nommé MVP. Parce qu’une seule définition prévalait sur toutes les autres ou presque. Mais ça a changé avec la saison rocambolesque de Russell Westbrook. Le meneur du Thunder est devenu le deuxième joueur de l’Histoire à finir une saison en triple-double, battant au passage un record de Robertson (42 triples-doubles sur l’ensemble de la saison). Si ‘Big O’ n’avait pas été récompensé, Westbrook l’a été, malgré la sixième place d’Oklahoma City au classement de sa Conférence. Les chiffres étaient trop impressionnants pour ne pas être retenus et c’est justement James Harden (mais aussi Kawhi Leonard) qui en a fait les frais.
La star des Rockets se retrouve dans la position inverse aujourd’hui. Il n’a pas l’avantage du bilan. Il est l’homme des cartons et des performances individuelles les plus spectaculaires et les plus incroyables de la saison. Il a battu des records à la pelle. Basketteur le plus prolifique de la ligue, et de très loin, Harden pointe actuellement à 36 unités de moyenne par rencontre. Ce qui n’a plus été fait depuis Michael Jordan en 1987 (37 pts). Il est déjà à huit matches avec 50 points ou plus sur la saison, exploit inédit depuis Kobe Bryant en 2006. Il a enchaîné 32 rencontres de suite – 32 ! – avec au moins 30 pions au compteur.
C’est la deuxième série la plus longue de tous les temps. Seul le monstre Wilt Chamberlain a fait mieux avec 65 matches consécutifs. Il est aussi devenu le premier joueur de l’Histoire à réussir un triple-double tout en marquant 60 points lors d’un soir de janvier contre Orlando. Le MVP en titre a marqué 30 points ou plus contre TOUTES les équipes cette saison. Du jamais vu depuis que le championnat compte trente formations. Jordan avait fait de même en 1987 mais il n’y avait alors que vingt-trois franchises.
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James Harden (Houston Rockets)

Crédit: Getty Images

Les coups de chaud d’Harden marquent les esprits et c’est justement ce qui fait la différence avec les prestations plus régulières mais aussi plus monotones de Giannis. Les excellents matches d’octobre, de novembre ou de décembre sont vite oubliés. C’est la culture de l’instant. En revanche, cette surconsommation du barbu peut aussi jouer en sa défaveur. Parce que les Rockets sont d’un ennui mortel. Leur jeu repose essentiellement, pour ne pas dire uniquement, sur les isolations de leur meilleur joueur. En version caricaturale, cela donne ça : il prend la balle. Dribble. Dribble. Dribble. Dribble encore. Dribble. Dribble. Puis fini par prendre son tir.
Harden a joué plus de 1000 séquences – 1000 ! – en isolation depuis le début de la saison. Le deuxième de ce classement dépasse à peine les 200. C’est fou parce qu’il est certainement l’un des plus grands talents offensifs de l’Histoire de la NBA mais qui aura vraiment envie de revoir ses paniers et ses meilleurs moments quand il aura pris sa retraite ?
Le numéro 13 des Rockets prend en moyenne huit dribbles avant de dégainer à trois points. C’est environ sept de plus que la moyenne NBA. D’ailleurs, il n’hésite pas à arroser, encore et encore, et il a même battu le record du nombre de trois points tentés sur une saison – sans pour autant battre celui du nombre de trois points marqués, propriété de Stephen Curry. Il affiche des pourcentages évidemment plus faibles que ceux d’Antetokounmpo même si ça reste correct vu le volume ahurissant de tentatives : 44% et 36% à trois points contre 58% et 24% pour la star des Bucks. Giannis est plus efficace.

Qui a le plus d'impact sur son équipe ?

Il y a un troisième facteur, subsidiaire, souvent pris en compte au moment de nommer le MVP. Il revient à isoler la lettre ‘V’ et donc le mot ‘Valuable’. La question est alors la suivante : qui est le plus indispensable à son équipe ? Les ‘Win Shares’, statistiques très appréciés par les GM NBA, sont censés donner une idée du nombre de victoires apportées par un joueur à son équipe. Depuis le début de l’année, Giannis Antetokounmpo en a compilé 13,4. James Harden ? 13,3… l’écart est plus serré qu’il n’y paraît. Le ‘Net Rating’, différentiel entre points marqués et points encaissés sur 100 possessions, donne un autre indice. Les Rockets battent leurs adversaires de 4,6 points quand Harden est sur le terrain et de 2,5 quand il est sur le banc. Mais c’est beaucoup plus parlant pour les Bucks : +12,9 avec Giannis, seulement +3,3 quand il se repose.
Milwaukee a la meilleure équipe mais Giannis n’était pas nécessairement bien mieux entouré que son rival à la base. Harden peut compter sur Chris Paul, Clint Capela. Après, notons tout de même que plusieurs cadres de Houston ont longtemps été blessés et que c’est aussi pour ça que le barbu s’est mis à manger toutes les possessions offensives de son équipe. C’était quasiment nécessaire. Il a fait des statistiques mais il a aussi fait gagner les Rockets ! D’ailleurs, pour Danny Green (joueur des Raptors) “si Houston termine troisième à l’Ouest [la place que les Texans occupent actuellement], Harden doit être élu MVP.” Encore une fois, cette notion, encore bien ancrée, de bilan collectif pris en compte pour un trophée pourtant individuel.
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Giannis Antetokounmpo (Milwaukee Bucks) face à James Harden (Houston Rockets)

Crédit: Getty Images

Mais à l’inverse, Antetokounmpo fait gagner… mais il fait aussi des statistiques : 27, 12 et 6, c’est quasiment du jamais vu. Seul Oscar Robertson l’a fait. Une seule fois. Cette notion historique est pourtant peu mise en avant dans le cas du natif d’Athènes. Elle mérite plus de considération. Surtout que Giannis est aussi un joueur plus complet. Et un bien meilleur défenseur ! Il est d’ailleurs aussi candidat (et même favori) au trophée de DPOY (meilleur défenseur de la saison). Il a l’honneur de peser des deux côtés du parquet là où son concurrent brille essentiellement en attaque.
Après, Antetokounmpo est-il plus fort pour autant ? Il y a débat. James Harden est devenu un joueur absolument impossible à arrêter en développant son tir à trois points à reculons après avoir dribblé. Il est le leader d’une révolution offensive quasiment sans précédent en NBA. La saison a été marquée par la très forte hausse des points marqués chaque soir. Donc, quelque part, Harden est le visage de la saison. Ça peut vraiment influencer au moment du vote effectué par le panel de journalistes.
Une nomination d’Harden serait peut-être le signe d’un changement de définition du MVP, avec les chiffres et les records qui prendraient finalement le dessus sur les bilans collectifs. Bienvenue à l’ère de l’individualisme.
Mon pronostic : Si James Harden a été vraiment hallucinant cette saison, Giannis Antetokounmpo reste mon MVP.
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