Coupe de France | OL – Lille | Lucas Perri ou Anthony Lopes : Pierre Sage sur des sables mouvants

L’Olympique Lyonnais sous pavillon Textor déborde d’ambition, peut-être trop au vu de la conjoncture (15e de Ligue 1). Mais cela n’inquiète guère le propriétaire texan, qui compte bien appliquer l’une des recettes gagnantes des grandes cylindrées, une concurrence chevronnée à tous les postes. Intouchable devant les buts rhodaniens depuis de nombreuses saisons, Anthony Lopes ne fait pas exception, et a vu l’arrivée d’un concurrent sérieux lors du mercato hivernal, le portier brésilien Lucas Perri. Le huitième de finale de Coupe de France face au LOSC mercredi (18h30) pourrait d'ailleurs si ce n’est marquer un tournant, au moins générer plus d’incertitude dans la hiérarchie des gardiens.

A priori, le renfort du rempart régulièrement convoqué avec la Seleçao (depuis août dernier) ne devait initialement pas déboulonner le statut de titulaire de Lopes. Pierre Sage l’envisage autrement. "Il n’y a pas d’histoire d’ancienneté, de statut, simplement une histoire de performance, lançait le coach lyonnais en conférence de presse à la mi-janvier. La concurrence a toujours existé. Si elle a été plus ou moins bien traitée, c’est une autre question. Mais je pense que si Anthony avait enchaîné cinq contre-performances consécutives, et peut-être même trois, il se serait sûrement passé des choses. L’idée est de faire en sorte que chacun soit à son meilleur niveau, que l’un tire l’autre vers le haut, que ce soit sain et clair."

"Sain et clair," on en est encore loin. Raillé par une partie du public des Gones – surtout sur les réseaux – Anthony Lopes vit un exercice 2023/2024 compliqué, avec des performances bien en deçà des attentes, comme face à Rennes (défaite 2-3 au Groupama Stadium le 26 janvier). L’international portugais y a essuyé cinq tirs cadrés, qui ont abouti à trois buts. Avec un pourcentage d'arrêts bloqué à 40% et une estimation chiffrée à 1,2 but encaissé prévisionnel (source : fbref.com), les statistiques pointent la responsabilité de Lopes dans le revers contre les Bretons.

Même tare cinq jours plus tôt au Havre, avec trois buts concédés malgré un expected conceded goals évalué à 2,1. Très peu sollicité lors de l’Olympico (victoire 1-0 dimanche) – aucun arrêt à faire – Lopes a repris des couleurs, et signé un sixième match sans encaisser cette saison en championnat. Une légère éclaircie qui risque de ne pas suffire à calmer la fronde d’une partie des supporters à son égard. Surtout après la remontée en surface des derniers échos concernant les entraînements de son rival.

Car Lucas Perri est un sacré candidat. A 26 ans, l’ex-rempart de Botafogo s’est fait une place dans la sélection auriverde, derrière les deux cadres Ederson et Alisson. Prototype du gardien moderne, au morphotype imposant (1,97m pour 98 kg), Perri brille dans les un-contre-un et excelle dans l’exercice des penalties. Le Brésilien accumule les bons points, et transcende son profil de gabarit épais d'une qualité certaine balle au pied et d'un sang-froid à toute épreuve. Des qualités déjà visibles à l’entraînement.

Forcément, en face, les 1,84 m de Lopes ne pèsent pas bien lourd. De plus en plus sur le reculoir, le Portugais peut craindre de perdre sa place en cas de sortie convaincante de son coéquipier. Confronté à un choix qui s’annonce épineux, à l’aune de l’influence de Lopes dans le vestiaire lyonnais, Pierre Sage ne veut pas accabler son gardien, au contraire. "Ça fait plusieurs années qu’on tourne autour de ce sujet et que les attaques se multiplient, rappelait le coach lyonnais avant le match contre l'OM, le 2 février. Le pâle visage de l’équipe se joue à tous les postes. Je veux faire en sorte que l’intégralité de mon équipe soit dynamique. Anthony Lopes a vécu des moments difficiles face à Rennes. En reculant, je pense qu’on ne l’a pas aidé. On a un gardien qui gère bien la profondeur mais nous on a reculé."

Alors, le contexte fragilise-t-il l’homme ou bien l’inverse ? Passer d’un cercle vicieux à vertueux exige un changement. De mentalité, comme le souligne Sage : "Il y a forcément du doute qui s’installe et des attitudes qui vont en découler, admet-il. Charge à nous de lui envoyer la force nécessaire. On parlera moins d’Anthony Lopes si on est meilleurs. Mon idée est que l'équipe gagne. Quand j’aligne un 11 de départ je ne mets pas mon cousin, mon facteur et un mec avec qui je m’entends bien. Mes choix sont guidés par d’autres critères que le fait de bien aimer les gens."

Un changement d’homme, aussi. "C’est une nécessité de faire tourner un peu, concède l’entraîneur rhodanien mardi en conférence de presse. On doit gérer le groupe. Si on veut jouer avec de l’intensité, on se doit d’avoir des joueurs qui ont de l’énergie et des ressources devant le temps de jeu qui les attend. On a un gardien de but qui a joué dimanche soir. Anthony Lopes a fait un bon match. On va voir dans quel état il est lors de l'entraînement tout à l'heure (mardi soir, ndlr). La porte est toujours ouverte, dans les deux sens." Sage le sait, ce premier choix pourrait conditionner le reste de la saison des deux hommes. Prudent et indécis jusqu'ici, l'entraîneur ne va pas pouvoir tenir cette posture encore très longtemps. Sous peine de plonger davantage dans l'incertitude.