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Bundesliga - Avant son match contre le Bayern Munich, pourquoi l'Union Berlin peut rafler le titre

David Lortholary

Mis à jour 26/02/2023 à 11:26 GMT+1

Modèle collectif ultime, dégagé de tout parasite commercial, allergique aux furoncles du marketing, l'Union Berlin compte sur ses valeurs ancestrales pour réussir la plus grosse sensation en Bundesliga depuis Kaiserslautern, promu et titré dans la foulée en 1998. Le choc pour la première place contre le Bayern Munich ce week-end est, indéniablement, le sommet de la saison.

L'Union Berlin et son capitaine Rami Khedira, en communion avec ses supporters après un nouveau succès en Bundesliga

Crédit: Getty Images

Le bras de fer fut costaud, l'issue comme inexorable : mené à Leipzig, concurrent direct, candidat au titre et voisin honni, l'Union Berlin a fini par l'emporter 2-1, le 11 février à la Red Bull Arena. Venue en apparence de nulle part, cette capacité à retourner dans la dernière demi-heure un scénario défavorable face à une équipe plus talentueuse est devenue un classique en Bundesliga. À tel point qu'aujourd'hui, les hommes d'Urs Fischer, à égalité de points avec le Bayern à treize journées de la fin de l'exercice au moment de retrouver les Bavarois pour un choc au sommet, ce dimanche (17h30), sont inévitablement, eux aussi, candidats au titre. Si la sensation serait aussi grosse qu'en 1998, année où Kaiserslautern, alors promu, raflait le titre, ses racines sont profondes.
Président du club de l'Est de la capitale depuis 2004 – les Eisernen étaient à l'époque en route pour la quatrième division –, Dirk Zingler expliquait mi-février le secret de l'Union Berlin dans les colonnes de l'hebdomadaire Sport Bild. "L'ensemble du club parvient à orienter ses forces vers le sportif", formulait-il. "Il n'y a aucune friction au sein de la direction ou dans quelque secteur que ce soit. Personne n'envie son voisin pour quoi que ce soit. Chaque recrue débarque dans un club solide sur ses bases. C'est extrêmement important pour travailler avec succès."
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Union Berlin gewinnt in Leipzig

Crédit: Getty Images

Une humilité stratégique

De fait, la trajectoire crescendo du club du quartier de Köpenick ne date pas d'hier. "Depuis la descente en quatrième division en 2005, nous nous sommes continuellement améliorés", juge le président, porté par les faits. "Nous avons travaillé échelon par échelon. Simplement, c'est en Bundesliga que cela se voit vraiment, parce qu'à ce niveau, les projecteurs sont plus intenses."
Le titre est-il dès lors accessible ? Si l'on en croit les paroles de l'hymne du club, oui : "Immer weiter, ganz nach vorne" (Continuer, toujours, jusque tout devant). Si l'on écoute les dirigeants, rien de tel. "Moins nous nous occuperons de savoir ce qu'il adviendra dans trois mois, quatre mois ou cinq ans, mieux ce sera", élude le président. A la manière de Mohamed Ali contre George Foreman, Urs Fischer esquive lui aussi, façon neutralité suisse, autant qu'il peut. "Ce dont il s'agit, c'est de ne jamais se contenter de ce que l'on a atteint", formule Dirk Zingler.
"Tout le monde peut s'améliorer. Urs Fischer veut faire progresser l'équipe chaque saison. Le jardinier peut progresser. Les cuisiniers peuvent essayer de nourrir les joueurs plus consciencieusement encore. La direction peut préparer ses décisions stratégiques et opérationnelles mieux encore. Il ne doit pas y avoir de limite à la réflexion. Nous entendons nous développer économiquement, structurellement et infrastructurellement." Tout en conservant ces symboles, tel le tableau d'affichage manuel du stade, qui enchantent les foules en flattant leur romantisme.
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Berliner Erfolgsduo: Urs Fischer (l.) und Oliver Ruhnert

Crédit: Imago

Investissements en vue

"Notre entraîneur Urs Fischer et notre manager Oliver Ruhnert jouent un rôle important, délivrant un travail formidable avec leurs équipes", ajoute le président Zingler. Dans une complémentarité qui est déjà remarquée depuis le début de saison, les recrutements effectués par Ruhnert, l'un des tous meilleurs managers de l'élite allemande, en poste depuis 2018, suscitent l'admiration.
Primes et salaires au groupe professionnel seront compris, sur l'ensemble de la saison, "entre 52 et 55 M€", détaille le président, qui ne manque pas de préciser que ses concurrents lâchent nettement plus et qui dégaine ces chiffres comme preuve de la qualité du travail.
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Union Berlin knocks Ajax out of Europa League

Crédit: Getty Images

Derniers exemples en date : l'arrivée cet hiver de deux mondialistes, le Croate Josip Juranovic (du Celtic Glasgow, en remplacement du Norvégien Ryerson, parti dans la Ruhr) et le Tunisien Aïssa Laïdouni (de Ferencvaros) pour 11 M€, immédiatement en vue, et du Français Jérôme Roussillon, extrait du bourbier dans lequel il s'était enfoncé à Wolfsburg. Un élargissement de l'effectif qui n'était pas de trop quand on joue sur trois tableaux (championnat, coupe nationale, et coupe d'Europe, où les Berlinois viennent d'éliminer l'Ajax). Isco, ancien du Real, qui devait arriver dans la foulée, a vu quant à lui la porte se refermer en raison de ses prétentions financières hors cadre.
Nous grillons nos propres saucisses et vendons notre propre bière
Si la continuité est l'une des principales clefs du succès, la préserver peut être une gageure. Pourquoi le sorcier suisse Urs Fischer ne finirait-il pas par partir vers un club de plus haut standing ? Le président Zingler contre : "Comment convaincre Urs Fischer de ne plus travailler chez nous ? Il est en train de vivre l'une des périodes les plus fertiles de sa carrière, il officie dans un championnat de pointe, il fait partie des meilleurs entraîneurs du football allemand... Pourquoi voudrait-il changer de job ? Ça ne me viendrait pas à l'idée. Je suis intimement persuadé que nous allons encore longtemps travailler tous ensemble, parce que la façon dont nous nous y prenons est rare dans le football allemand."
Avec des perspectives fermement tracées : un investissement de 100 M€ dans les infrastructures du club, dont 25 M€ pour un nouveau centre de formation et l'agrandissement du stade de 22 000 à 37 000 places. Et surtout pas d'investisseur venu d'on ne sait où. "Le club appartient à ses 50 000 membres, et ça ne changera pas", assène le président. "Nous grillons nos propres saucisses et vendons notre propre bière." Pas la peine d'imaginer que l'Union vende le nom de son stade ou laisse apparaître de la publicité sur son tableau d'affichage...
Tout le monde transpire ensemble
C'est précisément là qu'est le secret du succès. "Nos employés sont responsables de tout", souligne le président. Sont aussi, eux-mêmes, de fervents supporters. "Le cuisinier est tout aussi ambitieux que l'entraîneur, parce qu'il travaille pour Union Berlin et non pour un prestataire quelconque. Ici, il n'y a que des gens qui se positionnent vers un même but : le succès de leur équipe et de leur club. De quoi garantir une atmosphère des plus fertiles. Tout le monde transpire ensemble."
Non sans atout où cela compte in fine : sur le terrain. L'Union est l'équipe de Bundesliga à avoir marqué le plus grand nombre de buts de la tête, à avoir marqué le plus souvent sur corner aussi, à concéder le moins d'occasions, enfin. Stable en défense, efficace en attaque. Au-delà des statistiques, le ressenti est tenace : réalisme, volonté de fer, esprit d'équipe, unité, homogénéité.
"Chacun fait l'effort pour l'autre", confirme Robin Knoche, indéboulonnable chef de la défense, sous contrat jusqu'en 2024. En Bundesliga, seul le FC Cologne court davantage. "C'est un ingrédient essentiel de nos succès. Je ne me fais aucun souci en ce qui concerne notre force de caractère : elle ne disparaîtra pas."Le trentenaire a déjà goûté à la Ligue des champions avec Wolfsburg et on imagine assez bien ses désirs dans ce domaine, en parallèle avec ceux de retrouver l'équipe nationale.

Un match amical devant 12 000 personnes

Un homme incarne tout particulièrement cet esprit sur le terrain : le capitaine Christopher Trimmel. Ce dernier fait partie de l'effectif depuis 2014, a prolongé jusqu'en 2024 et a vécu l'arrivée d'Urs Fischer au poste d'entraîneur. "Le premier jour, il nous a dit : ‘Je vais vraiment vous énerver’ !", s'amuse Trimmel. "C'est un perfectionniste, qui corrige la moindre petite erreur. Avec lui, tu dois faire tes preuves !"
Avec lui, tout le monde progresse. Avec lui, tout le monde est concerné. Et c'est ainsi que le club a absorbé le sévère trou d'air de fin 2022 (défaites 0-5 à Leverkusen et 1-4 à Fribourg) sans se désintégrer. Durant la trêve, Union a disputé contre le Hansa Rostock un match amical devant 12 000 personnes, preuve du vif soutien de ses supporters. Les adversaires du club berlinois avouent à demi-mot craindre les déplacements An der alten Försterei, cette vieille enceinte qui sent la saucisse et résonne comme un tambour.
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Union Berlin

Crédit: Getty Images

Rani Khedira, le vice-capitaine, confirme ce soutien unique. "Le fait de tout donner est particulièrement apprécié des supporters, ici", formule-t-il. "À un point que je n'avais jamais connu ailleurs. Dans le club, on ressent la ferveur au quotidien. Un exemple ? L'équipe des kinés. Dédiée aux joueurs. Qui vient nous voir pour nous proposer ses services. Avec la conviction que son apport peut nous donner le petit truc en plus qui nous fera gagner le match suivant. Peu importe le salaire : ils vivent pour le club. Un tel engouement en interne, je n'avais encore jamais vu ça."
Seul le FCU sera champion
C'est ainsi que les hommes d'Urs Fischer renversent des situations mal emmanchées, contre Leipzig donc mais aussi, les semaines précédentes, contre le Werder, Hoffenheim ou le Hertha. À l'arrivée, quatre victoires en autant de matches. Union refuse encore la lumière mais est dans la course au titre, évidemment, et au moins candidat pour la Ligue des champions la saison prochaine. Pour le club, l'essentiel est assuré depuis début février : le maintien... "La séquence est belle, mais nous savons d'où nous venons", tempère le milieu de terrain Paul Seguin, typiquement dans le style maison. L'engagement, évidemment, n'est pas tout : la force physique du groupe et son organisation sur le terrain comptent pour beaucoup dans le classement actuel du club berlinois.
"L'équipe a perfectionné le jeu face au ballon", pointait mi-février l'ancien joueur Torsten Mattuschka dans un éditorial pour le bi-hebdomadaire kicker. "Elle est compacte partout, que ce soit dans le pressing en défense, au milieu ou en attaque. L'adversaire n'a ni le temps, ni la place pour développer son propre jeu." Et une fois le ballon perdu, la menace est immédiate. Un style simple, voire primaire, mais qui demande un engagement de tous les instants. Au terme de la rencontre contre Mayence, remportée 2-1, début février, les supporters scandaient : "Seul le FCU sera champion". Avec une part d'ironie. Une part seulement.
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