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Le joueur le plus détesté d’Angleterre

Bruno Constant

Mis à jour 27/05/2017 à 13:38 GMT+2

FA CUP - Personne ne l’aime sauf à Chelsea évidemment. On parle bien de John Terry dont les adieux, orchestrés, dimanche à Stamford Bridge, ont fait l’objet de violentes critiques. Injustes ?

John Terry

Crédit: Getty Images

A 36 ans et bientôt 6 mois, John Terry quittera Chelsea à la fin de saison. C’était inéluctable tant son rôle était devenu éphémère dans la machine d’Antonio Conte. Dimanche dernier, lors de la dernière journée de championnat face à Sunderland (5-1), une rencontre privée d’enjeu pour les deux équipes - les Londoniens étaient déjà sacrés champions et les Black Cats relégués -, le capitaine des Blues a donc fait ses adieux à Stamford Bridge.
Un "farewell" organisé de toutes parts. En accord avec son entraineur qui lui avait offert sa sixième titularisation de la saison pour l’occasion. Même David Moyes, le manager de Sunderland, était au courant. Tout était préparé, à la minute près. Diego Costa a demandé à Jordan Pickford de sortir le ballon à la 26e, comme le numéro porté par Terry depuis ses débuts à Chelsea en 1998. L’Anglais a ainsi pu recevoir une standing ovation digne de ce nom à Stamford Bridge, son public qui l’a soutenu dans les bons comme dans les très nombreux mauvais moments, et sa sortie du terrain a été accompagnée par une haie d’honneur réalisée par ses coéquipiers avant d’être remplacé par Gary Cahill à qui il a confié le brassard et passé le témoin.
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John Terry et Gary Cahill

Crédit: Getty Images

Comme beaucoup, j’ai d’abord été surpris. J’ai même trouvé cela étrange. J’imaginais volontiers la scène en fin de match, à la 85e minute lorsque la joie et l’émotion liées à l’attente des célébrations du titre auraient submergé tout le stade. Mais, après tout, c’était beau quand même. Michel Platini a l’habitude de dire qu’il fallait prendre tout son temps quand on allait chercher un trophée, pour savourer. C’est la même chose pour des adieux. Car ce sont les derniers moments d’une relation entre un joueur et son club de toujours, ou presque.
Ses adieux ? Une "farce", "ridicule" et "égocentrique"
Mais cette orchestration n’a pas été du goût de tout le monde. Martin Keown et Alan Shearer, consultants pour la BBC, ont salué l’immense joueur mais critiqué la manière tandis que la presse s’est déchaînée : "ridicule" pour les uns, "égocentrique" pour les autres, allant même jusqu’à parler de "farce" remettant en cause "l’intégrité d’une rencontre" qui n’avait pourtant pas d’enjeu. "Ce n’est pas Hollywood !", regrettait Garth Crooks, ancien joueur des Spurs dans les années 80. Un homme charmant à côté duquel je me suis souvent retrouvé assis au premier rang de la tribune de presse de Stamford Bridge.
Garth a raison, ce n’est pas Hollywood. Mais ce n’était qu’une rencontre de football au bout d’une saison qui avait déjà livré son verdict aux deux équipes et à leurs concurrents. Et c’était John Terry, "captain leader legend", comme le dit la banderole qui trône au balcon de la Matthew Harding Stand.
Bizarrement, en 2015, lors des adieux de Didier Drogba, à l’occasion du dernier match de la saison de Chelsea à Stamford Bridge, face à Sunderland (déjà), personne n’avait critiqué l’Ivoirien. L’attaquant, légende du club et sacré champion d’Angleterre lors de son second passage au club, avait été remplacé par Mourinho à la… 29e minute de jeu. Ses coéquipiers l’avaient même porté jusqu’à la ligne de touche. C’était un moment de communion avec le public de Chelsea au cours d’une rencontre sans enjeu. Rien de plus.
Ta mère est une voleuse, ton père un dealer…
Mais voilà, on parle ici de John Terry, le joueur le plus détesté d’Angleterre, en dehors, bien sûr, de Stamford Bridge et des quartiers de Fulham road. Car son nom a souvent été accolé au mot "scandale", tout au long de sa carrière, et on peut ajouter un "s". Passe encore la bagarre à la sortie dans une boîte de nuit en 2002 mais pas les insultes racistes adressées à des touristes américains dans un bar de Heathrow au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.
L’Angleterre ne lui pardonnera jamais d’avoir trompé sa femme avec la compagne de son meilleur ami, coéquipier à Chelsea et en équipe d’Angleterre, Wayne Bridge. Ni d’avoir organisé des visites payantes au centre d’entraînement de Chelsea, vendu ses places attitrées à Wembley en tant que capitaine de l’Angleterre et utilisé son image à des fins lucratives sans l’autorisation de la Fédération anglaise. Ou d’avoir proféré des insultes racistes (encore) au frère de son partenaire de défense en sélection, Rio Ferdinand, Anton, lors d’un match à QPR.
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Terry : ''Finir en beauté''

Des faits qui ont poussé à deux reprises la FA à lui retirer le brassard de capitaine et qui lui ont valu des chants plus sordides les uns que les autres sur tous les terrains d’Angleterre, la pire de tous étant : "Your mother is a stealer (ta mère est une voleuse), your father is a dealer (ton père est une dealer), you’re just a racist cheater (tu n’est juste qu’un raciste qui trompe sa femme), the Terry family (c’est la famille Terry)". En référence aux révélations montrant sa maman voler à l’étalage d’un magasin Marks & Spencer et son papa vendre de la drogue dans un pub…
Une force de caractère inébranlable
L’objet, ici, n’est pas de louer les qualités d’un homme détestable, mais le joueur, lui, mérite le respect pour son immense carrière. Car il n’était question que de football dimanche dernier face au public de Chelsea. Un club qu’il a rejoint à l’âge de 14 ans, avec qui il a passé vingt-deux années de sa vie, sous les couleurs duquel il a disputé 716 matches, dont 579 en tant que capitaine, et avec qui il a tout gagné : cinq des six titres de l’histoire du club, 4 Cup, 3 League Cup, une Ligue des Champions et une Europa League. Il a même été le seul défenseur élu Joueur de l’Année en Angleterre lors des vingt dernières saisons.
Ça mérite une belle sortie, non ? La carrière de Terry a trop souvent été mésestimée. L’Anglais n’a pas l’élégance d’un Paolo Maldini ou d’un Sergio Ramos. Il est lent et n’a pas la relance d’un Laurent Blanc. Mais c’est un combattant formidable "avec qui vous pouvez partir à la guerre" dit un jour Mourinho. Un joueur "capable de jouer avec une jambe cassée", selon l’éphémère manager de Chelsea, Scolari. Un dernier exemple de sa force de caractère inébranlable ? Le 8 novembre 2009, alors qu’il avait été réveillé par les révélations de The New Of The World sur son père filmé en train de dealer de la drogue, le capitaine des Blues avait tenu sa place lors du choc face à Manchester United à Stamford Bridge et avait inscrit le seul but du match.
En attendant, "JT" portera peut-être une dernière fois les couleurs de Chelsea, ce samedi lors de la finale de la Cup face à Arsenal. Mais c’est peu probable au vu de ses deux dernières apparitions face à Watford (4-3) et Sunderland (5-1) qui l’ont vu en difficultés. En revanche, il pourrait soulever un dernier trophée avec les Blues. Après ça, ce sera vraiment la fin. Avant de revenir plus tard au club, c’est certain, dans un autre rôle, à définir.
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John Terry lors de son remplacement de la 26e minute

Crédit: Getty Images

Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, vous pouvez écouter mon Podcast 100% foot anglais sur l'actualité de la Premier League et du football britannique.
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