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Ligue des Nations en juin, Coupe du monde en hiver : Il faut purger le football

Philippe Auclair

Mis à jour 15/06/2022 à 22:46 GMT+2

Au sortir d'une séquence de football international dont on se serait bien passé, et dont les footballeurs ont été victimes tout autant que les supporters, il serait bien temps de changer la donne. Mais ce n'est pas pour aujourd'hui alors que se profile la première Coupe du monde hivernale de l'histoire. Toujours plus... et jamais assez.

"Collectivement et individuellement, il n'y a quasiment aucun point positif à retenir"

Le football a besoin d'une purge. Mais pas de celles que la Ligue des Nations nous a servies à la louche depuis le début du mois de juin, dont celles offertes par l'équipe d'Angleterre, demi-finaliste de la Coupe du monde en 2018 et finaliste de l'Euro 2020, doivent être l'exemple le plus achevé.
En d'autres circonstances, le bilan des Three Lions au sortir de ce passage prolongé devant le buffet dressé par l'UEFA pour goinfres du ballon aurait dû valoir à Gareth Southgate un ouragan de critiques d'une telle violence que l'arche de Wembley en aurait tremblé. Les excités habituels ont bien vomi leur bile sur Twitter, mais ils l'avaient également fait après que l'Italie avait battu l'Angleterre aux tirs au but en juillet dernier. Aussi ne leur prêtera-t-on pas plus attention que d'habitude.

Trop de matches pour trop d'indifférence

Ailleurs, quand on y regardait de plus près, au-delà de quelques titres tapageurs, c'était une indifférence presque totale. Les journalistes qui avaient couvert l'humiliation subie à Molineux se sont fendus de quelques mots bien sentis pour décrire cette gifle, mais on sentait bien que le cœur n'y était pas tout à fait.
Prenez le Times et le Guardian du lendemain de la volée de la raclée passée par la Hongrie à Wolverhampton. Les deux quotidiens avaient bien du sport à la une. Mais pas du football, relégué à la queue de leurs éditions, comme les autres jours où il ne passe rien que de normal dans le microcosme du ballon. Non, du cricket, ce qui se comprenait un peu au vu de la performance assez extraordinaire des batteurs anglais face à la Nouvelle-Zélande, qui avaient arraché une victoire d'anthologie face aux actuels champions du monde des Test-matches. Un peu - mais pas plus : l'Angleterre venait quand même de se faire battre 4-0 chez elle, dans une compétition officielle, par une équipe qui pointe à la quarantième place du classement mondial de la FIFA (trente-cinq places derrière les Anglais, donc).
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Gareth Southgate et Mason Mount, la tête basse, après la déconvenue de l'Angleterre face à la Hongrie (0-4) - 14/06/2022

Crédit: Imago

De plus, cette Hongrie-là, même si elle a progressé - un peu - depuis que Marco Rossi en a pris la charge en 2018, n'a pas grand-chose à voir avec les Magical Magyars de Puskas, Hidegkuti, Czibor et Kocsis qui avaient infligé aux Three Lions une fameuse défaite 6-3 qui tua pour de bon le mythe que l'Angleterre était invincible sur ses terres, en 1953. Elle ne vaut pas non plus la si séduisante équipe du milieu des années 1960, celle qu'emmenait le merveilleux Ballon d'Or 1967, Florian Albert.
En fait, elle avait loupé sa qualification pour le Mondial 2022 en s'inclinant deux fois contre l'Albanie, et après s'être fait peur contre Andorre (1-2) à Budapest. Voilà les terreurs qui ont donc battu l'Angleterre deux fois en l'espace de dix jours, sur un score combiné de 5-0.
Pourtant, malgré quelques huées entendues à Molineux, malgré des matches contre l'Italie et l'Allemagne (1-1 et 0-0) qui n'étaient pas des plus convaincants non plus, malgré deux points sur douze possibles en Nations League (et le danger des plus réels d'une relégation en "Ligue B" de la Nations League pour la prochaine édition du tournoi), Gareth Southgate continuera de jouir du soutien de la majorité des supporters et des médias anglais.

Les fans, aussi, sont fatigués

Ce ne sont pas que les joueurs qui sont fatigués, épuisés, en roue libre. Ce sont aussi les fans. Les journalistes. Les présentateurs de télévision contraints de feindre de l'enthousiasme lorsqu'ils parlent d'un tournoi dont tout le monde se contrefiche. Tous, nous n'avons qu'une seule envie : que ce cuistot qui remplit nos assiettes aussitôt qu'elles sont finies et nous empêche de digérer retourne à ses fourneaux, et qu'il nous serve une cuisine plus légère la prochaine fois.
La majorité des supporters et des médias anglais (et de bien d'autres pays) savent bien que l'objet de leur colère, plutôt qu'un sélectionneur en panne d'idées parce qu'en panne de joueurs en condition physique et mentale ne serait-ce qu'acceptable, doit être ceux qui ont trouvé le moyen de caler quatre matches de compétition en l'espace de dix jours au terme d'une saison épuisante.
L'UEFA ? Oui, et non. Car l'UEFA n'avait pas vraiment d'autre fenêtre de tir pour caser ses matches, à moins de tirer un trait sur une compétition dont la première édition, en 2018-19, avait été un franc succès, et à laquelle elle entend convier les nations de la CONMEBOL dans un avenir proche ; et si elle n'avait pas d'autre fenêtre de tir, c'est parce que, pour la première fois de son histoire, la Coupe du monde n'aura pas lieu en juin et juillet, mais en novembre et décembre.
Difficile, en effet, de jouer au football - ou de le regarder depuis les tribunes - lorsque la température moyenne est de 37 degrés à l'ombre, avec des pointes régulières à plus de 40 et même plus de 50, comme c'est le cas en été à Doha.
Le cahier des charges de la FIFA était pourtant des plus clairs. Les pays candidats à l'organisation du Mondial de 2022 s'étaient vu signifier noir sur blanc par la FIFA que le tournoi se jouerait en juin et juillet. Ils avaient préparé leurs dossiers en conséquence, y compris le Qatar, qui avait affirmé que son utilisation de systèmes de climatisation révolutionnaires lui permettrait d'organiser les matches dans des conditions supportables pour les athlètes, les officiels et les fans - en juin et juillet, entendons-nous.
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Gianni Infantino porte le trophée de la Coupe du monde

Crédit: Imago

Seulement voilà. Comme les assesseurs de la FIFA eux-mêmes l'avaient écrit dans leur évaluation des cinq dossiers de candidature du Mondial de 2022 (outre le Qatar, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et les USA), même en supposant que ces systèmes de climatisation révolutionnaires (qu'on n'avait pas encore proprement testés) fonctionnent, il ferait malgré tout trop chaud. Et c'est ainsi, après coup, au mépris de son propre cahier des charges, en se moquant bien de ce que pouvaient penser les Japonais, Coréens, Australiens et Américains qu'on avait bernés de la sorte, que la FIFA décida de faire exploser une bombe dans le calendrier international, charge aux autres de balayer les débris.

Ce n'est qu'un début...

La FIFPro, les Ligues, les Confédérations, les clubs, les supporters firent tous et toutes connaître leur opposition au déplacement de la Coupe du monde en hiver. Mais ce que FIFA veut, FIFA obtient. Et c'est ainsi que nous voici en juin 2022, à nous demander comment on a pu forcer des joueurs éreintés à s'éreinter un peu plus en participant à une compétition dont personne ne voulait à ce moment de l'année.
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Raphaël Varane, sorti sur blessure lors de France - Danemark

Crédit: Getty Images

Et ce n'est qu'un début. N'oublions pas que si le Mondial débute le 21 novembre, c'est une semaine plus tôt que les joueurs sélectionnés devront rejoindre leur équipe nationale. Dans le cas de l'Angleterre, cela signifie que la Premier League devra trouver le moyen de caser ailleurs les sept journées perdues à cause de la Coupe du monde, plantée là dans le calendrier comme un monstrueux cactus au beau milieu de la pelouse. Les finales de la FA Cup et de la Ligue des Champions se joueront donc en juin.
Arrêtons-nous là. Arrêtons-nous avant d'évoquer la Coupe du monde bisanuelle prônée par Gianni Infantino, Arsène Wenger et cette colonie de la FIFA qu'est devenue la CAF; ou l'ajout de matches au programme de la Ligue des Champions; ou le rêve d'une Superleague - en Europe et ailleurs - qui continue de séduire beaucoup trop de grands clubs pour qu'on puisse l'ignorer.
Dans le football du XXIe siècle, semble-t-il, trop n'est pas trop. Trop n'est jamais assez.
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