Mercato I Le PSG est prévenu : Luis Enrique, une philosophie qui a ses vertus… et ses limites

On l'a quitté sur une disasterclass. Une caricature poussée à l'extrême de ce que l'Espagne produit trop souvent depuis son sacre à l'Euro 2012. Face au Maroc, lors de son élimination en 8e de finale de la dernière Coupe du monde, la Roja de Luis Enrique avait affiché 77% de possession de balle et réalisé plus de 1000 passes sur l'ensemble de la rencontre. Sans parvenir à cadrer un seul tir pour autant. Les Espagnols n'ont pas été les seuls à se casser les dents sur la résilience des Lions de l'Atlas. Mais ce match disait à peu près tout de la philosophie de leur sélectionneur. Et surtout de ses limites.

La déception était légitime envers Luis Enrique, qui avait assumé sa responsabilité dans cet échec avant de céder son poste de sélectionneur à Luis de la Fuente. Si le technicien asturien est un adepte de ce jeu de possession qui avait fait la gloire du Barça et de la sélection espagnole entre 2008 et 2012, il a aussi montré sa capacité à faire évoluer ses propres idées quand le contexte l'exigeait durant sa carrière d'entraîneur. Pas cette fois-ci. Sa faculté à adapter son style, remise en question au Mondial, serait justement l'un des enjeux qui accompagnerait son arrivée au PSG, annoncée avec insistance à défaut d'être officielle.

Luis Enrique fait clairement partie des techniciens qui ont une philosophie de jeu très marquée. La sienne porte l'ADN du FC Barcelone. L'Asturien en a porté les couleurs durant huit saisons en tant que joueur. Il a fait ses gammes d'entraîneur avec la réserve du club catalan pendant trois ans, avant un passage glorieux à la tête de l'équipe première avec 9 titres sur 13 possible en l'espace de trois saisons. Il est imprégné du style de jeu barcelonais et il ne voit pas le football autrement. Choisir Luis Enrique, c'est choisir cette philosophie.

Elle a les vertus qui l'ont menée à sa gloire et les inconvénients qui ont causé sa perte. Le jeu de possession garantit non seulement une domination territoriale par la multiplication des passes courtes qui impose aux défenses adverses de courir après le ballon. Elle offre plus facilement la perspective de défendre en avançant et donc une récupération plus haute. Mais elle expose également l'équipe qui la pratique à tomber dans un rythme trop lent et à se faire piéger en contre-attaque sur des transitions rapides.

Ce style était devenu trop lisible à la fin de l'époque Guardiola et de ses successeurs au Barça. Luis Enrique avait eu le mérite de lui donner un second souffle quand il avait pris en main l'équipe première en 2014. Il avait su donner plus de variété au jeu de possession du FC Barcelone en lui donnant plus de verticalité, en le poussant à adopter par séquences une approche plus directe pour une meilleure efficacité. "Nous n'avons pas remarqué de changements massifs entre Pep et Luis Enrique, mais avec Luis nous sommes peut-être un peu plus agressifs et nous utilisons beaucoup de contre-attaques", avait ainsi souligné Lionel Messi dans une interview accordée au Sun en 2017.

Pouvoir s'appuyer sur des attaquants aussi dominants que Messi, Neymar et Luis Suarez avaient grandement aidé Luis Enrique à faire évoluer sa philosophie de jeu. S'il n'y est pas parvenu durant son mandat de sélectionneur de l'Espagne, c'est aussi parce que la Roja ne disposait pas de tels talents offensifs, capables de provoquer des changements de rythme sur des passes ou des dribbles venus d'ailleurs, et particulièrement efficaces dans la finition. Luis Enrique a parfois tenté de donner de la percussion à l'Espagne sur les ailes, mais sans vraiment réussir à résoudre le problème.

Il n'est pas forcément allé au bout de cette idée non plus. Accroché à ses principes de base à la barcelonaise, l'Asturien a montré les limites de sa capacité d'adaptation avec l'Espagne. Iago Aspas, absent de sa liste pour la Coupe du monde 2022 et de retour en sélection lors du rassemblement du mois de mars, avait mis le phénomène en lumière avec des mots assez durs pour l'ancien sélectionneur de la Roja. "Nous n'avions pas de plan B quand le plan A ne fonctionnait pas, avait-il lancé en conférence de presse. Nous n'avions aucune possibilité de renverser une situation."

C'est la limite à laquelle Paris va s'exposer s'il choisit Luis Enrique. Même si le PSG a des raisons de se tourner vers le technicien espagnol. Il est celui qui peut lui permettre de retrouver une véritable identité de jeu qui lui fait cruellement défaut depuis plusieurs saisons, quasiment depuis le départ de Laurent Blanc en 2016. C'est ce qui peut lui permettre de retrouver du crédit sur la scène européenne, où le déclin du PSG dans la qualité collective n'a jamais semblé aussi criant que lors de son élimination face au Bayern Munich en mars dernier, lors des 8es de finale.

Mais la mise en place de cette philosophie, au-delà d'exiger du temps, impliquerait aussi un effort sur le mercato. Sa réussite passerait par la capacité du PSG à doter Luis Enrique des éléments nécessaires pour lui permettre de proposer cette verticalité qui avait fait son succès à Barcelone, et maximiser ainsi les vertus de son style de jeu. Dans tous les secteurs du jeu, notamment au milieu de terrain, mais aussi en attaque. En l'état, Paris dispose des éléments offensifs dominants nécessaires avec Kylian Mbappé, et éventuellement Neymar. La question de leur avenir ne serait pas moins cruciale pour le projet parisien si Luis Enrique devenait l'entraîneur du PSG. Bien au contraire.