Voeckler peut-il le faire?

La question dérange. Sans doute parce que Voeckler et tout le Team Europcar ne s'y attendaient pas. Le maillot jaune a débarqué dans la structure vendéenne sans que celle-ci y soit franchement préparée. Un fardeau ? Jamais. Une aubaine plutôt. Mais au moment d'évoquer la question de la défense du maillot jaune, Jean-René Bernaudeau hésite et joue la carte de la prudence. "On en saura plus dans trois jours, la montagne n'a pas commencé. Nous ne sommes que sept à pouvoir le défendre. Christophe Kern a abandonné et Vincent Jérôme est convalescent."

Pourtant, le manager vendéen le sait. Thomas Voeckler en jaune, ce n'est pas anodin. C'est une opportunité unique à chérir pour que le règne s'étende le plus longtemps possible. "Notre façon de courir va changer. On n’est plus dans l'optique d'aller chercher des étapes. Ça bouleverse nos plans. On doit défendre notre prestigieux bien", lâche tout de même le manager vendéen. Quitte donc à rouler contre-nature. Fini les longues échappées. Le Team défendra bec et ongles son maillot jaune dans les jours qui viennent. Anthony Charteau, Pierre Rolland et Cyril Gautier, coureurs protégés jusqu'ici, se mettront à la planche s'il le faut.

Tant pis si le premier visait le pois. Tant pis si les deux autres rêvaient d'une victoire d'étape voire d'un maillot blanc. Voeckler pourra compter sur une équipe entièrement dévoué à la cause de son précieux paletot : "Je fais sans hésiter une croix sur mes ambitions de maillot à pois. Soyons honnêtes : on ne peut pas jouer sur tous les fronts et le maillot jaune est au-dessus de tout", nous a confié un Charteau qui avait pourtant fait des pois son objectif suprême de la saison. "Sur le papier, avec notre équipe qui marche bien, les parcours de ces étapes, et avec des circonstances de course normales, ça paraît réalisable de le garder jusqu'à mercredi", pronostique Voeckler. "Après, Luz-Ardiden (arrivée de la 12e étape jeudi) avec les deux cols qu'il y a avant et mes deux minutes trente (d'avance)..."

Voeckler semble en tout cas mieux armé qu'en 2004. D'abord, avec Pierre Rolland et Anthony Charteau, il pourra compter sur deux lieutenants très à l'aise dès que la pente durcit les mollets. "Anthony Charteau est meilleur grimpeur du Tour 2010. Très peu d'équipes peuvent s'enorgueillir d'avoir un équipier de ce talent", rappelle Bernaudeau. Charteau trace le même sillon : "Je vais pouvoir l'accompagner dans les dernières ascensions. C’est un atout non négligeable." Car à la pédale face aux Contador, Evans et autres Schleck, Voeckler ne fait a priori pas le poids en haute montagne. "C’est clair que si les leaders s’attaquent d’entrée dès jeudi à Luz-Ardiden, ça va compliquer nos affaires", prévient un Charteau lucide.   

Autre atout, Voeckler a acquis depuis 2004 un nouveau statut. Il n'est plus l'illustre inconnu qui retarde le couronnement du roi Armstrong. Non, désormais Voeckler fait partie de ceux qui comptent dans le paquet. "S'il n'a pas perdu de temps lors de la première semaine sur les chutes ou les cassures c'est parce qu'il est respecté dans le peloton. On lui laisse plus la place qu'à d'autres coureurs", selon Charteau. Et puis Voeckler est "dans la forme de sa vie", dixit Bernaudeau.

"Thomas a montré depuis le début de l'année qu'il était à un gros niveau. Il n'a pas de complexe. Il fait 10e du Dauphiné sans jouer le général et en se montrant à son avantage dans de gros cols. C'est évident que le sacrifice de l’équipe en vaut la peine. Il a battu Scarponi au Trentin et il a fait un grand Dauphiné", poursuit JRB. De là à affirmer que Voeckler a  des ambitions au général, il y a un pas que Bernaudeau refuse de franchir. C’est un sujet tabou pour le manager du Team Europcar.

Voeckler fait profil bas : "Je suis un maillot jaune intermittent. Je ne suis pas un rêveur, je n'ai pas d'ambition pour le classement général. Je ne me vois pas dans les dix premiers à Paris." Pour évoquer les ambitions de Ti-Blanc, il faut se tourner vers son meilleur ami dans le peloton, Anthony Charteau. "Faire entre 5 et 10 à Paris, c'est faisable. Le Top 5 au mieux si la grande bagarre entre les gros leaders se fait attendre. Thomas a énormément de respect pour ce maillot. Il le galvanise, il l'a d'ailleurs montré en 2004. Il est capable d'aller très loin." Très loin d'accord mais jusqu'où ? "Chartix" se mouille : "Jusque dans les Alpes."