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La Croatie sans filet

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 26/10/2012 à 22:06 GMT+2

Le point fort de la Croatie est son réservoir de joueurs offensifs. Le voudrait-elle, elle ne jouera pas la sécurité contre l'Espagne.

Il y a quatre jours, la première réaction des commentateurs au match nul entre Croates et Italiens a été de dire que c’était un bon résultat pour les premiers, et que les seconds s’étaient compliqués la vie. L’ennui est que sur un plan strictement comptable, c’est exactement l’inverse qui est vrai. Ce partage des points oblige presque la Croatie à battre l’Espagne, tandis que les Italiens n’auront qu’à venir à bout d’Irlandais déjà éliminés.
Cependant, puisque les dieux du football sont tombés sur la tête samedi soir pour nous offrir un dénouement farfelu du groupe A, on ne peut plus exclure aucun scénario pour cette dernière journée. Peut-être par expérience de ce qu’ils sont en train de vivre avec les calcioscommesse, les Italiens craignent que Croates et Espagnols se mettent d’accord pour finir sur un 2-2 qui les qualifierait toutes les deux. En revanche, un 0-0 qualifierait les Italiens si ces derniers se donnent la peine de battre l’Irlande.
Voilà une bonne raison qui empêche les Croates de jouer à onze derrière. L’autre raison est tout simplement qu’ils ne savent pas le faire. Chelsea peut le faire, les Grecs n’ont pas grand-chose d’autre à faire valoir et en ont fait une marque de fabrique, mais les Croates eux, possèdent leurs meilleurs joueurs dans le secteur offensif. Ils peuvent jouer le contre grâce à la vision d’un Modric, à la vitesse d’un Srna, ils savent jouer en attaque placée à base de centres pour le jeu de tête de Mandzukic ou Jelavic, mais tenir un score, ou jouer pour ne pas prendre de but au lieu de jouer pour en marquer, Les Croates n’ont ni les joueurs ni la mentalité pour le faire.
Bilic sous l'influence du Blazevic de 1998
Le changement tactique opéré par Slaven Bilic à la mi-temps du match contre l’Italie l’a bien montré : mis sous pression en début de match, les Croates ont failli plier à plusieurs reprises autrement que sur le maître coup-franc de Pirlo. En seconde période, lorsque Rakitic est repassé plus bas dans l’axe pour apporter du nombre, reprendre le contrôle du ballon et donner plus de liberté à Modric, tout est allé bien mieux. Le joueur de Séville a reculé, Jelavic a reculé, mais c’était pour que l’équipe puisse mieux attaquer, et non pas mieux défendre.
En pragmatique qu’il est, Bilic sait déjà que ses joueurs n’auront pas la possession du ballon et que chaque récupération devra être propre et rapide, d’où le rôle primordial des classieux Rakitic et Modric. Il est surtout absolument convaincu que l’aventure ne va pas s’arrêter ce lundi soir. Et la conviction profonde d’un joueur qui a évolué sous les ordres de Miroslav Blazevic en 1998 ne peut pas être négligée. Qui, à l'époque, aurait misé un franc sur eux avant le quart de finale contre l’Allemagne ?
Bilic a repris certaines méthodes de Ciro Blazevic, notamment quand il rappelle que les Espagnols, en dehors de leur dernier match, n’ont guère été convaincants en compétition officielle, ni contre l’Italie, ni en 2010 (7 buts marqués seulement). Xabi Alonso et Jordi Alba sous le coup d’une suspension en cas d’avertissement, Xavi qui ressentirait une petite gène musculaire, tout est bon à prendre pour se convaincre que l’exploit est possible.
Et Balotelli marque le but du 3-1...
Evidemment, Bilic et toute la Croatie comptent sur la légendaire fierté des Irlandais, qui feront tout pour ne pas repartir avec trois défaites, tandis qu’en face, les Italiens n’ont toujours pas trouvé la bonne formule devant. Si les Italiens ne gagnent pas, la Croatie peut bien perdre 4-1, il y aura toujours quelque chose de joyeux dans la défaite, et l’espoir de retrouvailles avec, peut-être, l’Angleterre ou la France.
La beauté des derniers matches joués en même temps, depuis le match de la honte anschlussien de 1982, c’est qu’une partie peut totalement basculer à la faveur de l’évolution du score dans l’autre rencontre. En une dualité spatiale mais une unité temporelle, on peut éprouver l’espace de 90 minutes, pour peu que le scénario s’y prête et que l’équipe que l’on soutient soit en jeu, toute la palette d’émotions possibles que seul le football peut procurer. Espoir, joie, anxiété, tristesse, euphorie, colère etc.
On a déjà parlé de l’hypothèse du 2-2 qui qualifie Espagnols et Croates quoi qu’il arrive. Mais imaginez seulement qu’à la 85e minute, Jelavic égalise à 1-1 pendant que l’Italie mène tranquillement 2-1. Les Croates se qualifient alors à la faveur du nombre de buts marqués an dépens des Italiens. On exulte sur la Trg Bana Jelacica de Zagreb, certaines supportrices peu farouches se dénudent, c’est l’euphorie pendant une minute... Et puis on prie. Les Espagnols se contentent de ce score qui leur assure la première place, alors on zappe sur Italie-Irlande, on devient l’espace de quelques minutes plus Irlandais que les Irlandais eux-mêmes, et l’insupportable attente commence. Les minutes semblent durer des heures comme une scène de film qui passe au ralenti, le silence est assourdissant, la peur se lit sur les visages qui se crispent à chaque ballon touché par Pirlo, et se détendent, légèrement, quand Shay Given s’en empare. Henry n’est pas là pour mettre une main, Grosso n’est pas là pour gratter un pénalty imaginaire comme en 2006, reste Richard Dunne et sa manie des CSC.
Et puis, au bout du bout des arrêts de jeu, Balotelli, rentré en jeu peu avant et toujours furieux des bananes lancées par quelques supporters croates, marque d’une grosse frappe sèche le but du 3-1, reste stoïque et dévoile sous son maillot un T-shirt avec l’inscription « Zasto uvjek ja ? » (Pourquoi toujours moi ?).
Les esprits savants ont déjà fait leurs calculs. Dans une telle configuration d’égalité parfaite, c’est l’Italie qui se qualifie au bénéfice du… coefficient UEFA. L’immense joie des uns se mesure à la détresse teintée d’injustice des autres. Les rues se remplissent ici tandis que les places se vident là. Le football est parfois absurde, cruel ou injuste, mais c’est sûrement aussi ce qui le rend beau et passionnant.
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