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Pitié, ne mettons pas la pression du Tour de France sur Julian Alaphilippe !

Béatrice Houchard

Mis à jour 13/10/2018 à 13:34 GMT+2

Les Français détiennent toujours le record de victoires dans le Tour de France. Mais, mondialisation du cyclisme oblige, c’est de plus en plus compliqué de le gagner. Raison de plus pour ne pas trop mettre la pression sur Thibaut Pinot, Romain Bardet et surtout Julian Alaphilippe, capables de gagner sur tous les autres terrains.

Julian Alaphilippe

Crédit: Getty Images

Vous, je ne sais pas, mais moi je me suis plutôt régalée. Pas devant toutes les courses, mais presque. Beaucoup pendant les tours d’Italie et d’Espagne, un peu pendant le Tour de France, pas mal pendant les classiques de printemps et d’automne et jusqu’à ce Milan-Turin remporté mercredi par Thibaut Pinot, en attendant l’issue du Tour de Lombardie.
Pas systématiquement chauvine (mon préféré, c’est Peter Sagan), mais évidemment patriote, j’ai cru voir partout en tête des pelotons, outre Pinot, Julian Alaphilippe, Romain Bardet, Arnaud Démare, Tony Gallopin, Alexandre Geniez, etc. Ça ne se voit pas forcément quand on regarde les classements du World Tour, mais un petit vent de fraîcheur et de panache est bien en train de souffler sur le vélo bleu-blanc-rouge.
Evidemment, il y a un problème : le Tour de France. La Flèche Wallonne de Julian Alaphilippe, comme en 2016 le Milan San Remo d’Arnaud Démare, des étapes un peu partout et tout le temps, c’est bien. Très bien. Le Tour, ce serait évidemment mieux pour que le cyclisme ait son Griezmann, son Lavillenie ou son Mbappé. Mais la disette, pour ne pas dire le deuil, dure depuis la dernière victoire de Bernard Hinault, en 1985. Comme pour le tennis le Roland Garros de Yannick Noah en 1983. Une génération ! Les Belges, eux, n’ont plus gagné depuis Lucien Van Impe en 1976.

24 nations ont eu le droit au maillot jaune

Depuis 1903 et surtout depuis 1947, on avait pris de mauvaises habitudes : chaque vainqueur du Tour connaissait le nom de son successeur quand approchait l’âge de la retraite : Jean Robic puis Louison Bobet puis Jacques Anquetil, avec Raymond Poulidor pour nourrir une bonne vieille rivalité ; Bernard Thévenet puis Bernard Hinault et les défis deux fois victorieux de Laurent Fignon. On y ajoute les valeureux Roger Walkowiak, Lucien Aimar et Roger Pingeon, et ça donne 21 victoires en trente-neuf éditions. 53 % de victoires, chapeau Messieurs et vive la France.
Mais c’est fini. Les temps ont changé et on ne parle pas ici du dopage. Jadis, il y avait dans le peloton à peine autant de nationalités que de pays dans ce qu’on appelait alors le marché commun : des Français, des Italiens, des Belges, des Luxembourgeois, quelques Néerlandais, des Suisses à la place des Allemands, puis des Espagnols. Et c’est tout. Depuis 1986, des Américains ont gagné le Tour, même si l’un d’eux a été gommé du palmarès (il reste heureusement Greg LeMond), mais aussi un Australien et des Britanniques.
Mondialisation oblige, on vient désormais conquérir le maillot jaune depuis l’Afrique du sud, la Colombie, l’Estonie, le Canada, la Pologne, la Slovaquie ou la Russie. Vingt-quatre nations ont eu droit à leur maillot jaune. Il ne manque plus que la Chine. Ça viendra sûrement. Il est donc écrit que les Français, qui ont depuis 1903 remporté 36 tours, auront de plus en plus de mal à s’imposer. En cyclisme aussi, la France est devenue, comme disait Giscard, "une puissance moyenne". Et verser une larme sur les gloires passées ne servirait à rien.
Mais, pour les Français, tout coureur qui ne gagne pas le Tour reste en seconde division, même si plusieurs champions ont récolté au passage une belle popularité : Laurent Jalabert, Richard Virenque et Thomas Voeckler, après Raymond Poulidor, ont su faire chavirer le cœur des foules. Mais a-t-on sérieusement pu croire que ces trois-là pouvaient gagner le Tour ?
D’autres champions ont eu, d’une certaine manière, les ailes un peu brisées par la fameuse "pression", parce qu’on a voulu faire d’eux des "successeurs". Je pense à Jean-René Bernaudeau, à Jean-François Bernard, que Bernard Hinault avait lui-même élevé au rang de dauphin, et même à Sylvain Chavanel, qui n’avait pas les qualités pour gagner le Tour. Mais lui mettre cette pression sur les épaules l’a peut-être empêché de gagner au moins un tour des Flandres et sans doute plusieurs, peut-être un Liège-Bastogne-Liège et d’autres courses encore. Il en a d’ailleurs gagné beaucoup…
Alors, pitié, qu’on fiche la paix à Julian Alaphilippe, qui a beaucoup gagné cette saison. Qu’on ne lui fasse pas le cadeau empoisonné d’en faire un favori du Tour. Du moins pas pour l’instant. S’il le gagnait un jour, on ne bouderait pas son bonheur. Qu’importe qu’il n’ait pas le palmarès de Bobet ou d’Hinault, s’il a demain celui de Valverde ou de Sagan. Et s’il triomphe un jour à Roubaix, de même que si Thibaut Pinot l’emporte samedi en Lombardie (ou si Romain Bardet était devenu champion du monde), il ne faudra pas oublier de mettre leur nom et leur photo à la "une" des journaux. Sans leur donner le complexe du Tour.
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Thibaut Pinot, Romain Bardet et Julian Alaphilippe.

Crédit: Getty Images

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