Almeria en Liga, puis Club América en amical... avec deux matches en deux jours, le Barça joue-t-il avec le feu ?
Le Barça reçoit mercredi Almeria et joue jeudi un match de gala à Dallas, contre Club América. Pour Martin Buchheit, consultant haute performance, le risque de blessure que cela suscite est à nuancer. Nicolas Chanavat, expert en marketing, pointe quant à lui l'exercice de funambule entre conquête d'un nouveau public et préservation des fans traditionnels, pour qui la compétitivité est prioritaire.
"Il a un gros problème de confiance" : Lewandowski, ça patine
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Si près, si loin : les deux prochaines rencontres du FC Barcelone seront espacées de 30 heures et 8000 bornes. L'équipe première du club catalan va recevoir Almeria mercredi en Liga, avant d'affronter Club América à Dallas, jeudi, lors d'un match d'exhibition venu alourdir un calendrier déjà surchargé. Comme un symbole cynique des questions que cela pose en termes de santé des joueurs, Gavi s'est gravement blessé au genou droit le 19 novembre dernier, deux jours après l'officialisation de ce show aux US.
La conjugaison de deux ambitions a semble-t-il pris le pas sur le bon sens sportif. "Il y a d'une part une volonté de renforcer la stratégie d'internationalisation de la marque FC Barcelone, déjà très ancrée sur les marchés étrangers avec un rayonnement notamment en Amérique du Sud, et d'une autre part une dimension financière", selon Nicolas Chanavat, expert en marketing. "Des informations dont je peux disposer, il y a un beau pactole à la clef ", assure celui qui officie en tant que professeur des universités au CEROUEN/CETAPS/STAPS de l’université de Rouen Normandie.
Un "pactole" estimé aux alentours de 4 millions d'euros pour le club catalan par nos confrères de RMC, qui ont fait état de négociations avec les joueurs, autour d'une prime de 100 000 euros chacun, pour les convaincre de raboter des vacances déjà courtes, avant un déplacement à Las Palmas le 4 janvier. "Les bénéfices du match seront utilisés pour collecter des fonds pour les victimes de l'ouragan Otis qui a causé de terribles dégâts à Acapulco", a quant à lui stipulé le Barça.
Indépendamment de sa viabilité pécuniaire, cette programmation ressemble à une hérésie physiologique. L'est-elle vraiment ? "Un match de Liga suivi 30 heures plus tard d'un match de gala, c'est différent de Manchester City qui joue deux matches de Premier League en l'espace de 48 heures, par exemple, en décembre 2019", commence par relativiser Martin Buchheit, consultant haute performance pour le City Football Group.
Toujours est-il que l'ajout de cette rencontre fait fi d'une recommandation qu'il formalise ainsi : "La science te dit : 72 heures minimum entre chaque match (…) pour que les joueurs puissent être dans des conditions quasi-optimales." Le spécialiste passé par le PSG effleure la complexité du processus : "La cinétique globale de récupération post-match est dépendante des systèmes biologiques et elle ne se fait pas au même rythme sur tous ces systèmes."
"Toutes les cinétiques ne sont pas synchronisées, elles sont variables.On peut récupérer au niveau périphérique (musculaire) mais pas au niveau de la fatigue centrale par exemple, ou des réserves énergétiques, comme le glycogène", poursuit Martin Buchheit, appuyant : "Il n'y a qu'après 72 heures que tout est revenu au niveau de base."
Une moindre durée de la phase de récupération est susceptible d'altérer la performance, mais pas de manière rédhibitoire, précise-t-il : "Il faut replacer ça dans le contexte du football. Si vous devez faire un marathon ou un effort maximal reposant à 100% sur des qualités physiques alors que vous n'avez pas récupéré, ça peut être (plus) problématique."
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Joao Felix en action avec le FC Barcelone
Crédit: Getty Images
Mais contre Club América, il ne sera pas tant question d'être bons, pour les joueurs du FC Barcelone. L'enjeu sera surtout de ne pas se blesser. "Le risque de blessure dans ce cas n'est pas non plus énorme, d'après celui qui a aussi œuvré pour le LOSC et l'OL. (…) Ils vont voyager dans des conditions optimales, ils auront dormi quasiment durant l'intégralité du vol. Quand ils vont arriver aux Etats-Unis, ils auront peut-être même eu une meilleure opportunité de dormir que s'ils avaient dû s'entraîner au club."
De mercredi soir (coup d'envoi à 19h00 contre Almeria) à jeudi soir, le décalage horaire permet aux Barcelonais d'avoir plus de 24 heures de repos (exhibition à 3h00 CET, dans la nuit de jeudi à vendredi). Mais la contrepartie est ce fameux "jet lag", à appréhender à vitesse grand V, et le fait d'infliger à leur corps un effort qu'il va considérer nocturne.
Martin Buchheit n'est pas alarmiste non plus à ce sujet : "Le fait qu'ils jouent à 3h du matin dans leur horloge interne, c'est sûr que ce n'est pas l'idéal. Mais au lendemain d'un match disputé en soirée, le rythme biologique d'un footballeur professionnel est de toute façon 'explosé'".
"Ne tombons pas dans la caricature en disant qu'avec seulement 30 heures d'intervalle, tout le monde va se blesser", résume-t-il, en tablant sur de bons calculs effectués par le staff blaugrana : "Je suis curieux de voir, sur les onze joueurs qui vont commencer le match de mercredi, combien vont commencer le match de jeudi. A mon avis, personne ne jouera 90 minutes mercredi et sera titulaire jeudi (…) En réfléchissant à différentes stratégies dans la gestion de l'effectif, cela peut bien se passer."
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"Un peu le Leicester espagnol" : Gérone peut-il aller au bout ?
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Acte de présence pour Lewandowski et compagnie ?
L'entreprise peut devenir "touchy". Robert Lewandowski et Joao Cancelo figurent sur l'affiche promotionnelle de la rencontre, cela ferait désordre qu'ils n'y participent pas, d'autant plus que Pedri – également mis en avant pour "vendre" l'événement – a été annoncé absent mardi pour une durée indéterminée, en raison d'une "légère blessure musculaire".
Xavi et ses adjoints auront-ils toute la latitude qui doit leur revenir, au moment d'établir la composition ? "Je ne connais pas le contrat sur ce match, précise d'emblée Nicolas Chanavat. Mais je me souviens d'un match du PSG lors d'une tournée en Asie, où il fallait que Neymar entre en jeu, et son entrée avait tout changé dans la perception du public et des diffuseurs." Certaines têtes d'affiche pourraient ainsi être sommées de participer à la fête... sans avoir l'obligation de s'éterniser sur le pré.
Martin Buchheit affirme, dans la même veine : "Dans les contrats pour ce type de rencontres [matches d'exhibition, ndlr], il y a : est-ce que tel joueur fait le déplacement ; est-ce qu'il joue ; est-ce qu'il joue un nombre minimum de minutes. Et cette dernière ligne, aujourd'hui, plus aucun club ne la signe : il n'y a plus de nombre de minutes garanties par joueur."
Il en va, outre d'un probable "deal" à respecter, d'une opération séduction à ne pas faire capoter. "C'est en voyant le produit et en pouvant le toucher du doigt que l'on va encore plus développer un affect à l'égard des fans du monde entier", explique Nicolas Chanavat, qui qualifie cependant d'"étonnant" le coup ici tenté.
Faire les yeux doux à l'Amérique pourrait engendrer des regards noirs en Catalogne : "Les études marketing démontrent que ce que l'on appelle les 'core fans' – ou fans traditionnels – voient d'un très mauvais œil le fait que leur club propose des choses qui peuvent sortir de l'ordinaire et/ou purement et strictement de la sphère sportive."
"Tout l'enjeu est de trouver cet équilibre entre la conservation des fans traditionnels, qui sont dans l'ADN du club, et la nécessité pour une 'marque club' d'innover, d'aller conquérir de nouveaux publics", synthétise-t-il, concernant l'exercice de funambule auquel se prêtent toutes les grandes entités sportives, entre autres. Pour le Barça, c'est d'autant plus délicat que ses socios en sont indissociables et qu'il a longtemps cultivé sa différence, via une tunique immaculée de tout sponsor.
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Joao Cancelo (FC Barcelone)
Crédit: Getty Images
Si tout roulait, à la rigueur…
Le virage, en termes d'image, de communication et de modèle économique, a déjà été opéré depuis plusieurs années. Les supporters du FC Barcelone ont sans doute intégré que leur club n'avait plus les moyens de se montrer aussi regardant qu'à une époque, sur les leviers à activer pour ne pas être exsangue financièrement. Le terrain reste roi. C'est même là où le bât blesse.
La première moitié de saison de la troupe de Xavi est plutôt terne. Le club catalan est qualifié pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions – après les avoir manqués deux fois de suite – mais seulement quatrième de Liga après 17 journées. Une cheville qui tourne, un adducteur qui grince… si la compétitivité de l'équipe est directement impactée par l'incongru spectacle de jeudi au Cotton Bowl Stadium, à quelques jours de Noël, le cadeau risque d'être difficile à faire avaler.
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Xavi, coach du Barça
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