Ligue 1 - Sans Kylian Mbappé, moins de droits TV pour la LFP ? "Ça n'a pas une si grande influence"

Il est la dernière grosse tête d’affiche d’un PSG, et d’une Ligue 1, qui avaient perdu Lionel Messi et Neymar l'été dernier. Kylian Mbappé vit des derniers mois dans le championnat de France, qu'il quittera cet été, certainement pour le Real Madrid, près de neuf ans (!) après y avoir débuté avec Monaco.

Une perte sportive immense pour la Ligue 1, qui va dire adieu à l'un des meilleurs joueurs de la planète. Et un timing fâcheux pour la Ligue de football professionnel, qui perd son meilleur atout en termes d'image alors qu'elle négocie actuellement avec les diffuseurs pour la vente des droits TV sur la période 2024-2029.

En juin 2023, Vincent Labrune, président de la LFP, assurait viser "le milliard d'euros", contre 700 millions d'euros aujourd'hui, droits internationaux compris. La question à un milliard d'euros est donc simple : le départ de Mbappé va-t-il impacter la valorisation de la L1 ?

"De manière générale, sur le marché domestique comme international, ce n'est pas une bonne nouvelle. Surtout que ça fait suite aux départs de Lionel Messi et Neymar, nous répond Pierre Maes, consultant international en droits TV du sport, auteur des ouvrages 'Le Business des Droits TV du Foot' (FYP, 2019) et 'La Ruine du Foot Français' (FYP, 2022). Maintenant, de manière un peu plus précise, ça n'a pas une si grande influence que ça. La valeur des droits TV est déterminée par un seul facteur : la concurrence entre les télévisions pour acquérir ces droits. S'il y a concurrence, les télés se bagarrent à coups de dizaines de millions, centaines de millions".

Canal+ paie aujourd'hui 332 millions d'euros pour deux rencontres, Amazon 250 millions pour sept matches, et Free 42 millions pour des extraits en quasi-direct. Il faut ajouter les 80 millions des droits à l’international. Mais l'appel d'offre du 17 octobre dernier s'est avéré infructueux et la concurrence, justement, est loin de faire rage pour la période 2024-2029. Labrune et la LFP sont donc contraints de négocier de gré à gré. Pour le moment, la plate-forme DAZN aurait proposé environ 500 millions d'euros annuels pour l'ensemble des rencontres. Une offre refusée par la LFP, selon une source proche du dossier qui s'est exprimée auprès de l'AFP.

"Aujourd'hui, on a l'impression que Canal+ est dans une situation de quasi-monopole", analyse Pierre Maes, alos que la chaîne cryptée avait boycotté l'appel d'offres d'octobre. DAZN est bien là mais a un deal de distribution avec Canal +, donc ils ne vont pas faire grand-chose contre leurs intérêts. Même chose pour beIN Sports, dont le contrat de distribution avec Canal est exclusif, donc ils ne vont certainement rien faire d'offensif ou d'agressif contre eux. La concurrence est très froide, presque inexistante, donc la probabilité que la valeur des droits soit élevée, ou augmente beaucoup, est basse. Qu'il y ait Mbappé ou pas".

Selon L'Equipe, DAZN a accepté, après sa première offre, de se contenter de six matches en exclusivité et d'une co-diffusion de deux autres rencontres. beIN Sports ou Amazon Prime Video pourraient dans ce cas entrer dans l'équation et faire grimper l'addition à environ 700 millions d'euros sur les droits domestiques. Les droits internationaux, eux, pourraient atteindre les 120 millions d'euros annuels, soit 50% d'augmentation par rapport aux 80 millions actuellement versés par beIN Sports. Là encore, un chiffre loin des attentes (200 millions d'euros étaient espérés). Mais là encore, une corrélation limitée avec le départ de Mbappé.

"En général, en dehors de la France, la Ligue 1 n'est pas considérée comme les télévisions du monde entier comme un "must have". Plutôt comme un "nice to have". Il n'y a jamais vraiment une énorme concurrence. Après, il est certain que la présence de stars comme Mbappé, Neymar ou Messi, facilite le travail des personnes chargées de commercialiser les droits. C'est quand même sympa de mettre de telles stars sur votre matériel publicitaire", précise Pierre Maes.

"C'est plus embêtant à l'international mais vous avez aussi d'autres atouts à valoriser", indique de son côté l'économiste Christophe Lepetit auprès de l'AFP. Certains mettront ainsi en avant que le Sud-Coréen Lee Kang-in est le joueur qui vend le plus de maillots en Ligue 1, devant Mbappé.

"Il n'y aura pas d'effet Mbappé sur cette consultation, estime lui Philippe Bailly, président de NPA Conseil, cabinet spécialisé en économie de l'audiovisuel, toujours auprès de l'AFP. Un championnat de football, ce n'est pas juste une collection de people, c'est une compétition sportive. Ce qui fait aussi l'attractivité c'est la qualité des matches et la performance des clubs", détaille-t-il, quand Christophe Lepetit met en avant "l'intérêt sportif et l'incertitude du résultat".

En résonnant par l'absurde, il n'est pas exclu d'imaginer un PSG moins dominant en Ligue 1 sans celui qui est le meilleur buteur du championnat chaque saison depuis 2018-2019, et qui écrase encore ce classement cette année. Donc une Ligue des Talents plus incertaine en haut du tableau. Donc plus attractive ?

"Je crois assez peu à l'attractivité d'une grande compétitivité, tranche Pierre Maes. Je crois que le public aime les stars. Bien sûr, on a l'exemple de l'Angleterre, mais je pense que la présence des stars fait beaucoup plus que la compétitivité du championnat, sachant que c'est une compétitivité toute relative avec Manchester City. Pour moi, ce facteur joue assez peu sur l'attractivité et in fine sur le prix des droits".

Actuellement, la LFP n'a plus de grandes stars à vendre, et paie une concurrence en baisse sur le marché des diffuseurs. Les clubs de Ligue 1, dont le budget dépend pour certains en grande partie de la redistribution de ces droits TV, surveillent évidemment la situation de près avec une inquiétude légitime.

"Après, on sait très bien que Vincent Labrune cache son jeu à merveille. Lors des précédentes négociations, il nous a fait croire jusqu'au bout que Canal + tenait la corde avant de vendre les droits à Amazon, donc il faut être assez prudent sur les impressions qu'on peut avoir sur ces négociations de gré à gré qui sont très discrètes", conclut le spécialiste. Des impressions qui, pour le moment, ne sont pas très bonnes.