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Sur Twitter, le Giro a choisi l'audace : "Fai(re) comme le Tour", c'est "rester dans son ombre"

Simon Farvacque

Mis à jour 23/05/2024 à 12:22 GMT+2

Avec le détournement d'un mécanicien poussant la terre entière, une référence très hexagonale lors de la victoire de Julian Alaphilippe ou un clin d'œil à la Formule 1, le Giro fait dans l'original sur Twitter en cette édition 2024. Aux commandes, un Français de 24 ans qui nous explique la différence d'approche entre RCS, organisateur du Tour d'Italie, et ASO, son pendant pour le Tour de France.

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Le Giro propose des contenus accrocheurs sur Twitter et vous êtes au cœur de cette approche moderne en tant que community manager (CM). A quoi ressemble votre travail ?
Guillaume Wattier : Je suis dans les bureaux de RCS à Milan. On est six dans la salle. Il y a notamment une personne en charge d'extraire les vidéos et de faire des montages. Parfois elle prend l'initiative, parfois je vais voir une image intéressante et lui suggérer de l'associer à tel film, tel audio.
Par exemple, la vidéo du mécanicien d'Intermarché-Wanty – Andrea – qui pousse tout le monde pendant trente secondes (détournement viral ci-dessous), cela part de mon idée et c'est le monteur qui l'a faite. Il y a une synergie sur la création de contenus.
Quel cursus avez-vous suivi ?
G.W. : J'ai 24 ans, j'étais encore en école de communication dans les médias sportifs il y a un an. Je suis CM de toutes les épreuves de RCS, et donc du Giro, depuis le début de l'année 2024, alors que j'étais chez ASO l'an passé.
Les politiques de communication – et les consignes qui vont avec – sont-elles différentes, entre ces deux organisateurs ?
G.W. : C'est le jour et la nuit. D'un côté, il y a ASO, avec une communication plus traditionnelle, plus sérieuse, que certains vont qualifier de plus "pro". De l'autre, chez RCS, Twitter est un peu moins mis en avant par l'institution et on est plus libre de faire ce que l'on veut.
Cette liberté est-elle explicite ? Ou prenez-vous cette latitude instinctivement, en ressentant une moindre pression ?
G.W. : Je pense qu'il y a un peu des deux. Je sais que j'ai été recruté parce que je faisais des tweets assez "fantaisie", via mon compte perso. Et on a une liberté qui est dite, qui est donnée. Je pense qu'il y a aussi une volonté de se différencier du Tour de France, parce que si le Giro fait comme le Tour, il va rester dans son ombre.
L'an passé, autour de Thibaut Pinot notamment, on sentait déjà une communication plus osée. Cela a-t-il contribué à votre recrutement, que ce soit par votre prisme ou par celui de votre employeur ?
G.W. : Je pense que ça a pesé dans les deux sens. De ce que m'a dit l'ancien CM - qui est mon N+1 - le changement a été amorcé il y a trois ans. Le but était de devenir une course avec une communication plus légère, pour que les gens se disent : "Le Giro n'aura peut-être jamais le prestige du Tour, mais sur la communication, le Giro est imbattable." Je passe énormément de temps sur Twitter en ce moment – c'est vraiment ma vie – peut-être 20h par jour, et je vois beaucoup de gens qui notent que notre communication est à un bon niveau.
Tweet du Giro concernant Thibaut Pinot - Tour d'Italie 2023
C'est aussi ce que je suis venu chercher. J'ai adoré être chez ASO, c'étaient six mois absolument fous, mais de temps en temps, j'aurais bien aimé faire plus. J'étais plus restreint. Tandis que chez RCS, je me dis parfois que j'aimerais être restreint, parce que lorsqu'on n'a pas de limite, c'est dur de savoir jusqu'où on peut aller.
Certaines publications passent-elles par des validations internes ?
G.W. : 80% de ce que je fais, c'est sans être soumis à un droit de regard. Mais il y a des tweets "sur la ligne", que je fais valider par mon N+1, à ma gauche, qui gère à peu près tout, et surtout les highlights. Une fois, il m'a donné son accord pour un tweet, je l'ai posté… puis je l'ai supprimé au bout d'une demi-heure. Sur une étape de plat, j'avais écrit "On dort" en cinq langues. Le tweet marchait bien, mais avec le recul, je l'ai enlevé pour l'image de la course.
Comment jonglez-vous entre les tweets purement factuels, voire académiques, et les traits d'humour ?
G.W. : Ce n'est pas toujours évident. Pendant la course, je me concentre sur elle. Je n'aime pas avoir de contenu "partenaires" ou autre à publier pendant l'étape. Quand je poste un contenu plutôt "fun", "décalé", j'essaie de le faire à un moment où il ne se passe pas grand-chose, pour divertir les gens. Quant aux chutes : on informe mais on ne montre pas les blessures graves.
Le must c'est quand tout s'imbrique : pouvoir transmettre une information et avoir l'opportunité de le faire d'une manière comique…
G.W. : Oui, là, c'est parfait. Quand Filippo Ganna prend la première place du chrono au moment où Sergio Pérez se fait éliminer en Q2 lors du Grand Prix d'Imola (samedi durant la 14e étape, ndlr), je saute sur l'occasion. C'est dans l'air du temps, je sais que des gens vont comprendre la référence.
Il y a Julian Alaphilippe, aussi, qui gagne le jour de la sortie du teaser de la série de Netflix sur le Tour de France, où il dit qu'il est "un peu trop (payé)" aux yeux de Patrick Lefevere. Pour moi, c'est du pain bénit. C'est super que RCS me donne la liberté de poster ça. Je ne sais pas si avec ASO j'aurais eu le droit de poster un tel contenu.
Avec les bons et les mauvais côtés que cela implique...
G.W. : L'an dernier, j'ai travaillé durant tout le Tour de France, et je me suis fait personnellement "attaquer" sur les réseaux lors d'une seule étape. Alors que là, tous les jours, beaucoup plus de gens disent "Le CM du Giro fait un vrai taf", mais il y a aussi beaucoup de gens qui disent "Le CM du Giro est un tocard". Je vois pas mal de commentaires positifs (il réfléchit) mais on est plus touché par le négatif. Voir que mon travail est aussi clivant, c'est le principal changement.
En tant que Français, vous apportez votre patte, avec certaines références assez spécifiques. Comment la dosez-vous ?
G.W. : Bonne question. J'essaie d'être neutre, peu importe la nation. Après, lors de la victoire d'Alaphilippe… Patrick Montel est sorti, parce que je savais que beaucoup de Français étaient sur les réseaux. Si c'est une échappée avec des Italiens, je peux par exemple demander à un collègue une "ref" (référence) en conséquence. Mais j'essaie de faire une communication qui touche tout le monde, en variant aussi les sports, dans la mesure du possible.
Quels sont d'ailleurs vos sports préférés ?
G.W. : En numéro 1, les sports automobiles. Pas que la Formule 1, mais la F1 est plus grand public. En numéro 2, le football et notre bonne vieille Ligue 1. Et en numéro 3... le cyclisme, quand même.
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