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Real Madrid - 2009, les Galactiques II : Julien Faubert et les prémices d’un big-bang

Cyril Morin

Mis à jour 22/07/2019 à 13:27 GMT+2

Hazard, Jovic, Mendy, Militao avant Pogba ou Mbappé ? Cet été, le Real Madrid est le grand animateur du mercato. Il y a dix ans, en 2009, la Casa Blanca avait déjà sorti la planche à billets pour remettre le plus grand club du monde sur le devant de la scène. Retour en cinq volets sur le mercato le plus marquant de l’histoire du Real Madrid. Episode 1.

Julien Faubert présenté par Alfredo Di Stéfano

Crédit: Eurosport

Quand démarre une révolution ? Aux premières injustices subies ? A la première prise d’initiative individuelle ? A la naissance d’un mouvement collectif ? Aux premières confrontations ? Au premier mort ? Le Real Madrid n’a pas eu à aller jusque-là. Des morts, il n’y en a pas eu dans cette histoire. Sauf celle, éphémère, de la fierté madrilène le temps d’une saison cauchemar.
Qui dit révolution dit terreau fertile. Mais surtout déclic. La goutte d’eau qui fait déborder le vase. L’allumette qui déclenche l’incendie. Il en a toujours été ainsi. Celui créé par la Casa Blanca avant l’été 2009 aura sans doute été l’un des plus riches de l’histoire récente du football. Il y a dix ans, c’est un big-bang mondial qui s’orchestrait sur le marché des transferts.
Au sortir d’une année pas comme les autres, digne d’un prix du scénario à Cannes pour son côté burlesque, le Real Madrid, plus grand club du monde, réalisait l’un des mercatos les plus dépensiers de l’histoire. Mais aussi l’un plus clinquants. Peut-être même LE plus clinquant. Les deux derniers Ballons d’Or en date (Kaká et Cristiano Ronaldo), des joueurs de premiers plans (Xabi Alonso) mais aussi le plus gros espoir mondial de l’époque (Karim Benzema). 254 millions d’euros dépensés pour ces Galactiques 2, une folie à l’époque et un choc des consciences bien avant les Pogba, Neymar et autre Mbappé.
Pour comprendre comment les Merengues en sont venus à faire sauter la banque et faire chauffer plus que de raison la planche à billets, il faut revenir à l’origine. Avant cet été 2009 tout feu tout flammes, c’est un hiver froid et déprimant qu'avaient connu les Madrilènes. Du genre de ceux qui marquent aussi une époque. A sa manière. Et pour frapper durablement les esprits, il faut un symbole. Ce sera lui : Julien Faubert.

La photo qui dit tout

Il paraît qu’une image vaut mille mots. Celle affichant la légende Alfredo Di Stefano aux côtés de Julien Faubert vaut bien plus, assurément. Telle une œuvre d’art qui n’aurait de surréaliste que la situation, elle représente tout de ce transfert ô combien improbable et inattendu. Le regard en coin interrogateur, la mine surprise, la fierté légitime du Français et ce maillot floqué du numéro 18 font équipe pour un cliché qui fera légende. Pas la plus grande. Mais sûrement l’une des plus loufoques. En ce 3 février 2009, les deux hommes créent un "meme" avant l’heure.
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Une photo digne d'un tableau : Alfredo Di Stéfano présente Julien Faubert, nouveau joueur du Real Madrid

Crédit: AFP

"Au début, j’ai cru que c’était une blague”. C’est ainsi que Julien Faubert, nouveau joueur du Real Madrid, répond à sa première question dans une conférence de presse aussi lunaire que déprimante ce 3 février. D’habitude, les recrues du plus grand club du monde sont présentées dans un salon d’honneur plein à craquer. C’est une salle de presse classique mais surtout bien plus petite qui est choisie par la Casa Blanca pour présenter l’ovni Faubert. Quelques jours plus tôt, il y avait eu 500 fans pour accueillir Klaas-Jan Huntelaar. 5000 même pour Rafael Van der Vaart l’été précédent. Pour l’ancien Bordelais, ils n’étaient que 53.
"Une blague”, c’est sans doute ce qu’ont dû penser les supporters madrilènes lorsque le nom Faubert est sorti du chapeau. Non pas que le nouveau milieu de terrain soit un mauvais joueur. C’est même l’inverse. A son arrivée, il est international français avec une sélection et… un but. Clin d'oeil de l'histoire savoureux : l'ex-Girondins dispute ainsi le premier match après la finale perdue des Bleus face à l'Italie. Avec le numéro 10 dans le dos. Le premier "successeur" de Zidane, c'est donc lui.
Précurseur de l'improbable, déjà. Il est l'un des joueurs les plus rapides du circuit et jusqu’en 2007, il est aussi vu comme l’un des potentiels animateurs du flanc droit tricolore par Raymond Domenech. Mais le Faubert qui débarque dans la capitale espagnole n’est déjà plus ce joueur-là. Une vilaine rupture du talon d’Achille a freiné sa progression, lui bouchant progressivement l’accès au onze titulaire à West Ham. Alors, quand le Real toque à la porte en ce mois de janvier 2009, c’est Noël en retard pour l’ancien Bordelais.

De CR7 à Faubert

Pourquoi lui ? Parce qu’il était le dernier survivant. Surtout le dernier disponible. À l’époque, c’est Juande Ramos qui vient de s’asseoir sur le banc de la Casa Blanca. Car le fleuve madrilène a été tumultueux pour son prédécesseur, Bernd Schuster. Le mercato d’été 2008, notamment, est une accumulation d’échecs dans des dossiers prestigieux. Cristiano Ronaldo, David Villa ou même Santi Cazorla sont cités. Aucun ne viendra. Cette fois-ci du moins. La presse madrilène tire la sonnette d’alarme avec cette Une de Marca au lendemain d’une débâcle face à la Corogne le 31 août. "Et ils ne vont signer personne" insiste Marca. D’autant que rapidement, Ruud van Nistelrooy et Mamahadou Diarra se blessent pour une longue durée.
La Une de Marca le 1er septembre 2008
Les résultats miteux - pour un club comme le Real - s’enchaînent et l’Allemand est débarqué. C’est dans donc l’urgence que débarque Juande Ramos. Il doit aussitôt dresser la liste de ses besoins pour sauver une saison mal embarquée grâce au mercato hivernal. Une jolie liste de courses pour l’Espagnol qui ne restera finalement que six mois. Suffisamment pour créer le timing idéal pour une surprise du chef.
Le premier pion à débarquer est Jan-Klaus Huntelaar pour remplacer son compatriote à la pointe de l’attaque. 27 briques. Après lui, c’est Lassana Diarra qui débarque pour redonner de la vitalité à un milieu en pleine dépression. 20 millions. Mais rien ne se passe comme prévu. Alors en pleine crise institutionnelle qui aboutira au départ du président Ramon Calderon en janvier 2009 (oui oui, le même mois !), la Casa Blanca ne prête pas attention aux règlements UEFA. Une seule des deux recrues peut être inscrite sur la liste pour la C1. La presse est vent debout, Marca sort la sulfateuse : “Ridiculos de champions”.
Voilà pour le gros d’œuvre. Mais Ramos a une dernière requête. Un joueur d’appoint certes mais qui aura une place importante dans la rotation. Malgré une foi inébranlable en Arjen Robben, feu-follet du côté droit madrilène, l’ancien entraîneur des Spurs réclame une doublure. Car le cador néerlandais est fragile. Le profil est clair : un joueur d’équipe, pas avare en efforts, rapide et capable d’évoluer sur tout le flanc droit. Ça vous rappelle quelqu’un ?

David Copperfield et la Reine

La première cible est claire. Elle sera d’ailleurs l’un des fils rouges du mercato merengue. C’est Antonio Valencia (Wigan), celui qui met le feu aux défenses anglaises de l’époque avec sa vitesse hors du commun et sa caisse physique impressionnante. Les pistes Tranquillo Barnetta (Bayer Leverkusen), Ashley Young (Aston Villa) ou même, moins coûteuse, Ibrahim Yattara (Trabzonspor) sont explorées mais sans vraiment aller au bout des choses. Le candidat idéal est clairement l’Equatorien. Alors que la clôture du marché hivernal approche, le dossier devient prioritaire. Il s’avère surtout compliqué à boucler.
Entrent en scène deux acteurs majeurs : Damien Comolli et Yvan Le Mée. A eux deux, ils vont croire à l’impossible. Et donner au transfert de Faubert une part de légende. Pour toute aventure incroyable, il faut un guide. Ce sera Comolli. Et un négociateur. Ce sera Le Mée. C’est lui, l’agent de Faubert, qui raconte le mieux l’histoire.
"L’année d’avant, Ramos était à Tottenham avec Damien Comolli, son ancien directeur sportif. Comolli lui dit : ‘Je suis à Saint-Etienne maintenant, je veux Faubert (qui était alors à West Ham, ndlr) en milieu droit mais lui ne veut pas venir. Il a fait quatre très bons matchs contre toi’. Et comme il cherchait vraiment un garçon du profil de Julien… “, relate Le Mée lorsqu’il est - souvent - interrogé sur ce transfert incroyable.
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Julien Faubert sous les couleurs de West Ham en février 2008

Crédit: Getty Images

La bataille s’annonce serrée tant les socios ont désigné Valencia comme l’élu. Au moment où le nom de Faubert sort dans les gazettes mercato, 81% des votants d’un sondage Marca rejettent sa candidature pour le poste. Qu’à cela ne tienne. Face à l’enlisement du dossier menant à l’Equatorien, Le Mée joue le coup à fond.
"En tant que n°2, on a attendu, attendu, dans l’hôtel… On se disait : ‘Pourvu que ça se passe mal pour les autres dossiers’. Et à la fin de la journée, ils ont dit : ‘On en a marre avec Valencia, ils nous demandent 35 millions, on avance sur Julien’. Dans la soirée, on a fait le deal et le lendemain matin, on est parti à Madrid”. Aussi simple qu’un bonjour. Le compte à rebours a joué en faveur du clan Faubert. Le voilà joueur du Real Madrid. A la surprise générale et c’est peu de le dire.
Les journaux espagnols renomment Le Mée en “David Copperfield” tandis que de l’autre côté de la Manche, les talk shows s’amusent de l’histoire de ce Hammer à peine titulaire en Premier League qui rejoint le plus grand club du monde. Sur le plateau de Soccer Saturday, Paul Merson, ancien Gunner, résumé le sentiment général d’une phrase so british : “Son agent devrait être fait chevalier par la Reine”.

28 000 euros la minute

Le coup de l’année pour le joueur qui ne pouvait rêver pareille destination. Si la presse madrilène a bien tenté de le présenter sous son meilleur jour, évoquant notamment son parcours Cannes - Bordeaux rappelant celui d’un enfant chéri de la capitale espagnole, Zizou, l’espoir est assez mince concernant son temps de jeu chez les Merengues. La tendance se confirme rapidement.
Deux matches. Cinquante-quatre minutes. Voilà le bilan de Julien Faubert au Real Madrid. Six mois après, le Real ne lève pas l’option d’achat et le Français retourne à West Ham. La presse madrilène sort la calculette : 28 000 euros la minute disputée. Et un épisode peu glorieux venu s’ajouter à la courte mais mémorable histoire du numéro 18 madrilène : celui de la sieste sur le banc. Face à Villarreal, il a la mauvaise idée de “respirer profondément et fermer les yeux pendant dix secondes”, selon ses dires. La caméra espagnole ne rate rien et la séquence ajoute un nouveau chapitre burlesque à son aventure.
Regrette-t-il son transfert ? Sûrement pas. Car malgré tous ces soubresauts, Faubert a grandi. A appris. Et s’est même régalé au quotidien. “Pour moi, ça a été une expérience incroyable, une opportunité énorme, avait-il expliqué quelques années après, regrettant au passage les moqueries de la presse françaises à son égard. Tous les footballeurs ne peuvent pas se targuer d’avoir joué au Real Madrid, aux côtés de légendes comme Raùl, Casillas, Guti. Jouer au Real ou au Barça, c’est comme jouer en sélection, c’est là que tu découvres le haut niveau”.
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Julien Faubert s'étire aux côtés de Rafael van der Vaart et Wesley Sneijder

Crédit: Getty Images

Le haut niveau, c’est aussi tomber de haut quand on attend beaucoup de vous. En cette saison 2008-2009, le Real suit la même trajectoire que Faubert et sa chute s’apparente à une descente aux enfers infinie. En C1, les Madrilènes sortent dès les huitièmes de finale face à Liverpool. Après l’échec au match aller à Santiago-Bernabeu (0-1), le président intérimaire du Real, celui qui a remplacé Calderon après le scandale, promet "un ruissellement de buts" au retour. Il y aura bien un ruissellement mais pas dans le sens espéré. Les Reds infligent un sévère 4-0 à Anfield et Madrid quitte piteusement la Ligue des champions dès les huitièmes. Pour la cinquième année de suite.
Mais le pire est encore à venir. Car pour que le Real soit au fond du trou, il faut que le Barça soit pile au sommet au même moment. Quelques mois plus tôt, un tout jeune entraîneur, ancien de la maison catalane, a pris place sur le banc blaugrana. Pep Guardiola, puisque c’est de lui dont il s’agit, séduit le monde avec ses préceptes de jeu, son tiki-taka et son football offensif divin. Et ça marche. Le 2 mai 2009, quand le Real accueille le Clasico, les Blaugrana sont quasi-assurés du sacre en Liga et sont lancés à grande vitesse vers un triplé Liga-C1-Copa del Rey, inédit (!) dans l’histoire des clubs espagnols.
La sanction est sévère : 2-6. Pas du même retentissement que la manita parfaite de 2010 mais la même facilité offensive. Jamais depuis les années 30 le Real n’avait encaissé autant de buts à la maison. La goutte d’eau d’un vase qui débordait déjà plus que de raison. Et le dernier électrochoc nécessaire à la nécessité vitale de se réinventer pour la Casa Blanca. Depuis le banc de touche, Faubert a assisté au massacre. Son aventure madrilène s’arrête là. S’il avait su qu’il allait devenir au passage le symbole d’une période révolue. La dernière recrue du Real Madrid sur le mercato avant le retour aux affaires d’un homme : Florentino Pérez…
Rendez-vous mardi pour le deuxième épisode de notre série d’été sur le mercato XXL du Real Madrid en 2009.
(Visuel de Une : Quentin Guichard)
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Victor Valdes tout sourire face à Raúl le 3 mai 2009

Crédit: Getty Images

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