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Bataille pour le Parc des Princes : Pourquoi la ville de Paris joue "un jeu dangereux" avec le PSG

Vincent Bregevin

Mis à jour 18/01/2023 à 11:06 GMT+1

LIGUE 1 – Le PSG et la ville de Paris sont en plein bras de fer au sujet du Parc des Princes. Un conflit aux enjeux multiples pour les deux parties. Le club parisien semble être en position de force compte tenu de sa puissance financière. Ce qui pose la question de la stratégie de la mairie de la capitale. Eclairage avec Vincent Chaudel, fondateur de l'Observatoire du Sport Business.

Le Parc des Princes

Crédit: Getty Images

Ce n'est pas la première fois. Le Parc des Princes s'est régulièrement retrouvé au centre d'un débat entre la ville de Paris et le PSG. Mais il n'a peut-être jamais été aussi tendu. Le refus affiché par Anne Hidalgo de vendre l'écrin de la Porte d'Auteuil aux dirigeants du club de la capitale, leur menace de quitter la ville pour construire un stade ailleurs en guise de réponse, les mots d'Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris, pour tenter d'apaiser la situation… C'est devenu un conflit tant la division entre les deux camps est nettement marquée.
Chacun défend ses intérêts. Pour le PSG, ce n'est pas tant de devenir propriétaire du Parc des Princes. C'est surtout de l'agrandir à la hauteur de ses ambitions. "Si le Parc avait déjà une capacité de 60.000 à 70.000 places, je pense que la pression du PSG pour en être le propriétaire ne serait pas tout à fait la même, souligne Vincent Chaudel, fondateur de l'Observatoire du Sport Business. On voit que les grands clubs ont des stades de plus de 60.000 places, ou des projets pour en avoir. C'est exactement ce que cherche le PSG."
Cet intérêt devrait normalement rejoindre celui de la ville de Paris. Une capitale qui pouvait souffrir de la comparaison avec ses homologues européennes en matière de football par le passé. A défaut d'avoir remporté la Ligue des champions, QSI a fait du PSG le club le plus titré de France dans toutes les compétitions nationales. Et donné un éclat sans précédent au Parc des Princes, devenu le quatrième site touristique parisien le plus visité derrière la Tour Eiffel, le Musée du Louvre et l'Arc de Triomphe. Un stade à guichets fermés depuis plus de 100 matches. Cela dit tout de l'intérêt de l'agrandir.

"Tout dépend des alternatives"

Et du conflit qui en découle. Chacun est légitime. QSI a ses raisons de vouloir que le stade lui appartienne s'il est disposé à investir 500 millions d'euros pour le développer et le rendre plus attractif. La ville de Paris a les siennes de vouloir conserver un édifice qui appartient au "patrimoine parisien", comme l'a souligné Anne Hidalgo. Surtout, il y a cet écart abyssal du prix de vente avancé par chacun, 40 millions d'euros du point de vue des dirigeants du PSG, 350 millions de celui de la mairie de Paris. Sur ces questions d'argent, l'idée n'est pas tant de savoir qui a raison. Plutôt d'évaluer celui qui est en position de force.
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"Des trois stars du PSG, Neymar est celui qui a le plus de risque de décrocher"

Celle de la ville de Paris semble plus délicate. "Il y a deux options, estime Vincent Chaudel. Soit la ville a les moyens de financer ce stade et d'en rester propriétaire, mais je ne crois pas qu'avec 7,7 milliards de dette ce soit le cas. Soit elle permet à celui qui veut faire les travaux de trouver une solution où tout le monde est content. Le PSG est prêt à financer 500 millions d'euros pour gagner 12.000 places. Mais s'il doit en plus payer 350 millions d'euros pour racheter le Parc… Avec 850 millions d'euros, vous faites un stade. Et pas un stade à 60.000 places, un stade à 70.000 ou 80.000 places."
C'est justement la menace que fait planer QSI. L'idée de quitter le Parc, la maison du PSG, n'est pas forcément un coup de bluff. "Tout dépend des alternatives, explique Vincent Chaudel. Le Stade de France a été proposé au PSG de Canal+ qui l'a refusé parce que ce n'est pas l'ADN du club. Derrière les clubs, il y a un enracinement. Il y a la capacité, mais il y a aussi la localisation. Dans un monde parfait pour le PSG, le Parc des Princes peut être aménagé et dépasser la barre des 60.000 places. Mais aller un peu plus loin, par exemple Longchamp ou Saint-Cloud, ce sont des choses qui sont aussi envisageables. Sans forcément déraciner le club de son ADN."

Quel autre club peut remplir le Parc ?

Paris a déjà lancé plusieurs études dans cette optique, dont l'hippodrome de Saint-Cloud. Et plusieurs élus ont émis des propositions, sérieuses ou non, pour accueillir l'éventuel futur stade du PSG. Notamment Karl Olive, député de la ville de Poissy, ou Olivier Dosne, maire de Joinville-le-Pont, qui a suggéré de construire le nouvel écrin du club francilien dans le bois de Vincennes. Cela prendrait du temps et demanderait le développement de multiples infrastructures, notamment dans le domaine des transports. Ce n'est pas l'option privilégiée du PSG. Et la ville de Paris prend probablement ce paramètre en considération dans les négociations.
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Anne Hidalgo et Nasser al-Khelaïfi lors du match PSG-Chelsea en 2016

Crédit: Getty Images

Elle n'en est pas la maîtresse pour autant. Voir le PSG déménager aurait de multiples conséquences néfastes dans la capitale. Et poserait notamment la question de l'avenir du Parc des Princes, et surtout de sa rentabilité. "C'est l'intérêt de la ville de Paris d'avoir un grand club, et de le mettre dans les meilleures dispositions, juge Vincent Chaudel. Si elle lui met des bâtons dans les roues, le club déménagera. Charge à la ville de Paris de voir ce qu'elle peut faire d'un Parc des Princes sans résident. Il faut trouver un club capable de remplir 45.000 à 50.000 spectateurs par match, ce n'est pas évident."
C'est l'un des enjeux majeurs. Il rend la position de la ville de Paris délicate dans ce conflit, et explique en partie pourquoi Emmanuel Grégoire a laissé la porte ouverte à un compromis ce mardi. "La sortie d'Anne Hidalgo ne fait qu'accélérer le processus du PSG pour voir des alternatives, explique Vincent Chaudel. Est-ce qu'il y aura une détente pour un retour à des discussions plus constructives entre les parties, l'avenir le dira. C'est un jeu tactiquement dangereux pour la ville de Paris… Il faut garder à l'esprit que le propriétaire du PSG peut construire un nouveau stade, car son économie le lui permet."

Comme pour Roland-Garros ?

L'argument financier est du côté de QSI. Il est de nature à avoir raison de la résistance de la ville de Paris, qui pourrait d'ailleurs n'être qu'une façade. "Les réticences de la mairie de Paris, je pense que c'est de l'affichage politique, juge Vincent Chaudel. Je ne vois pas ce qu'ils ont à gagner. Si le PSG est vraiment disposé à investir 500 millions dans les travaux du Parc des Princes, ce sera une enceinte de référence en Europe. Elle va rester intra-muros, elle est déjà très visitée, elle ne le sera qu'encore plus. D'un côté, si la ville de Paris garde le stade, elle ne sera pas capable de faire des travaux. De l'autre, si le PSG veut un stade de plus de 60.000 places, il trouvera la solution."
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Vue extérieure du Parc des Princes, le 25 octobre 2022

Crédit: Getty Images

Pour le fondateur de l'Observatoire du Sport Business, la situation a des similitudes avec celle de l'agrandissement de Roland-Garros il y a quelques années. "C'était le plus petit des Grand Chelem, sur 8 hectares, quand les autres avaient entre 16 et 24 hectares, rappelle-t-il. Le sujet était de s'agrandir notamment du côté des Serres d'Auteuil et il y avait eu une levée de bouclier de la part des Verts notamment. On a étudié des alternatives comme Versailles, une option très crédible parce que prestigieuse et avec 50 hectares exploitables. On a travaillé sérieusement sur cette option-là et à un moment donné, la mairie a fait machine arrière. Et aujourd'hui, on a le stade Simonne-Mathieu…"
L'issue pourrait bien être similaire. Dans cette bataille, le jeu semble davantage du côté du PSG que de celui de la ville de Paris. "Soit le PSG ira au bout de son projet, soit la ville fera machine-arrière comme pour Roland-Garros, résume Vincent Chaudel. On est sur des acteurs qui ont la capacité de le faire. C'est pour ça que je ne comprends pas. On a tendance à dire qu'on va à la guerre quand on pense pouvoir la gagner." La stratégie a peut-être du sens dans l'optique de trouver le meilleur compromis. Mais elle n'en est pas moins dangereuse.
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