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Karim Benzema Ballon d'Or - "A notre première rencontre, je n'ai pas vu l'évidence" : Benzema, histoire d'une conviction

Martin Mosnier

Mis à jour 18/10/2022 à 10:45 GMT+2

BALLON D'OR - Avant de devenir le meilleur du monde, Karim Benzema a connu quelques obstacles. Entre 15 et 17 ans, il n'est pas encore celui qui met tout le monde à ses pieds et doit prouver qu'il a sa place dans le monde professionnel. Retour aux sources, là où tout a commencé, à Lyon, avec ceux qui ont découvert et forgé le Ballon d'Or 2022.

"De paria à fierté nationale, Benzema fait enfin l'unanimité"

Tout commence par un match en 1997. A l'époque, la catégorie s'appelle poussins et correspond grosso modo aux U10. Les enfants de l'OL affrontent ceux de Bron dans un tournoi. Un gamin, pas plus grand ni plus costaud que les autres, met quatre buts aux mini-Gones. C'est le début de la riche histoire de Karim Benzema, repéré ce jour-là par le grand club de sa région, vingt-cinq ans avant son Ballon d'Or. Cette histoire, c'est celle des balbutiements de celui qui va devenir le meilleur joueur du monde.
Au départ, ce n'était pas évident. Timide, presque mutique, le gamin au physique frêle n'est pas celui qui crève le plus l'écran. Mais à force d'y croire et, surtout, de tout faire pour y arriver, il va croquer ses adversaires les uns après les autres. Cette histoire, c'est celle de la révélation de Benzema quelque part entre Rhône et Saône.
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Karim Benzema lors de ses débuts à Lyon et en équipe de France (visuel : Quentin Guichard)

Crédit: Quentin Guichard

Pourtant, tout a bien failli s'arrêter très vite. L'internat du centre de formation de l'OL n'est alors réservé qu'aux gamins résidant à plus de 30 kilomètres. L'appartement des parents Benzema n'est qu'à trois bornes de Tola-Vologe.
"Son père voulait absolument le sortir du quartier après la 3e donc je n'avais pas le choix, je devais faire une exception à la règle et j'ai dû convaincre le directeur du centre qui ne voulait pas en entendre parler, rembobine Gérard Bonneau, le patron du recrutement des jeunes à l'OL qui a joué un rôle fondamental dans l'éclosion de KB9. J'avais dit à Karim : 'Ok, on te prend mais tu ne dois faire aucune bêtise.' De 15 à 18 ans, tous les jeunes font des conneries, petites ou grosses. Lui, rien en trois ans. Son père l'avait cadré et, surtout, Karim savait ce qu'il voulait."
A 15 ans, quand je le vois, il est empâté, en retrait
L'intégration au centre est décisive dans la réussite de celui qui met alors tout en œuvre pour atteindre son but : devenir pro. Voilà le premier secret de la réussite de Karim Benzema : son obstination qui vire à l'obsession. "Je n'avais jamais vu un garçon avec un tel projet, continue Bonneau. Il a tout fait pour réussir en se privant de beaucoup de choses. Des joueurs avec ses qualités, il y en avait mais, mentalement, il n'avait aucun équivalent à cet âge-là. Aucun." Dès ses 15 ans, il vit, respire, mange et dort football. Là où les chambres des ados de Tola-Vologe sont tapissées de voitures et de chanteurs en tous genres, la sienne est recouverte de posters du Brésilien Ronaldo.
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5 lauréats, 7 autres podiums... Les Français et le Ballon d'Or

A l'époque, son immense détermination ne suffit pas encore à le distinguer des autres. Responsable de l'étage du dessus, les U17 nationaux, Armand Garrido ne tombe pas tout de suite sous son charme. Il nous raconte : "La première fois que je l'ai vu, je n'ai pas vu l'évidence. C'était un joueur talentueux mais aussi en dedans. Il jouait en régional et les U17 dont je m'occupais jouaient à l'échelon national. Et je me suis dit que ce qu'il proposait n'était pas suffisant. Il devait donner plus dans l'investissement pendant les matches. A 15 ans, quand je le vois, il est empâté, en retrait. On ne l'entend pas. Il observe plus qu'il ne fait. Deux actions en une heure, ça ne suffisait pas."

L'ombre de Ben Arfa et un Euro sur le banc

Un physique frêle, un manque de vitesse : certains doutent encore de lui à l'OL. Mais le gamin a une constance : il fait tomber les buts comme de la grêle. Chez les jeunes qui aspirent à se faire une place parmi les champions de France, Benzema n'est pas du tout le plus en avance.
Jusqu'à ses débuts en pro, encore plus à ses 15 ans et six saisons avant de rejoindre le Real Madrid de Cristiano Ronaldo, il se construit dans l'ombre d'un autre phénomène : Hatem Ben Arfa. "Personne ne connaissait Karim à l'époque, confirme Garrido. Hatem prenait toute la lumière, le public criait son nom. A ce moment-là, le génie, c'est lui. Il fait des choses que personne n'a jamais faites. Mais un an et demi après, la situation s'est inversée parce que Karim est complètement focus sur le foot."
En équipe de France, le chemin est identique. Benzema doit attendre le championnat d'Europe U17 en 2004 pour intégrer les Bleuets alors que Rémy Riou, Sandy Paillot, Anthony Mounier ou… Hatem Ben Arfa, ses potes de l'OL, ont déjà quelques galons internationaux. C'est René Girard, alors coach des U16 français, qui le repère au tournoi de Montaigu dont Benzema finit meilleur buteur. Après avoir passé un savon aux éducateurs lyonnais auxquels ils reprochent de ne jamais lui avoir parlé de Benzema, Girard passe le tuyau à Philippe Bergeroo en pleine préparation de l'Euro U17.
Aujourd'hui, c'est vous les stars mais, moi, je bosse et je vous prendrai votre place
"Nous étions en stage à Soulac et il me manquait un attaquant pour mon banc de touche, nous confie le sélectionneur des U17 d'alors. Karim est arrivé tout timide. Je lui ai dit : 'on ne se connait pas, tu vas faire la semaine en stage et on verra si je t'amène à l'Euro. Le jour même, je mets en place une séance attaque-défense et, à cette époque, j'avais une défense centrale exceptionnelle avec ceux costauds (ndlr : Steven Thicot et Karim El-Mourabet). La séance a commencé et il les a martyrisés par ses déplacements. Les mecs étaient énervés, vexés et essayaient de l'attraper mais c'était impossible. Sa gestion des déplacements était exceptionnelle, je n'avais jamais vu un joueur se déplacer de cette manière. Je l'ai appelé dès la fin de la séance pour lui demander s'il était venu avec son passeport."
A l'Euro, moment fondateur de la génération 1987, il ne joue qu'une grosse vingtaine de minutes mais marque pour son entrée en jeu lors du premier match face à l'Irlande d'un enchaînement contrôle poitrine - demi-volée qui dit quelque chose de son potentiel. Mais, devant lui, le quatuor Ménez, Nasri, Ben Arfa et Songo'o a de l'avance et le cloue sur le banc pendant toute le reste de la compétition.
"Il est arrivé très tard dans nos radars peut-être aussi parce qu'il est né en décembre, en fin d'année, se justifie aujourd'hui Bergeroo. Il ne faisait pas de blagues comme les autres mais quand il disait quelque chose, il avait toujours une idée derrière la tête. Je me souviens d'un discours qu'il avait tenu aux autres : 'aujourd'hui, c'est vous les stars mais, moi, je bosse et je vous prendrai votre place.' Et aujourd'hui, il est passé devant tous les mecs qui avaient explosé avant lui."

Un match à Sochaux et tout s'accélère

Après l'Euro, il ne sera plus jamais discuté. Parce qu'à l'approche de ses 17 ans, Benzema change de morphologie, il prend du muscle, de la puissance et de l'envergure, et convainc les sceptiques, de moins en moins nombreux. Un dernier match va servir de bascule dans sa carrière à Lyon. Un déplacement à Bonal à 16 ans et demi.
Armand Garrido raconte : "Ce jour-là, il se révèle et en plante quatre sur la pelouse de Sochaux. A Lyon, on est en train de se disputer pour savoir quel contrat lui offrir. Je me souviens de Guy Lacombe, qui était alors coach de l'équipe première de Sochaux, regardant la feuille de match et se demander à voix haute sur le bord de la touche : 'Il n'a pas de contrat lui ?' Je mens, je lui réponds que les papiers n'ont pas dû encore arriver à la FFF. Dans le bus de retour, je préviens tout le monde, les parents, les dirigeants. Je mets la pression et on signe Karim dans la foulée mais je peux vous dire que j'ai mal dormi. Il a explosé d'un coup, c'est allé vite et il a surpris tout le monde."
"C'est vrai que ce jour-là j'ai vu qu'il avait un don pour marquer, nous confirme Guy Lacombe. On n'a pas été assez prompt mais là, j'aurais fait l'affaire du siècle… Dommage." Benzema continue à Lyon et intègre dès ses 17 ans l'effectif professionnel.
Un exploit alors que l'OL domine sans partage le championnat de France et présente l'un des effectifs les plus denses et talentueux d'Europe. Mais là encore, tout le monde parle du prodige de Clairefontaine, Hatem Ben Arfa. Benzema, le taiseux, est tapis dans son ombre. Six mois après les débuts ultra médiatisés de HBA, KB9 a lui aussi sa chance. La veille de son premier match chez les professionnels, un repas réunit toute l'équipe.
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Karim Benzema lors de ses débuts avec Lyon

Crédit: Getty Images

Il a fait marrer le staff, nous, beaucoup moins…
"On avait une tradition à l'époque, tous les jeunes qui rentraient dans le groupe devaient faire un discours, se rappelle Nicolas Puydebois alors gardien et doublure de Grégory Coupet et Rémy Vercoutre. Et là, alors qu'il fait preuve d'une humilité folle et qu'il travaille en silence depuis des mois, il balance : 'Merci de m'accueillir. Les attaquants, vous avez intérêt à être bons parce que je suis ici pour prendre votre place'. Ca a fait marrer le staff, nous beaucoup moins." Dans la salle, médusée, un bon paquet d'internationaux dont Sidney Govou, Pegguy Luyindula ou encore Giovane Elber, ancien buteur du Bayern et du Brésil.
Le lendemain à Gerland, Benzema rentre à la 77e minute. Numéro 33 dans le dos, sans flocage, il est, déjà, en mission. Très vite, il reçoit un ballon moyen qu'il sauve de la touche. Après un coup du sombrero sur son défenseur, il offre une passe décisive à Bryan Bergougnoux. Plus rien ne l'arrêtera désormais. "S'il avait eu cinq ans de plus, comme on manquait vraiment d'un buteur à cette époque, on aurait sans doute gagné la Ligue des champions", regrette Puydebois. L'OL court toujours après la C1, Benzema en a remportées cinq. Mais ça, c'est une autre histoire…
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