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Fourcade, définitivement or normes

Laurent Vergne

Mis à jour 26/02/2018 à 16:39 GMT+1

JEUX PYEONGCHANG 2018 – Que ce soit dans son rôle de star du biathlon appelé à se couvrir d'or ou dans celui de porte-drapeau de la délégation française, Martin Fourcade a réussi ses Jeux à tous points de vue. Après sa cavalcade coréenne, il jouit plus que jamais d'un statut à part dans le paysage sportif français, qu'il soit actuel ou historique.

Martin Fourcade

Crédit: Getty Images

Martin Fourcade n'avait rien à prouver à Pyeongchang. Ni à lui ni (encore moins) à nous. Six fois vainqueur de la Coupe du monde, multiple champion du monde, double champion olympique, il ne venait régler aucun compte, n'avait aucune lacune à combler, rien à se faire pardonner. Pour autant, personne n'était plus attendu que lui. Dans le monde du biathlon, il était le gibier, la cible. Et en France, tout le monde comptait sur lui pour assurer une bonne part du capital de médailles, surtout celles en or. Avec trois titres, dont deux en individuel, il a magistralement assumé.
Seul Johannes Klaebo, en ski de fond, repart également de Corée du Sud avec trois médailles d'or. En Fourcade, la France tient donc un des plus grands personnages de ces Jeux. Spécimen à part, spécimen rare, il a mis à profit ces deux semaines pour enjamber quelques haies historiques supplémentaires et asseoir de façon plus confortable encore sa place de choix dans le gotha du sport français. Désormais quintuple champion olympique, il a non seulement dépassé Jean-Claude Killy mais aussi Lucien Gaudin et Christian d'Oriola pour devenir le sportif français le plus titré de l'histoire des Jeux Olympiques.
Fourcade n'a jamais raté ses grands rendez-vous et c'est un des ciments de sa légende. En trois participations, il s'est toujours appuyé sur les Jeux pour franchir un cap significatif. A Vancouver, en 2010, il est devenu un champion. Inconnu du grand public, tout juste âgé de 21 ans, il était dans l'ombre de Vincent Defrasne et de son frère, Simon. Lui qui n'avait encore jamais signé le moindre podium en Coupe du monde avait pourtant trouvé le moyen de claquer une médaille d'argent sur la mass start. Le début de son histoire. A Sotchi, il est devenu une star. Deux titres, trois médailles et une aura décuplée. Cette fois, il est définitivement devenu une légende majuscule du sport hexagonal.
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Martin Fourcade sur le relais mixte des Jeux de Pyeongchang

Crédit: Getty Images

La mass-start, chef d'œuvre des chefs d'oeuvre

Au-delà des aspects comptables, ces Jeux ont peut-être été ses plus beaux. Parce que rien n'y a été simple. Il y a connu une déception inaugurale, dans le sprint, et sans doute une des plus grandes désillusions de sa carrière, lors de ce 20 kilomètres dont on se demandera longtemps comment il a pu lui échapper. Inutile de triturer la carabine dans la plaie. Ce soir-là, il n'a sans doute pas fait bon le croiser au Village olympique. Jamais on ne l'avait vu aussi furibard contre lui-même. Il n'avait pas été battu par plus fort que lui, il s'était battu tout seul. Insupportable autodestruction à ses yeux.
Pour être honnête, autant je ne doutais pas de sa capacité à rebondir après le sprint (après tout, il l'avait déjà fait à Vancouver et Sotchi), autant cet échec-là, par sa nature, aurait pu le laisser à terre. Oui, même lui. Or trois jours plus tard, il a offert un sommet de sport, d'intensité et d'émotion dans ce qui restera peut-être comme le point culminant de sa vie de champion, ce qui en dit long au vu de son parcours.
Mais il y avait tout, dans cette mass start, jusqu'à ce scenario parfait, pour solder simultanément deux ardoises vieilles de trois jours et de quatre ans, celles de l'individuel de Sotchi. Dans 15 ou 20 ans, ce sprint à la pointe de la chaussure face à Schempp, version 2018 de Svendsen, c'est peut-être la première image qui me viendra de Martin Fourcade. C'est le chef d'œuvre des chefs d'œuvre.Après cette troisième symphonie olympique, il s'isole dans une caste restreinte dans le sport français. Dans la décennie écoulée, on ne voit guère que Teddy Riner à sa hauteur. Ils ont émergé à peu près au même moment. L'emprise sur leur discipline a quelque chose de similaire, tout comme leur façon d'incarner leur sport comme personne tout en le transcendant.
Riner est plus qu'un judoka. Fourcade bien plus qu'un biathlète. C'est encore plus vrai cet hiver, où son autobiographie est un vrai succès de librairie, et après ces Jeux, où il a géré avec un certain brio son rôle de porte-drapeau. Aucune fausse note, jusqu'à cette décision, personnelle, de céder le dit-drapeau à Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron pour la cérémonie de clôture. Ça n'a l'air de rien, mais au fond, ça dit tout de lui.
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Martin Fourcade.

Crédit: Getty Images

Chercheurs de poux et pisse-froid

Martin Fourcade a donc réussi ses Jeux de toutes les manières possibles. Les chercheurs de poux et les pisse-froids, se mariant aussi opportunément que la bave et le crapaud, lui reprocheront, pour les premiers, de n'avoir ramassé "que" trois médailles, sorte de minimum syndical pour un type ayant aligné 18 podiums avant d'arriver en Corée, et pour les seconds de profiter d'un sport où les opportunités de podiums sont si nombreuses. "Encore heureux qu'il gagne des médailles, il y a cinquante épreuves dans cette discipline", a-t-on pu lire dans quelque "chronique".
Non, il n'a pas tout gagné à Pyeongchang. Mais parce que ses failles ont engendré ses victoires, à l'image du contraste saisissant entre l'individuel et la mass-start, les premières surlignent la valeur des secondes.
Quant à son palmarès, personne n'essaie d'en faire un élément de comparaison avec tel ou tel de ses pairs. Le nombre de médailles ne détermine pas un rapport de forces entre les champions. Michael Phelps n'est pas plus grand qu'Usain Bolt parce qu'il a plus du double de médailles. Fourcade n'est pas plus grand qu'un Riner, à la quête unique tous les quatre ans.
Reste un fait, indéniable : il a fallu attendre 122 ans après la création des Jeux modernes pour qu'un sportif français se forge un tel CV olympique. On peut bien sûr s'échiner à banaliser la chose, à la minimiser, au nom d'on ne sait quel combat absurde. On peut aussi la saluer à sa juste valeur, celle d'un champion aussi rare que majuscule.
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Martin Fourcade reçoit sa médaille d'or de la mass start à Peyongchang

Crédit: Getty Images

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