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Pogacar par Íñigo San Millán : "Un mec avec des paramètres physiologiques absolument incroyables"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 22/09/2020 à 19:16 GMT+2

TOUR DE FRANCE - Comment un jeune coureur d'à peine 22 ans a-t-il pu remporter le Tour de France ? En quoi Tadej Pogacar est-il si exceptionnel ? Y en aura-t-il d'autres après lui ? Tentatives de réponses avec Íñigo San Millán, directeur des performances de l'équipe Emirates et entraîneur du Slovène, qui a accordé un entretien exclusive à Antonio Alix, consultant d'Eurosport Espagne.

Tadej Pogacar, vêtu du maillot jaune sur le podium du Tour de France, le 20 septembre 2020

Crédit: Getty Images

Íñigo San Millán, vous avez travaillé avec beaucoup de sportifs de haut niveau. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué concernant Pogacar ?
Íñigo San Millán : Je l’ai connu à la fin de l’année 2018, ça coïncidait avec mon arrivée dans l’équipe. Je me suis instantanément rendu compte qu’il était comme on le voit aujourd'hui à la télé : un mec avec des paramètres physiologiques absolument incroyables ajoutées à des qualités mentales qui rappellent celles d'Indurain. On l’a vu avant le contre-le-montre sur les écrans, il était ultra-détendu, c’est quelqu’un qui ne perd jamais son calme. C’est un mec bien éduqué, humble, qui sait travailler en équipe et qui a le sens de l’humour.
Physiquement, il vous a vite bluffé…
I.S.M. : Dans mon université, j’ai créé une plateforme "métabolique" où avec trois gouttes de sang, on peut mesurer les paramètres métaboliques des sportifs. Ce sont des méthodes utilisées dans la lutte contre le cancer mais qu’on essaye d’appliquer aux cyclistes. Quand on fait ces mesures avec lui et qu'on les compare à d’autres pilotes, on se rend compte que Tadej est vraiment sur une autre planète.
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C’est pour ça qu’on n'a pas eu peur de l’envoyer sur la Vuelta si jeune, car cette capacité physique fantastique l’empêchait d'imploser. Physiquement, je savais qu’il serait au top mais j’avais des doutes sur sa capacité mentale à tenir le coup. Au final, il a terminé la Vuelta très bien physiquement mais aussi très sûr de lui et motivé avec cette attaque lors de l’étape de Gredos.
On s'attendait à ce qu'il soit performant sur ce Tour. Mais gagner, c’est encore autre chose. Vous attendiez-vous à un tel rendement ?
I.S.M. : Physiquement, on savait qu’il tiendrait. Mais gagner, c'est différent. Car ça dépend aussi beaucoup des favoris, qui sont par définition les meilleurs au monde. En regardant les chiffres, on s’est aperçu qu’il lui avait manqué 20 watts pour gagner la Vuelta mais, avec le temps, on savait qu’il arriverait à les trouver. Par exemple, il n'avait pas fait de phases d'entraînement en altitude, ce qui aurait pu l'aider à mieux performer sur la Vuelta. Alors qu'il n'avait que 20 ans, nous n'avions pas souhaité le soumettre à l'exigence de passer trois semaines en altitude avant trois autres en compétition.
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Il les a faites cette année car pour moi, elles étaient fondamentales. Le cycliste qui ne fait pas d'altitude avant un grand Tour part avec un désavantage, car le taux d'hématocrite augmente naturellement de 3 à 5 points. Avant ses excellents résultats à Valence et aux Emirats Arabes Unis, il a passé trois semaines dans la Sierra Nevada, à 2300 mètres d'altitude. Et pour le Tour, il était à Sestrières, puis il y a eu le Dauphiné - où en cinq étapes il y a eu la difficulté d'autres éditions qui en comportaient huit. Avec cela, il a atteint le pic de forme pour bien démarrer le Tour. […]
Son rendement en montagne était attendu. Mais l'était-il aussi sur les 30 kilomètres de plat du chrono ?
I.S.M. : Le sien, oui. C'est plutôt le rendement de Roglic dans le final qui a été surprenant. Dans un contre-la-montre de fin de grand Tour, l'état de forme dans lequel vous arrivez importe beaucoup, la capacité de récupération aussi. Sur ce point, Tadej est exceptionnel.
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Nous n'avons eu besoin du potentiomètre sur aucun des deux vélos. Nous lui avons dit de faire son maximum, car il sait très bien garder un rythme élevé pendant une heure, soit environ 415w pour ses 65kg, que ce soit sur l'un ou l'autre des deux vélos. Nous préférions qu'il se gère ainsi plutôt qu'il soit dépendant du potentiomètre.
C'est donc quelqu'un qui a l'habitude de travailler dur...
I.S.M. : Bien sûr. C'est ce qui définit sa qualité physique et sa détermination. Il s'entraîne généralement seul et fait ce qu'il prévoit. Sa semaine type peut être constituée de six jours de vélo : cinq en solitaire avec un minimum d'arrêts, et un autre avec sa petite amie pour se relâcher les jambes, puis un jour de repos. Il n'utilise les équipements de musculation de la salle de sport qu'en hiver mais il fait des exercices d'élasticité quotidiens.
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Quant à son alimentation, il ne suit aucun de ces régimes à la mode. Plutôt un programme assez typique pour un athlète : de nombreux glucides et les produits les plus sains et les plus naturels possibles. Nous avons une excellente nutritionniste dans l'équipe, Gorka Prieto, de Pampelune, qui lui propose un régime sur mesure pour chacun de ses entraînements quotidiens.
Après un succès comme celui-ci, on suppose qu'il ne fera pas la Vuelta ?
I.S.M. : Effectivement, on ne peut pas lui demander de faire une autre course comme celle-ci cette année. Il fera des courses individuelles dans lesquelles il pourra tout donner, à commencer par le championnat du monde. Il n'était pas prévu qu'il se rende au contre-la-montre, mais la performance de samedi pourrait le motiver à le faire.
Quelle est votre opinion sur le fait que le cyclisme soit maintenant dominé par des coureurs de moins de 23 ans ? Les performances de Bernal, Pogacar, Evenepoel ou Hirschi… ce sont des coïncidences ? Est-ce le résultat d'un nouveau système de détection de talent ? Est-ce la manière de contrôler les entraînements qui permet aujourd'hui d'amener les jeunes vers de tels rendements ?
I.S.M. : L'émergence de tous ces jeunes à la fois est peut-être une coïncidence. Mais il est aussi évident qu'aujourd'hui, ils côtoient des systèmes de formation modernes de plus en plus tôt. Ils connaissent les watts, les millimoles, les périodifications, les séances d'intensité et de nutrition différentes.
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Tadej Pogacar.

Crédit: Getty Images

Je travaille déjà avec Juan Ayuso - encore junior mais déjà signé pour 2021 - et il a tout pour devenir une figure mondiale : paramètres physiologiques impressionnants, qualités complètes du pilote - grimpeur, rouleur, bon sprinteur - grande détermination et grande connaissance technique et du système d'entraînement. Quand vous lui parlez, c'est comme si vous le faisiez avec un professionnel avec des années d'expérience.
Avec Tadej, même si nous sommes à des milliers de kilomètres, nous parlons tous les jours et il me donne toutes les données, qui servent à connaître tous les paramètres et à ajuster l'entraînement en fonction de ce que j'analyse, pas par ses sentiments. Maintenant, vous vous rendez compte dès le plus jeune âge s'ils sont prêts à atteindre le plus haut niveau, ou s'ils y parviendront plus tard, ou s'ils n'y arriveront jamais.
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