Mondiaux de Lenzerheide | Talent français, ambition norvégienne : Eric Perrot, drôle de prototype

Il est à la fois le présent et l'avenir du biathlon tricolore. Troisième du classement général de la Coupe du monde après une progression linéaire depuis son arrivée sur le circuit, Éric Perrot aborde les Mondiaux avec l'ambition d'y décrocher de l'or. Sûr de sa force, clair sur ses objectifs, le Peiserot de 23 ans est prêt à battre tout le monde. Surtout les Norvégiens, qu'il connaît par cœur.

Perrot : "J’ai envie de devenir le meilleur biathlète du monde"

Video credit: Eurosport

S'il existait une recette pour élaborer le meilleur biathlète possible, il faudrait sans doute une épaisse tranche de Martin Fourcade, une belle part d'Ole Bjørndalen, une grappe de Johannes Boe et un soupçon de Raphaël Poirée. Un plat franco-norvégien, en somme. Éric Perrot n'est pas tout ça, puisqu'il n'est pas un produit de science-fiction. Mais il a l'essentiel : d'énormes qualités de ski et de tir et, aussi, un père français, une mère norvégienne, tous deux champions du monde junior dans la discipline.
Voilà pour le fameux "patrimoine génétique" que l'actuel N.1 tricolore, troisième du classement général de la Coupe du monde, évoque régulièrement lorsqu'on l'interroge sur ses prédispositions. S'il défend les couleurs françaises, l'athlète de 23 ans aurait très bien pu opter pour celles de l'autre nation forte du biathlon. Car il a fait le (bon) choix de ne pas choisir : il aime la France, où il est né et a grandi, et il aime la Norvège, où vit la moitié de sa famille qu'il retrouve tous les ans, et où il a effectué une partie de sa formation d'athlète.

Uldal, ce "vieil" adversaire

"J'ai appris le ski tout court, nous a-t-il confié quelques jours avant les Mondiaux de Lenzerheide (à vivre en intégralité sur Eurosport, via la plate-forme Max). Je n'ai pas appris le ski français et le ski norvégien. J'ai côtoyé des Français en construisant toute ma carrière en France. Et j'ai côtoyé des Norvégiens en étant, à un moment donné, au club là-haut."
"Là-haut", c'est Ålgård, ville du comté de Rogaland où il a passé quelques mois de sa vie, avant l'adolescence. Là, avec le club du coin, il y a côtoyé plusieurs athlètes locaux qui ont, ou qui vont, émerger sur le circuit professionnel. Il y a même affronté un certain Martin Uldal, l'une des révélations de l'année en Coupe du monde. Mais à l'époque, Perrot avait bien plus de mal à leur tenir tête. "Très jeune, Éric avait de très belles qualités physiques, nous glissait son père, Franck, au Grand-Bornand en décembre dernier. Aussi bien en cross qu'en ski nordique. Et puis il y a eu toutes ces années où il a eu un retard de croissance et où effectivement, il a vécu les fonds de classement."
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Franck Perrot : "Eric a connu les fonds de classement"

Video credit: Eurosport

À sa place, beaucoup d'autres garçons se seraient sans doute démobilisés. Lui ? Jamais. Pour au moins deux raisons. La première, c'est qu'il aime profondément la compétition. "Le biathlon, c'est un jeu à 90%, nous a-t-il assuré lors d'un trajet entre hôtel et piste, à Lenzerheide. Vous savez, dès qu'on a passé un petit moment à la maison, on est ressourcé et on a envie d'y retourner. Il y a 10% du temps où, parfois, on est un peu lassé. Dans ces cas-là, ça redevient un travail. Mais on a la chance de 'jouer' 90% du temps."
Dans la culture scandinave, ils n'ont pas peur de vouloir se montrer
La deuxième est qu'il n'a qu'un objectif : "Depuis tout petit, j'ai toujours eu envie de devenir le meilleur biathlète du monde, a-t-il enchaîné. Je sais que ça va demander beaucoup de travail. Mais j'ai l'impression qu'au niveau des résultats et de la progression, ça se passe plutôt comme je l'avais prévu." Son père, lui, n'a pas toujours eu la même certitude : "Moi, je me suis toujours dit : 'soit il n'a finalement pas les qualités et ça ne marchera pas. Soit il les a et il se passera forcément quelque chose'...".
C'est aussi ce qui différencie Éric Perrot. Le jeune homme dégage, à la manière d'un Léon Marchand, à la fois beaucoup d'ambition et de sérénité. L'ADN norvégien, peut-être : "C'est vrai qu'il y a certains Français qui ont peur d'affirmer leurs ambitions, observe-t-il. Dans la culture scandinave, ils n'ont pas peur de vouloir se montrer, de vouloir être les meilleurs. On le voit : les athlètes de l'équipe B norvégienne ouvrent grand leurs bouches pour dire qu'ils sont meilleurs que l'équipe A. Je ne pense pas avoir de la prétention. J'aime juste dire ce que je pense. Peut-être que c'est effectivement un trait norvégien."
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Eric Perrot, ici lors du relais masculin d'Antholz

Crédit: Getty Images

Vainqueur du sprint de Soldier Hollow l'année dernière et de la mass-start de Kontiolahti en début de saison, dossard jaune en décembre, Perrot progresse de manière constante et sera bientôt, sans doute, l'un des cadors du circuit alors que Johannes Boe, patron de la discipline, s'apprête à prendre sa retraite. "Le roi part, a noté le Français. Il laisse son trône mais je pense qu'on sera nombreux à vouloir le récupérer. Il y a énormément de densité chez les Norvégiens. Mais ce qui est sûr, c'est que je ferai partie de la bataille."

Les Norvégiens ne sont pas des super-héros

Il n'attend que ça. Désormais bon skieur, très bon tireur (87% de réussite au coucher, 91 au debout), habile communicant, le Peiserot a aussi une autre arme que sa carabine. Il connaît les rivaux nordiques par cœur et maîtrise la langue d'Ibsen. "C'est vrai qu'avec eux, je vis des choses et partage des moments que mes camarades français ne peuvent pas partager, constate-t-il. J'ai l'impression de les connaître un peu mieux, d'être un peu plus proche d'eux. C'est pour ça qu'ils ne m'effraient ni sur la piste ni sur le pas de tir. C'est peut-être des ressources que je peux utiliser, notamment face à un Uldal par exemple. Finalement, je les vois comme des rivaux parmi d'autres. Comme des humains et non pas comme des super-héros. Peut-être que si je les percevais comme cela, ce serait un petit peu plus difficile d'aller les battre."
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Le tuto tricolore : comment survoler une course malgré une chute et un tour de pénalité

Video credit: Eurosport

Voilà comment Perrot compte poursuivre sa progression et s'affirmer, encore, d'ici les Jeux de Cortina. Le sprint des Mondiaux (ce samedi, 15h05), où il avait fini 4e l'année dernière, n'est qu'une étape. "C'est vrai que dans ma tête, c'est un peu l'or ou rien, a-t-il résumé. Ça a toujours été comme ça. Mais si je sors des Mondiaux sans or, je ne serai pas forcément déçu. L'objectif est de continuer à construire solidement ma carrière, notamment en vue des JO l'année prochaine." 
Le discours est toujours direct et les objectifs élevés. La recette est-elle la bonne ? "Je pense que j'incarne un élan d'ambition et d'envie qui s'est peut-être retrouvé chez d'autres très grands noms du passé, considère-t-il. Il me reste encore tout à faire. Pour l'instant, je prends de l'élan, je monte progressivement. J'espère qu'avec ça, avec cette ambition, je pourrai atteindre les sommets comme l'ont fait mes prédécesseurs." Français. Et norvégiens.
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