Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Popovich dépassé, Spurs démodés : San Antonio, une franchise mythique devenue banale

Antoine Pimmel

Mis à jour 04/12/2018 à 17:46 GMT+1

NBA – Il est temps de se rendre à l’évidence et d’accepter la réalité du terrain : San Antonio est aujourd’hui une équipe du milieu de tableau après avoir squatté les sommets pendant vingt ans. Une grande page de l’Histoire du basket américain s’est tournée.

Les Spurs de Gregg Popovich sont en difficulté

Crédit: Getty Images

Il n’y a plus de beauté dans le basket. C’est devenu vraiment ennuyeux.” C’est avec des mots forts que Gregg Popovich a entrepris une nouvelle critique très sévère de l’évolution du jeu NBA. “L’accent est mis sur le tir à trois points parce qu’il a été prouvé statistiquement que c’est le meilleur tir. Maintenant, quand vous regardez la feuille de match, vous regardez d’abord les trois-points. Si vous en mettez et que l’autre équipe ne le fait pas, vous gagnez. On ne prête même plus attention aux rebonds, aux ballons perdus ou au repli défensif. On s’en fiche. Ça montre l’impact du tir à trois points."
"Je déteste ça depuis toujours. Ça fait vingt ans que je déteste le tir à trois points. Il n’y a plus vraiment de basket.” Ce n’est pas la première fois que le coach légendaire des San Antonio Spurs descend en flammes la tendance prise par les équipes du championnat nord-américain. Il l’a souvent dit et ça s’est toujours senti. Mais ça ne l’a jamais empêché de s’adapter à son époque.
Au contraire, même. Les Spurs ont longtemps été avant-gardistes. Ils ont mis l’accent sur les tirs à trois points dans le corner avant tout le monde. Ils ont développé un jeu de passes accru, avec du mouvement permanent, qui a ensuite inspiré Steve Kerr aux Golden State Warriors. En fait, Popovich s’est constamment calqué sur les besoins de la ligue à chacune de ses évolutions. Il les a parfois même dictées. Son équipe pratiquait un basket ennuyeux à mourir – d’où l’ironie quand il critique la beauté de son sport – au début des années 2000. Du jeu lent, constamment placé sur demi-terrain.
La défense primait alors largement sur l’attaque. Mais c’est parce que le stratège se reposait d’abord sur ses deux tours jumelles, David Robinson et évidemment Tim Duncan. Il a gagné comme ça. Puis Tony Parker et Manu Ginobili se sont affirmés et les Texans ont commencé à jouer plus vite. Il a ensuite compensé la vieillesse de ses cadres en proposant un basket parfaitement léché, avec des passes, des extra-passes, des coupes… un régal pour les passionnés de balle orange.
picture

Tim Duncan, Manu Ginobili et Tony Parker

Crédit: AFP

Une nouvelle ère à San Antonio

D’ailleurs, les éperons jouent toujours comme ça dans l’inconscient collectif des amateurs de NBA. Ce n’est pourtant plus du tout le cas. Et depuis deux ans déjà. Il est temps de faire la mise à jour. Les longues séances de passes ont été principalement remplacés par des isolations pour Kawhi Leonard, un ailier devenu une force de frappe en un-contre-un (Kobe Bryant voit par exemple de vraies similitudes entre son jeu et celui de Leonard). Encore une fois, Popovich s’était ajusté au meilleur joueur de son effectif. Comme il le fait désormais pour DeMar DeRozan et LaMarcus Aldridge. Sauf que c’est maintenant un problème. Son équipe – et donc son effectif – n’est plus du tout en accord avec le jeu moderne.
Pour faire simple : les Spurs sont démodés. Dépassés. Et Gregg Popovich paraît has been pour la première fois de son immense carrière. Les termes peuvent choquer, ou surprendre. Notamment en France où la franchise de San Antonio a été adulée pendant des années. Il y a comme un mythe autour des Spurs. Parce que le meilleur basketteur de l’Histoire de notre pays a longtemps été le meilleur joueur de la meilleure équipe du monde. Il faut actualiser. Cette époque est révolue. Les statistiques, les résultats ou même le rendu visuel démontrent que l’organisation aux cinq titres de champion NBA n’est plus dans le coup. Elle est rentrée dans le rang.
Nous avions déjà annoncé le changement de statut de la franchise le 14 mars dernier. L’équipe bataillait alors pour se qualifier pour les playoffs. Elle a fini par obtenir son ticket in-extremis avant de se faire sortir au premier tour par les Warriors. Pour nous, cela marquait déjà le début d’une nouvelle ère bien plus chaotique. Et ça se confirme aujourd’hui, plusieurs mois après. La saison est encore longue mais San Antonio pointe désormais au treizième rang de la Conférence Ouest avec seulement 11 victoires en 23 matches. Le classement est très serré et il serait idiot d’enterrer Aldridge et les siens de la course aux playoffs. Ils ont juste deux défaites de plus au compteur que les Mavericks, huitièmes. Tout est encore jouable.

Une équipe complètement démodée

Mais comme l’explique Zach Lowe, probablement le meilleur analyste NBA de la planète, la marge d’erreur est minuscule pour les hommes de Gregg Popovich. Parce que leur plan de jeu est celui d’un autre temps. Ils sont en retard, et ce pour la première fois depuis vingt ans. Hormis les Cavaliers, aucune équipe ne tente moins souvent sa chance à trois points que les Spurs. En revanche, les Texans sont les plus adroits de loin mais ils n’en profitent pas vraiment vu le trop faible échantillon. Lowe ajoute que c’est aussi la formation qui tire le plus rarement sous le cercle. Pas de layups et pas de trois points, les deux tirs qui ont le plus de valeur dans le basket moderne ! C’est aux antipodes de ce qui se fait aujourd’hui.
picture

DeMar DeRozan et LaMarcus Aldridge (San Antonio Spurs) les yeux dans le vague sur le banc

Crédit: Getty Images

Alors qu’à l’inverse, presque la moitié des tirs pris par les Spurs le sont à mi-distance. La zone proscrite. Considéré comme la moins efficace. C’est d’abord parce que les deux meilleurs joueurs de San Antonio, DeMar DeRozan et LaMarcus Aldridge, raffolent de ces positions à l’ancienne. Le jeu de San Antonio repose essentiellement sur eux. Il y a encore quelques belles séquences de passes de temps en temps. Mais leur philosophie offensive consiste d’abord à jouer des picks-and-roll, des picks-and-pop en faveur des deux All-Stars. Un peu comme les Rockets avec Chris Paul et James Harden. Sauf que les deux patrons de Houston prennent environ 17 tentatives derrière l’arc en cumulé. Contre seulement quatre à mi-distance. DeRozan et Aldridge ? Seize longs deux points pour à peine plus de deux tirs extérieurs.

Une reconstruction inévitable

Les éperons marquent d’ailleurs seulement 109 points par match, soit la 17e équipe la plus prolifique de la ligue au scoring. Ils s’en sortent parce qu’ils sont talentueux. Mais c’est difficilement tenable sur la distance, à moins que Popovich accepte de modifier son schéma. Il reste l’un des plus grands coaches de tous les temps. Peut-être même le plus grand. Mais dans quel état d’esprit est-il aujourd’hui ? Il a évidemment été affecté par les événements des derniers mois (décès de sa femme, transfert forcé par Kawhi Leonard). Certains se demandaient même s’il n’allait pas annoncer sa retraite anticipée pendant l’été. Pop voulait entraîner aussi longtemps que Duncan joue et il avait finalement prolongé son service en découvrant Leonard. Mais ce dernier a préféré partir. Plutôt que de reconstruire autour de choix de draft et de jeunes joueurs, les Spurs ont opté pour un All-Star en la personne de DeRozan. Et ça se comprend complètement. Popovich va fêter ses 70 bougies et il est normal qu’il ne soit pas chaud à l’idée de redémarrer de zéro.
Ce moment semble pourtant inévitable et il approche de plus en plus. Il est très peu probable que le coach prolonge au-delà de 2020. DeRozan et Aldridge seront alors dans la dernière année de leur contrat et ils auront passé la trentaine. Le problème, c’est qu’il n’y a pas forcément de grands motifs d’espoir d’ici-là. L’équipe est trop douée pour tanker et essayer de dénicher un bon choix de draft. Il n’y a pas non plus de jeunes talents au potentiel très excitant dans l’effectif. Dejounte Murray – qui est indisponible pour toute la saison – est intéressant mais il n’a pas non plus l’air d’avoir l’étoffe d’une future star autour de laquelle San Antonio peut se reconstruire. Avec la densité de la Conférence Ouest, accrocher les playoffs pour une vingt-et-unième fois d’affilée semble compliqué mais pas impossible. Mais dans tous les cas, ce sera probablement juste pour y faire figuration. Cette équipe n’est plus ce qu’elle était. Elle est désormais moyenne, au milieu de tableau. La pire place en NBA. Elle ne fait plus rêver. Après vingt ans au sommet du sport mondial, elle est finalement (re)devenue banale.
picture

Popovich

Crédit: Getty Images

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité