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L'OL de 2000 à 2010 : AC Milan 2006, San Siro, Inzaghi et le grand soir qui se dérobe

Martin Mosnier

Mis à jour 08/04/2020 à 17:12 GMT+2

En 2006, Lyon vit le plus grand traumatisme européen de son histoire. Armé comme jamais, convaincu de pouvoir aller au bout, l'OL pense venir à bout du grand Milan. Il lui manquera deux minutes. Quatorze ans plus tard, cette soirée hante toujours les esprits des Gones. Voici le troisième volet de notre série consacrée à l'OL des années 2000.

L'AC Milan, le traumatisme de l'OL

Crédit: Eurosport

Lyon partage un point commun avec son voisin stéphanois. Son plus grand souvenir européen est un échec. Glasgow, ses poteaux carrés et le Bayern Munich pour les Verts de 1976. San Siro, Filippo Inzaghi et le grand Milan pour l'OL exactement trente ans plus tard. Lyon a connu quelques désillusions européennes dans sa glorieuse histoire. Des sorties de route honteuses face à Maribor (1999) ou l'APOEL Nicosie (2012), des injustices indélébiles et ce fichu penalty oublié sur Nilmar, des demi-finales de Ligue des champions (2010) et de Ligue Europa (2017) à vous coller des regrets sur plusieurs générations.
Mais ce quart de finale de la Ligue des champions 2005/2006 reste le plus douloureux des souvenirs. Parce que c'est le grand AC Milan, parce que c'est le plus grand des Olympique Lyonnais et parce qu'il a manqué deux petites minutes pour signer le plus grand exploit de son histoire. "Il n'y a pas de débat possible, le pire souvenir, c'est Milan", nous confie un Grégory Coupet qui a tout connu ou presque en onze saisons et demie à Lyon. Quatorze ans plus tard, retour sur le plus grand traumatisme européen des Gones.
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François Clerc (OL) dépité après la défaite à Milan

Crédit: Getty Images

Un an sans perdre à l'extérieur

En ce printemps 2006, l'OL est au sommet de sa toute-puissance en Ligue 1. Quadruple champion en titre, il roule sur le championnat avec une facilité déconcertante. "A cette époque, on a un sentiment d'invulnérabilité", se souvient François Clerc qui sera titulaire à San Siro. "L'adversaire est impuissant. On sent en nous une force, une sérénité qui rappelle celle du PSG aujourd'hui." Patrick Müller abonde : "Moi j’ai connu deux périodes à Lyon. La première période, c’était de 2000 à 2004. Et après, je suis revenu à l’hiver 2005. Là, c’était plus vraiment le même club. Les ambitions étaient clairement différentes. Quand je suis revenu, le championnat n’était même plus une question. C’était une obligation de le gagner et on devait aller faire quelque chose en Ligue des champions."
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Impressionnant : visualisez la domination de l'OL des années 2000 en un clin d'oeil

Avant de poser le pied à San Siro ce 5 avril 2006, les hommes de Gérard Houllier n'ont plus perdu depuis plus d'un an et 29 matches à l'extérieur. Cette saison-là, ils seront leaders de la 5e à la dernière journée de L1 et ils la finiront avec 15 points d'avance sur le dauphin bordelais. En Europe, bien sûr, Lyon n'a pas le même statut mais sa progression constante couve de grands espoirs. L'élimination injuste face au PSV en 2005 nourrit un vrai sentiment de revanche. Et les Néerlandais seront balayés en 8e de finale en 2006 après un 4-0 à Gerland en forme de vengeance. Lyon grandit et se construit une réputation sur le Vieux Continent.
On pense qu'on peut aller au bout
La déculottée infligée au Real Madrid (3-0) en poule et la première place du groupe acquise devant les "Merengue" consolident la réputation déjà solide de l'Olympique Lyonnais. Dix ans avant l'ère des superpuissances du football européen qui confisqueront tous les trophées, et deux ans après la victoire finale de Porto, Lyon fait partie des sérieux outsiders. Voire un peu plus que cela. "Oui, très honnêtement à cette époque-là, on pense qu'on peut aller au bout", avoue désormais Grégory Coupet. "Notre ambition était celle-ci en tout cas. Le président Aulas nous l'a inculquée et on y croyait."
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Juninho (OL) lors de la victoire face au Real Madrid

Crédit: Getty Images

Parmi les quarts de finaliste, le Barça de Ronaldinho, Eto'o, Messi - que le monde découvre - et les Gunners d'un Thierry Henry aérien font figure de favoris. Tout comme le finaliste malheureux de l'édition précédente. L'AC Milan, puisque c'est lui dont il s'agit, a conservé les cadres de son sacre de 2003. Andrea Pirlo, Clarence Seedorf, Dida, Pippo Inzaghi, Paolo Maldini, Gennaro Gattuso, Alessandro Nesta, Andreï Shevchenko : ils sont encore tous là. Mais avant le quart de finale aller, le fossé avec Lyon paraît mince. Les Gones sont costauds à tous les postes.

Maldini : "Nous étions préoccupés"

Des internationaux à la pelle, un Mahamadou Diarra plus puissant que jamais, un Juninho au sommet de son art et un Fred qui comble le poste faible de Lyon depuis le départ de Sonny Anderson, celui d'avant-centre : Lyon est une équipe complète. Certes Michael Essien s'en est allé à Chelsea. Mais ce qu'il a perdu en puissance, Lyon l'a gagné en élégance et en romantisme avec Tiago. L'effectif a pris de l'expérience depuis l'injustice d'Eindhoven et on ne les y reprendra pas à deux fois jurent-ils alors.
"Le meilleur Lyon, c'est cette année-là. On est tous internationaux, on a quasiment l'équipe de France sur le terrain avec Juninho ou Diarra en plus", continue Coupet. L'atmosphère médiatique est même plutôt favorable aux Lyonnais. Et si c'était leur heure ? Et s'ils atteignaient pour la première fois le dernier carré ? "L'AC Milan est un des plus grands clubs d'Europe. Mais celui qui veut être champion, comme nous voulons l'être, n'a pas à choisir un adversaire", juge Juninho au moment du tirage au sort. "Ce sera un match d'égal à égal."
C'est tout l'OL qui est remonté à bloc. Et Jean-Michel Aulas a coché particulièrement cette édition de la C1… dont la finale se jouera au Stade de France. Le match aller (0-0) dessine un rapport de force équilibré même s'il faut un excellent Grégory Coupet pour museler Andreï Shevchenko. La suspension de Juninho à Gerland donne bon espoir aux Lyonnais de signer, à San Siro, l'exploit qui leur manque jusqu'ici en phase éliminatoire. C'est donc avec leur maître artilleur brésilien et dans un inhabituel 4-2-3-1, avec Wiltord en soutien de Fred pour répondre à la suspension de Tiago, que l'ambitieux OL se présente en Lombardie. "Avant ce match, nous étions préoccupés", avouera après coup l'immense Paolo Maldini qui en a pourtant vu d'autres.
On avait réussi à éteindre San Siro
Lyon se fait respecter d'entrée et signe un début de match très costaud. Mais ce sont les Lombards qui ouvrent la marque contre le cours du jeu. La perte de balle de Fred, plein axe, est immédiatement sanctionnée. Shevchenko, Seedorf puis Inzaghi, plus prompt qu'Abidal, punissent en dix secondes l'une des rares étourderies lyonnaises de la soirée (25e). Mais il en faut plus pour enterrer cet OL si sûr de sa force en ce printemps 2006. Cinq minutes plus tard, Diarra profite d'un coup franc indirect de Juninho pour égaliser. L'OL est virtuellement en demi-finale. "On avait réussi à éteindre San Siro et ce n'est pas une mince affaire", rembobine Coupet. "C'était une sensation incroyable à vivre. Ce stade est très vertical et fermé, c'est quasiment une salle tellement ça résonne. Et il n'y avait plus rien. On avait imposé notre atmosphère."
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Diarra (OL) égalise face à Milan

Crédit: Getty Images

Les 82 000 tifosi n'en mènent pas large : les deux équipes ont très peu d'occasions, un immobilisme qui profite à l'OL. Fred est même à deux doigts de donner l'avantage avant la pause mais sa tête heurte le poteau (42e). A un quart d'heure du terme, on voit mal ce qui pourrait empêcher l'OL de filer en demi-finale. Mais c'est un peu vite oublié ce qu'est Milan et, par effet miroir, ce que n'est pas, ou pas encore pense-t-on alors, l'OL.
Si San Siro retient son souffle, le onze de Carlo Ancelotti est curieusement serein. Les hommes qui le composent en ont vu d'autres. Et même s'ils ont subi un traumatisme inédit onze mois plus tôt face à Liverpool en finale (menés 3-0 à la pause, les Reds s'imposeront aux tirs au but), les Rossoneri savent gérer ces instants où tout se décide. Ces Milanais ont déjà gagné sur la scène européenne et ce fichu dernier quart d'heure va ramener Lyon à son statut en C1 au regard de son adversaire du soir : celui d'un sans-grade.

88e minute…

Pirlo, complètement hors-sujet, va quitter la pelouse et Seedorf, qui prend sa place devant la défense, va accélérer le jeu. Les Milanais vont se ruer dans la surface. Soudainement, les cœurs lyonnais résonnent très forts dans les poitrines, les jambes tremblent sérieusement. Sylvain Wiltord sauve une première fois, miraculeusement sur sa ligne. Le temps file mais Lyon a perdu le fil. 88e minute, tout bascule. Kaladze balance un long ballon, Abidal se troue, Shevchenko récupère, frappe, double poteau, Inzaghi et son flair font le reste. 2-1, rideau. San Siro retrouve sa voix, Lyon capitule.
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Pippo Inzaghi a offert la qualification à l'AC Milan

Crédit: Getty Images

La boulette d'Abidal coûte cher face à l'aplomb milanais. Quatorze ans plus tard, Coupet n'est pas rancunier et a pardonné à son latéral droit : "Je n'en veux pas à Eric. 'Abi' rate sa tête mais je peux la dévier plus et la balle aurait fait poteau sortant au lieu de rentrer. On aurait tous dû faire mieux." Shevchenko clôt la marque dans les arrêts de jeu. Lyon n'y est plus et François Clerc offre le troisième but à l'Ukrainien d'une passe en retrait mal assurée. L'OL est passé à deux minutes de l'exploit mais l'aventure s'arrête en quart comme en 2004 et en 2005. Foutu plafond de verre.
Le pire souvenir de mon passage à Lyon
"Il nous manquait de l'expérience, un banc de touche plus conséquent peut-être", diagnostique Coupet aujourd'hui. Clerc : "Notre manque de passé en Coupe d’Europe nous rattrape peut-être ce soir-là." A chaud, le constat d'en face est exactement le même. "Ce genre de soirées européennes, c'est dans notre ADN et notre tradition", explique Carlo Ancelotti. Lyon paie encore pour apprendre. Mais celle-ci fait particulièrement mal. Même plus d'une décennie plus tard.
"Mais le plus gros regret, c'est Milan", soutient Coupet. Même chose pour Müller : "C'est le pire souvenir de mon passage à Lyon. Il manque deux minutes. Deux minutes de trop. C’est le grand Milan et on a l’équipe pour les battre. Franchement, honnêtement hein, je pensais que l’OL était capable de gagner la Ligue des champions. 0-0 à domicile, 1-1 à la 88e mais la suite…" Lyon ne le sait pas encore mais il n'a jamais été aussi près du plus grand exploit de son histoire. "Pour moi, la Ligue des champions de l’époque était jouable", assure Clerc avec du recul. "On regardait tout le monde dans les yeux. La preuve en est, en poule, quand on jouait le Real… C'est un immense regret."
Il manquera à cette génération son grand soir
"On le tenait ce match…", enrage encore Coupet. Oui, c'était un soir à marquer les esprits, à rentrer dans le cœur des Français, à écrire sa légende, à faire basculer les souvenirs du bon côté. Parce que les Lyonnais ne le savent pas encore mais ils viennent de vivre la plus grande soirée européenne de leur génération. Le quart de finale victorieux face à Bordeaux en 2010 n'aura pas la même saveur parce qu'on ne peut pas comparer les Girondins et le grand Milan. Et la demi-finale face au Bayern n'aura pas son intensité dramatique. Lyon n'y croira jamais face aux Allemands. Il manquera à cette génération son grand soir en phase à élimination directe.
Quatorze ans après les faits, l'OL n'a pas encore eu droit à son immense frisson européen. Il court toujours après son Saint-Etienne – Kiev (1976), son PSG - Real Madrid (1993), son OM – AC Milan (1993), son Monaco – Real Madrid (2004), son Bordeaux – AC Milan (1996). Cette victoire qui construit des souvenirs, des épopées. L'occasion était pourtant belle en ce printemps 2006.
Avec Cyril MORIN
Rendez-vous jeudi sur Eurosport pour le quatrième épisode de la saga...
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La joie d'Inzaghi, la détresse de Coupet

Crédit: Getty Images

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