Equipe de France féminine/Gouvernance, résultats : la page Corinne Diacre tournée, de nouveaux écueils pour les Bleues

EQUIPE DE FRANCE FEMININE – Une nouvelle fronde de cadres des Bleues a fini par avoir raison du mandat de Corinne Diacre, qui part après 6 ans émaillés de nombreux soucis extra-sportifs. Le temps de l’apaisement est venu, mais les défis à relever, tant par les joueuses sur le terrain que par la Fédération sur la gouvernance de l’équipe, laissent présager de mois encore chauds à venir.

La sélectionneuse de l'équipe de France, Corinne Diacre, devant Wendie Renard lors d'un entraînement des Bleues durant l'Euro 2022, le 9 juillet 2022 à Rotterham

Crédit: Getty Images

Elle faisait elle aussi partie des symboles de la fin de mandat déliquescente et autocratique de Noël Le Graet. Corinne Diacre, sélectionneuse de l'équipe de France depuis 2017, soutenue contre vents et marées par le désormais ex-président de la FFF, a fini par être démise de ses fonctions ce jeudi, 9 jours après le départ du Breton du Boulevard Grenelle. Un épilogue logique, tant l'ancienne défenseure, qui avait écrit les premières pages glorieuses de l'équipe de France féminine, s'était isolée au fil des années, d'une longue liste de cadres ou ex-cadres de l'équipe, et même de son staff réduit, composé d’Anthony Grech-Angelini (préparateur physique) et Gilles Fouache (entraîneur des gardiennes), ces derniers mois.

Chronique d'une catastrophe annoncée

Après 72 matches dirigés à la tête de l'hôte de la dernière Coupe du monde, celle qui présente le meilleur ratio de victoire (79%) d’un sélectionneur de l’équipe féminine n'aura pas pour autant atteint les résultats attendus, hormis lors de la demi-finale à l'Euro l'an passé. Éliminée en quart de finale du Mondial en France en 2019, elle n'a pas réussi à briser le statut d'une sélection réputée comme championne du monde des matches amicaux, mais qui court toujours après un premier titre international.
Nommée à la suite d'Olivier Echouafni et d'une nouvelle élimination prématurée des Bleues dans une grande compétition (l'Euro aux Pays Bas), elle était censée redonner un élan à une équipe qui échouait inlassablement dès les quarts de finale (Euro 2013, Mondial 2015, JO 2016, 2017 et donc 2019), malgré un effectif des plus talentueux. Mais elle a très vite vu un fossé se creuser avec ses joueuses. La faute à un management sans cesse jugé trop autoritaire ? C’est une des raisons qui explique une grande partie du problème.

Diacre et le "gang des Lyonnaises"

Cela avait occasionné les premières fritures sur la ligne dans le groupe France. Il y a d'abord eu, d'entrée, le retrait brutal du brassard à Wendie Renard, pour que la défenseure de l’OL se "recentre sur le jeu", comme le dit alors la sélectionneuse. Censée être l'occasion d'enfin soulever un trophée, la Coupe du Monde féminine à domicile a fini ensuite par un fiasco sportif et d'image. Alors que la compétition n'était pas terminée, Diacre a commis une grosse erreur de communication en s'en prenant nommément à Eugénie le Sommer, meilleure buteuse de l'histoire des Bleues, pour une histoire de consignes mal respectées ou mal appliquées, au micro de Téléfoot.
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Diacre et Le Graët.

Crédit: Getty Images

Dans la foulée, Amandine Henry, chez Canal Plus, balance un gigantesque pavé dans la mare en dénonçant la façon de faire de la première femme à avoir dirigé une équipe professionnelle masculine (Clermont, en Ligue 2, de 2014 à 2017). Premier psychodrame, qui fait les beaux titres des journaux avec notamment cette phrase, qu'aurait lâché Diacre à Henry au rassemblement suivant : "Dans la vie, tout se paye".
La Lyonnaise et capitaine d'alors ne sera plus appelée ensuite, et si Diacre s'est réfugiée, parfois avec raison, derrière le niveau de jeu de la milieu de terrain, il est clair que l'histoire n'avait plus rien de sportif. Promettant de mettre de l'eau dans son vin, après plusieurs semaines de crise, l'ex-joueuse de Soyaux avait fini par faire un pas vers son groupe, et inversement, et après un premier ménage (Le Sommer, Thiney et Bouhaddi ne reviennent plus à Clairefontaine) les tensions semblaient apaisées. Selon les suiveurs de l'équipe de France, le management de la sélectionneuse se serait toutefois raidi à nouveau en Angleterre, lors de l'euro l'été dernier.

Un décalage générationnel ?

Mais la fracture est aussi générationnelle. Corinne Diacre a connu le football féminin lorsque celui-ci balbutiait encore dans l'Hexagone. Le professionnalisme auquel sont habituées Wendie Renard, Marie Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani, les trois joueuses qui auront fini par avoir sa tête, elle n'y a jamais goûté. Par jalousie, iront jusqu'à dire certains, plus sûrement par incompréhension, la native du Forez n'a pas réussi à combler le décalage qui s'est créé entre sa façon de faire et les nouvelles habitudes de travail de ses ouailles, dont les joueuses de l'OL notamment.
Prolongée jusqu’en 2024, sans aucune discussion avec le Comex, par Le Graet, après la demi-finale glanée l'été dernier, Diacre a semblé affaiblie ces derniers mois, avant même le "putsch". D’abord par les résultats décevants de la fin d'année (défaites contre l’Allemagne 2-1 et la Suède, 3-0), puis ce dernier tournoi de France où ses choix de liste (aucune arrière gauche de métier alors que Morroni, par exemple, était disponible ; non sélection de Mathilde Bourdieu, parmi les meilleures buteuses de D1 ; absence de l'un des piliers du groupe, Aissatou Tounkara, pour cause de manque de temps de jeu) ont fait parler. Et que dire des prestations plus que mitigées sur la pelouse, où certaines joueuses auraient mal vécues le fait d'être utilisée à l'emporte-pièce. De quoi ternir la fête qui aurait dû avoir lieu après la victoire dans le Tournoi de France.
L'épée de Damoclès est tombée, et une nouvelle page se tourne désormais pour l'équipe de France féminine. Non moins périlleuse, alors que s'ouvre une année riche en évènements importants, entre la Coupe du Monde féminine en Australie et en Nouvelle Zélande cet été (20 juillet-20 août), et les JO de Paris 2024. En cédant aux joueuses, les membres du Comex qui ont évalué la question (Jean Michel Aulas, Marc Keller, Aline Riera et Laura Georges) ont surtout pris le risque d'un renversement de pouvoir.
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Marie-Antoinette Katoto et son attelle lors de l'entraînement des Bleues le 15 juillet

Crédit: Getty Images

Va-t-il s’agir d’un dangereux précédent, qui pourrait conduire à l’instauration d’une "République des joueuse" ? Le président de l’Olympique lyonnais et les co-décideurs, ainsi que le président par intérim de la FFF Philippe Diallo, ont bien senti le danger venir, et ont directement posé les bases de la future direction de l’équipe de France féminine, dans le communiqué de licenciement de Diacre.
"Le Comex a constaté que la manière utilisée par les joueuses pour exprimer leurs critiques n’était plus acceptable dans l’avenir et compte proposer dans la gouvernance de l’Équipe de France féminine une mission complémentaire entre le Comex et le ou la sélectionneur(e)", est-il écrit, comme pour signifier aux frondeuses, et aux autres, que ce genre de caprices et règlements de compte par médias interposés ne passera plus. Y’aura-t-il un référent spécial au sein du Comex, ou de la direction de la FFF, ou bien un manager général ? Difficile à dire pour le moment, mais c’est tout le travail des têtes pensantes de la FFF lors des prochaines semaines.

Les joueuses désormais seules face à l’obligation de résultat

Ces dernières, qui n’ont pas été loin de revivre leur pire cauchemar avec un Knysna au féminin, doivent désormais plancher sur l’identité du 9e sélectionneur de l’histoire des Bleues. Gérard Prêcheur, entraîneur du PSG féminin, ou encore Eric Blahic, l’ex-adjoint de Diacre de juin 2020 à janvier 2021, tiennent la corde. Les noms de Hervé Renard ou de Patrice Lair, coach des Girondines de Bordeaux, ont circulé. La nomination interviendra quoiqu’il arrive avant le prochain rassemblement d’avril, qui permettra le lancement d’une mission commando avant le périple australien de cet été.
Le départ de celle qui, d’un but face à l’Angleterre à Geoffroy-Guichard en 2003, avait offert à la France sa première participation à un Mondial, pourrait provoquer un jeu de chaises musicales au sein de l’effectif, même si, avec si peu de temps de préparation, la tendance est à la continuité. Mais les indésirables de l’ère Diacre seront peut-être amenées à revenir, tandis que les joueuses réputées proche cette dernière (Charlotte Bilbault ou Hawa Cissoko), en paieront peut-être le prix fort.
Reste que, sur le terrain, les joueuses vont être plus que jamais mises face à leurs responsabilités lors du prochain Mondial. Désormais seules face à l’obligation de résultats, elles devront se montrer solides mentalement pour répondre aux attentes. Surtout alors que la Fédération a indiqué attendre "des résultats élevés", lors des deux prochaines échéances.
Le départ de Diacre va en tout cas permettre à l’équipe de France de se recentrer sur l’essentiel. Et surtout, de redorer l'image d'un foot féminin miné par les guerres d'egos, qui l'ont plus souvent vu faire les gros titres pour son actualité judiciaire ces dernières années, notamment avec l’affaire Hamraoui, que pour ses prouesses sur les rectangles verts. Il est plus que jamais temps que le jeu revienne enfin au centre des débats.
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