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Coupe du monde - Après son élimination face au Maroc : A force de se passer le ballon, l'Espagne tourne en rond
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Publié 07/12/2022 à 18:04 GMT+1
COUPE DU MONDE - Eliminée mardi par le Maroc au terme d'un 8e de finale caricatural, l'Espagne a encore déçu au Mondial. Si l'arrivée de Luis Enrique a redonné un peu de vie à une équipe qui en manquait cruellement, les limites idéologiques espagnoles ont désormais une traduction concrète au plus haut niveau mondial. Cet échec symbolise surtout un football qui a du mal à se renouveler.
"Cette élimination est l'aboutissement d'un manque de remise en question en Espagne"
Video credit: Eurosport
Le bouc émissaire est tout trouvé. Ce mercredi, il n'y a qu'un nom qui habille les titres de la presse espagnole : Luis Enrique. "Privilège" du poste et conséquence logique de l'incarnation de cette Roja riche en talents mais pauvre en expérience. L'Espagne est dehors et cherche le coupable. La méthode n'est pas surprenante mais lasse quelque peu. Marcelino, Luis de la Fuente ou Roberto Martinez feraient-il de meilleurs sélectionneurs ? Peut-être. Auront-ils plus de résultats ? Pas sûr.
Le fiasco du Qatar n'est-il finalement pas qu'un prolongement de celui en Russie ? Marca a sorti la calculette : face aux Russes en 2018, les Espagnols s'étaient échangé 1 114 passes, record absolu en Coupe du monde. Mardi, ce ne fut "que" 1 041, mais l'impression fut la même. Stérilité absolue, animation en U, lenteur dans les transitions et prise de profondeur longtemps inexistante. En somme, rien pour sortir d'un sacro-saint schéma qui s'essouffle.
Au fond, la Roja n'a pas changé son logiciel depuis 2010. Elle n'a plus rien gagné depuis 2012. Voilà dix ans qu'elle se gargarise de clubs au sommet de l'Europe, à raison, sans pour autant prendre le temps d'en trouver les raisons. Cet énième échec prouve pourtant que son cadre idéologique n'a pas assez pris en compte les mutations footballistiques de la décennie passée.
Là où l'intensité est devenue la notion reine, l'Espagne continue de jurer par la possession. Les deux peuvent aller de pair, comme le prouve le Manchester City de Pep Guardiola. Mais quand vous n'avez pas les talents présents dans la cité mancunienne, elle peut vite s'avérer inutile. Ce fut le cas de cette sélection, emballante face au Costa Rica (7-0), séduisante face à l'Allemagne (1-1) puis carrément déprimante face au Japon (2-1) puis face au Maroc (0-0, 3-0 aux t.a.b).
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Quand Sofiane Boufal met Marcos Llorente complètement dans le vent (Maroc-Espagne)
Crédit: Getty Images
Le symbole Xavi
Déprimante car finalement si prévisible. Dans cette troupe menée par "Luis Padrique", il a manqué un leader, pas au sens d'un patron de vestiaire, mais plutôt d'un guide à même de montrer l'exemple. Prendre des initiatives par le dribble plutôt que de s'assurer des transitions propres par la passe, frapper de loin plutôt que de redoubler encore et toujours. Mais surtout tenter, quitte à déséquilibrer. Le miroir marocain a prouvé que l'art du dribble n'était plus forcément antinomique avec la notion de bloc-équipe.
La simple entrée d'un ailier, en la personne de Nico Williams, osant provoquer en un-contre-un et prendre la profondeur a métamorphosé un Roja figée dans un carcan dont elle a du mal à se débarrasser. Un mal qui rappelle forcément les gifles reçues par le Barça ces dernières années en Europe : largué dans les transitions, trop lisible à la construction. Au moment de faire sa révolution, le club blaugrana avait misé sur l'un des siens, l'une de ces incarnations du "tiki-taka" si victorieux par le passé.
Mais en débarquant sur le banc barcelonais, Xavi avait compris que l'heure était à l'adaptation. Aubameyang et Traoré ramenés en catastrophe et Dembélé remis au cœur du projet ont rappelé que la verticalité est la denrée sacrée dans un football où les transitions sont devenues des armes de destruction massives.
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Xavi
Crédit: Getty Images
Des talents individuels comme réponse aux faillites collectives
Au moment d'analyser cet échec, l'Espagne du football se rendra peut-être compte que le souci vient de chez elle. Toute une génération de joueurs, mais aussi de coaches, ont vu dans la possession la meilleure façon de protéger son but et de s'approcher de celui de l'adversaire. Le constat est implacable. Mais manque de recours à l'heure de trouver un plan B. Là où la formation française est critiquée parfois pour son manque de cohérence, elle rappelle paradoxalement que les talents individuels auront parfois bien des réponses aux carences collectives.
Comment le Real a-t-il réussi à dominer l'Europe sur la décennie passée ? Grâce à un coach français puis italien, des stars portugaises, brésiliennes, croates, françaises, allemandes voire belges. Que le plus grand club du monde n'envoie que deux représentants dans sa sélection nationale n'est pas le simple fait de Luis Enrique. Le manque d'éléments offensifs de poids de cette Roja n'a fait que confirmer les états de fait en club : Marco Asensio se bat pour être dans la rotation du Real là où Ferran Torres est un 4e voire 5e choix au FC Barcelone.
Au fond, elle est aussi le reflet d'un championnat autrefois vanté pour sa variété et ses têtes d'affiche mais qui a fini par rentrer dans le rang. En Liga, on s'ennuie parfois ferme. Comme mardi. Cette nation est trop pourvue de talents pour devenir une équipe de seconde zone durablement. Elle manque peut-être juste de nouvelles idées.
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"Le Maroc a gagné le droit de ne pas se fixer de limites"
Video credit: Eurosport
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