Bleus - La charnière Dayot Upamecano - Ibrahima Konaté : vers l'avant, pour l'avenir

C'est sans doute bien involontaire mais la France du football le remercie. A l'heure où Julian Nagelsmann s'interroge sur l'héritage qu'il laissera derrière lui au Bayern Munich, le technicien allemand a indirectement permis à Raphaël Varane de partir l'esprit léger. Homme de base de Didier Deschamps, le Mancunien avait justifié sa décision par l'usure mentale mais aussi par le sentiment que la relève était prête, mûre et parée à prendre le pouvoir. Il n'a pas fallu bien longtemps. Ce vendredi, la charnière constituée par Ibrahima Konaté et Dayot Upamecano avait les contours d'une évidence qui éclate au grand jour.

Sans le prédire totalement, sans doute, l'ancien technicien de Leipzig a créé un monstre à deux têtes affamé, ambitieux et polyvalent à même de terroriser n'importe quel attaquant. Vendredi, Memphis Depay et les Pays-Bas, certes diminués, ont payé pour l'apprendre (4-0). Le golgoth de Liverpool et le soldat du Bayern Munich ont allié leurs forces pour mettre au pas les Oranje mais également offrir de vraies situations offensives, chose rarement vue ces dernières années en Bleus avec des charnières plus conservatrices à la relance.

"Ceux qui doutaient de nous n'avaient jamais joué au foot, nous expliquait, très lucide, Ibrahima Konaté avant le match. Les gens peuvent douter, nous, on est sur le terrain et on sait. On peut lire les messages sur le manque d'expérience… Mais c'est quoi l'expérience dans le foot ? Accumuler les matches à haute pression, on a fait déjà. Ajoutez-y notre détermination générationnelle si je puis dire…". Et vous obtenez le cocktail d'une charnière moderne, appliquée, et incisive.

Physiquement, les deux hommes combinent des qualités supérieures à la moyenne. Rapide, puissante, dominatrice dans les airs et au duel et très incisive à l'heure de se jeter pour combler les failles, la paire française a ébloui par sa capacité à éteindre totalement toute tentative de révolte adverse. "Ils ont la capacité de pouvoir, par moment, rester en un contre un. Il y a de la vitesse, de la qualité technique pour sortir le ballon, une bonne complémentarité, ça donne un ensemble solide sur ce match-là", s'est réjoui Didier Deschamps après coup.

Mais, en 2023, une charnière qui défend bien est un prérequis plus qu'une finalité. C'est en ce sens que Nagelsmann a aidé Upamecano et Konaté : ces deux-là ont confiance avec le ballon et n'hésitent pas à tenter des choses malgré leur position sur le terrain. Quand ça rate, c'est très dangereux (31e). Quand ça passe, c'est très dangereux aussi, mais pour l'adversaire. Randal Kolo Muani, notamment, s'est régalé de ces ouvertures longues de ses centraux, dans le dos d'une défense néerlandaise bien moins dominante. Dans le petit périmètre, des séquences ont aussi laissé deviner une vraie facilité technique assortie d'une maturité bluffante.

Pour ne rien gâcher, les deux compères ont aussi décidé d'être impactant de l'autre côté du terrain. Upamecano s'est offert un but de renard sur un coup franc botté par Griezmann tandis que Konaté a failli l'imiter quelques minutes plus tard (36e) sur un coup de casque puissant. Ce France – Pays-Bas, aux allures de crash test pour eux, a ressemblé aux après-midis tranquilles de Bundesliga qu'ils passaient à régaler ensemble.

Cette complicité et cette complémentarité n'a fait que grandir depuis le Qatar où les deux hommes ont éclaté aux yeux des suiveurs tricolores. A 24 et 23 ans, ils incarnent autant le présent que l'avenir de ces Bleus. "Certes, ils sont jeunes tous les deux mais vous voyez où ils jouent", a insisté Deschamps au moment de revenir sur la copie du duo. Si certains pensaient qu'ils avaient laissé passer leur chance, notamment Upamecano et ses premières sélections compliquées, le Qatar a eu l'effet d'un révélateur pour le duo.

"La Coupe du monde leur a fait énormément de bien, a confirmé DD. Ils se connaissent, ils ont l’habitude. Ils sont aussi capables offensivement. Ce sont deux joueurs très forts dans le duel et qui ne sont pas embêtés avec le ballon. Et ils assument. Le Stade de France, 80000 personnes, ça n’a pas trop d’emprise sur eux. Ils progressent et ont envie d’être compétitifs très rapidement".

Pas forcément une très bonne nouvelle pour Lucas Hernandez, Presnel Kimpembe, William Saliba, Wesley Fofana voire Jean-Clair Todibo : se faire une place dans la liste est déjà mission compliquée, déloger le duo pourrait vite devenir mission impossible s'ils confirment face à d'autres menaces, dès lundi en Irlande.

C'est avec une assurance nouvelle et l'impression d'avoir une charnière pour la décennie qui s'ouvre que les Bleus ont donc ouvert ce nouveau chapitre de leur histoire. Avec un clean-sheet, bien sûr, bruyamment fêté par les deux hommes, venus remercier Mike Maignan auteur d'un arrêt final sur le penalty de Memphis Depay. "Les doutes des autres, ça nous rend plus fort aussi, nous avouait Konaté quelques jours avant ce test. Donc merci à ceux qui doutent et aujourd'hui, on a eu plaisir à leur donner tort. Ce n'est que le début, j'espère". Ça y ressemble, en effet. Et c'est franchement alléchant…