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Pascal Gastien se confie à Eurosport sur la saison de Clermont en 2022-23 : "On n’a pas de secret, on travaille"
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Publié 20/05/2023 à 19:58 GMT+2
Malgré le 19e budget de Ligue 1, Clermont Foot fait un fringant 8e du championnat de France, à trois journées de la fin. Dans un entretien accordé à Eurosport, Pascal Gastien, l'entraîneur de l'équipe première depuis 2017, a décrypté les secrets de cet exercice 2022/2023 et s'est longuement penché sur le futur d'un club qu'il pourrait quitter en 2024.
Pascal Gastien et ses joueurs lors du match Lorient-Clermont.
Crédit: Getty Images
Pascal Gastien, si on vous avait dit en début de saison que Clermont serait huitième de L1 à trois points de Lyon après 35 journées (ndlr : à 6 unités après Lyon-Monaco vendredi), dans une saison à quatre descentes, est-ce que vous y auriez cru ?
Pascal Gastien. : Sincèrement, non. Tout le monde nous voyait dans les quatre derniers. Nous, on espérait faire mieux. Être huitième aujourd'hui, c'est quand même une grosse surprise et quelque chose d'assez extraordinaire pour un club qui a l'avant-dernier budget de L1 (ndlr : environ 25 millions d'euros) et qui avait une expérience d'un an dans l'élite avant de démarrer le championnat. On réalise une saison formidable.
Dans quels domaines avez-vous surperformé cette saison pour atteindre le Top 10 à trois journées de la fin ?
P.G. : J'ai envie de dire que lorsqu'on a tenu notre proie, on ne l'a pas laissée partir. C'est-à-dire qu'on a été très performants lorsqu'on a mené. Souvent, nous sommes allés au bout. Outre le jeu, on a été costauds dans ce domaine-là. Après, il y a juste notre goal-average qui est négatif (-6) car on a pratiquement gagné que des matches serrés (ndlr : onze victoires par un but d'écart).
Vous avez quinze points de plus que Brest (15e), qui vous reçoit dimanche. Qu'est-ce que Clermont a fait de mieux que les équipes de bas de tableau cette saison ?
P.G. : Je trouve qu'on a été plus constants. Même nous, par rapport à la saison dernière (17e avec 36 points contre 53 en 2022-23), on a fait preuve de plus de constance. L'an dernier, on a vécu quelques périodes sans gagner. Cette saison, on a seulement connu une série de six matches sans victoire. Autrement, on a gagné assez régulièrement, ce qui nous a maintenus au-dessus de la ligne de flottaison. Et aussi, on vient d'enchaîner cinq victoires ces dernières semaines, ce qui est exceptionnel pour une équipe comme nous. Quand on a été à notre meilleur niveau, on a été capables de mettre en difficulté pas mal d'équipes (ndlr : Clermont a notamment battu Lyon et Nice à deux reprises ou Rennes).
On dit souvent que la deuxième saison en L1 est plus compliquée que la première. Finalement, ça n'a pas été le cas pour Clermont Foot...
P.G. : Je pense qu'on est plus solides. La saison passée, on jouait pour jouer. Cette année, on joue un peu plus pour obtenir des résultats. On a un peu plus de maturité et de maîtrise. On a aussi plus d'expérience et c'est très important. Des joueurs ont trente matches ou plus en L1. En août 2021, ils en avaient zéro au compteur. On a aussi recruté des joueurs qui évoluaient dans des clubs de haut niveau à l'étranger. Mateusz Wieteska était capitaine du Legia Varsovie, Komnen Andric était au Dinamo Zagreb ou Maximiliano Caufriez est venu en prêt du Spartak Moscou. Ces joueurs ont participé à la Coupe d'Europe et on a plus ressenti cette expérience cette saison.
L'été dernier, vous avez perdu des joueurs majeurs de votre onze comme Mohamed Bayo (Lille) ou Cédric Hountondji (Angers). Est-ce que ces départ ont suscité des inquiétudes ?
P.G. : On a également perdu Salis Abdul Samed (Lens), Akim Zedadka (Lille, prêté à Auxerre pour la deuxième partie de saison) et Vital Nsimba (Bordeaux). Donc oui, on pouvait être inquiets car on avait perdu notre ossature, cinq-six titulaires avec les gardiens. On ne savait pas trop où on allait en début de saison. Mais mis à part notre premier match où on ne pouvait pas faire grand chose face à ce PSG-là (0-5), on s'est très vite repris. Je trouve que la saison a une nouvelle fois été assez sereine.
Vous évoquez Mateusz Wieteska, Komnen Andric ou Maximiliano Caufriez. Est-ce qu'au moment de recruter un joueur, sa capacité à se fondre dans le collectif passe avant son talent individuel ?
P.G. : D'une manière générale, oui. Après, c'est un tout, on a besoin de joueurs de talent. Mais on fait très attention à la mentalité du joueur. Nous, on sait qu'on peut que s'en sortir collectivement. Le recrutement est travaillé en amont. On prend des renseignements sur le joueur et on se rend sur place pour le voir. Quand vous le voyez sur place, vous pouvez en savoir plus sur son état d'esprit et sur ce qu'il peut apporter collectivement.
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Pascal Gastien, l'entraîneur de Clermont.
Crédit: Imago
Clermont possède le 19e budget de L1 et vous êtes actuellement huitièmes. Quel est votre secret ?
P.G. : On n'a pas de secret. Sincèrement, on travaille. Il y a beaucoup de sérénité dans le club et à tous les niveaux. Ici, tout le monde tire dans le même sens. Chacun essaie d'optimiser au maximum ce qu'il fait dans son domaine et cela fait partie de nos forces.
Il y a notamment une certaine idée de jeu que vous avez mise en place depuis votre intronisation à la tête de l'équipe première en 2017...
P.G. : En ce qui concerne le jeu, on s'en donne toujours les moyens. Mais parfois, contre certaines équipes, ça peut être compliqué. En Ligue 1, on retrouve beaucoup de qualités chez les attaquants, alors si vous restez derrière, les adversaires trouveront la solution individuellement. Donc, c'est à nous de poser des problèmes à l'équipe adverse. Cette saison, je trouve que nous sommes mieux organisés et concentrés, mais aussi plus réguliers, sur toute la durée d'un match. Il y a un an, on était capable de passer très rapidement du très bon au très mauvais.
Concernant votre budget, est-ce que l'idée est de perdurer ainsi dans l'élite année après année ou de passer à la vitesse supérieure dans le futur ?
P.G. : On aimerait bien avancer. C'est pour ça qu'une tribune va être construite après le dernier match de la saison 2022-23. Les travaux devraient durer deux ans. Mais à terme, cela nous permettra d'avoir des moyens supplémentaires. On veut donc avancer à tous les niveaux. Nous avons un centre de formation qui commence à être performant. Les jeunes sont allés en finale de la Coupe Gambardella cette saison (ndlr : détaite 2-4 face à Monaco) donc je pense qu'on va retrouver des jeunes à un moment donné chez les professionnels. Après, nous, on peut avoir qu'un seul objectif, c'est le maintien. Une fois qu'il est acquis, on peut s'en donner d'autres. Pour nous, finir dans les dix premiers cette saison, ce serait très, très bien. Dans les années futures, j'espère qu'on pourra avoir d'autres objectifs sans parler non plus d'Europe mais que le maintien sera plus accessible en tout cas.
Quand vous évoquez "les années futures", ce serait dans combien de temps ?
P.G. : Sur les cinq prochaines années, il faudrait qu'on reste en Ligue 1 pour asseoir encore plus le club à ce niveau-là. Mais aujourd'hui, avant de démarrer une saison, on peut seulement envisager de se maintenir.
Comme vous l'avez dit précédemment, vous êtes un technicien qui aime bien faire jouer son équipe. Aujourd'hui, quel entraîneur vous inspire en Ligue 1 ou à l'étranger ?
P.G. : En France, Paulo Fonseca est inspirant. J'aime beaucoup regarder Lille et le jeu prôné par cette équipe. A l'étranger, j'aime ce que propose le Real Madrid, Manchester City, Arsenal. C'est un football complet. A notre niveau, il faut essayer de prendre un peu de ces équipes-là et tendre vers ce football. Je regarde beaucoup de matches et je prends beaucoup d'informations sur ce que font les autres.
Dans un entretien accordé à L'Equipe, il y a un mois, vous avez annoncé vouloir arrêter votre carrière d'entraîneur à l'été 2024 pour vous consacrer à votre famille. Allez-vous complètement couper le cordon avec Clermont ou aurez-vous toujours un rôle au sein du club ?
P.G. : Je ne sais pas. On a commencé à en parler avec le président Ahmet Schaefer. Ce n'est pas encore bien défini, on en discutera davantage dans le courant de l'année.
Outre votre travail au quotidien auprès de l'équipe, êtes-vous déjà en train de préparer le Clermont Foot de l'après-2024 ?
P.G. : Tout d'abord, j'aimerais laisser le club en Ligue 1 dans un an, ce serait magnifique. Après ce n'est pas seulement moi. On avance tous ensemble au niveau du club. Le projet que les dirigeants souhaitent est en place et je pense que nous sommes sur la bonne voie.
Depuis votre intronisation en 2017, vous avez été à la base de ce projet sportif...
P.G. : Ce n'est pas moi, mais une volonté du club de travailler dans ce sens-là, avec un projet de jeu établi, qu'on va décliner à nos équipes de jeunes. On tend vers ça avec nos moyens et le temps qu'il faut. Les dirigeants prennent un peu l'exemple de Villarreal, qui n'est pas une grande ville mais qui est partie d'un projet pour faire avancer le club. En France, Reims est un très bon exemple à suivre. Ils ont de très bons jeunes qui sont sélectionnés dans toutes les catégories en équipe de France jeunes.
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Reverra-t-on un jour le grand Pogba ?
Video credit: Eurosport
Serez-vous sondé pour le nom de votre successeur ?
P.G. : Je suppose. Après, c'est la première chose que j'ai dite au président : "pour la poursuite d'un projet, ça dépend toujours des dirigeants". Je pense qu'il sait où il veut aller et qu'il trouvera un entraîneur qui nous ressemble. J'ai un staff technique qui sera là après moi et qui sera garant de ce qu'on veut mettre en place.
Vous avez été nommé dans la catégorie des "meilleurs entraîneurs de Ligue 1" pour les Trophées UNFP (ndlr : le 28 mai). Avez-vous la sensation que cette nomination vient récompenser toutes vos années de travail ?
P.G. : La première chose que j'ai ressentie, c'est un sentiment de surprise. Ç'a été une grosse surprise même. Quand ce sont vos pairs qui vous nomment, cela a de la valeur quand même. Après, je suis et on est tous passés par des moments difficiles. Cette nomination doit aussi donner de l'espoir à tous les entraîneurs qui sont actuellement en difficulté. Il y a sept ans, je me faisais licencier par Châteauroux. Dans une carrière d'entraîneur, il y a des hauts et des bas. J'ai donc été content et fier, mais il faut relativiser.
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