Serie A | Inter Milan - Sassuolo | Marcus Thuram, c'est l'éclate

Marcus Thuram a tenu parole. Lors du dernier rassemblement de l'équipe de France, l'attaquant de l'Inter Milan avait promis, non sans un sourire, que son équipe gagnerait le Derby della Madonnina samedi dernier face à Mike Maignan, Olivier Giroud et Théo Hernandez, ses coéquipiers sous le maillot bleu mais grands rivaux dans la capitale lombarde. Ce qu'il n'avait pas dit, toutefois, c'est l'ampleur du score (5-1) et le but qu'il comptait mettre.

Une énorme frappe excentrée côté gauche, surpuissante, qui termina sa course en pleine lucarne de Maignan. Boum. Les mains portées ensuite derrière ses deux oreilles pour entendre le boucan de ses tifosi, presque incrédules après ce coup de canon venu d'ailleurs. "C'est un centaure comme Chiron, le maître d'Achille (...) Moitié Lukaku, moitié Dzeko", écrivait La Gazzetta dello Sport, qui lui attribuera la note de 8/10 après sa performance. On a connu pire comme premier derby.

"Je m'attendais cette performance de la part de Thuram, déclarait Simone Inzaghi après cette victoire. Le club le voulait déjà l'hiver dernier. C'est un joueur avec énormément de qualités techniques, humaines. Une grande recrue que nous suivions depuis longtemps." Il est vrai que le mariage entre l'Inter et l'ex-attaquant du Borussia Mönchengladbach, au fond, était écrit. "Je devais signer ici il y a déjà deux ans, cela m'est resté en tête", a-t-il reconnu, se remémorant des négociations qui s'étaient finalement stoppées après une blessure. Mais les dirigeants lombards n'ont jamais classé le dossier, prenant régulièrement des nouvelles de l'aîné de la fratrie Thuram. "Ils m'ont suivi, accompagné, et je n'ai jamais oublié ça", a-t-il précisé.

Pourtant, Thuram a eu l'embarras du choix cet été. Libre sur le marché des transferts après la fin de son contrat avec le Borussia, il représentait une occasion en or pour beaucoup de clubs. D'ailleurs, plutôt que d'aller dans la partie nerazzura de Milan, l'international français aurait pu se retrouver dans celle rossonera.

Car oui, l'AC Milan était à deux doigts de le recruter, au point que la presse italienne parlait de négociations bien avancées entre les parties courant juin. Avant, finalement, de voir l'Inter revenir en force dans ce dossier, offrir un salaire plus élevé au joueur (6 millions d'euros bonus compris) jusqu'en 2028 et remporter - déjà - le derby. "C'était une évidence pour moi de venir ici, j'avais donné ma parole", résumait-il au micro de DAZN, après avoir martyrisé une équipe qui aurait pu être la sienne.

C'est en 313 minutes chrono, avec le derby en point d'orgue, que Marcus Thuram a su se rendre quasi indispensable à l'Inter. Aligné aux côtés de l'intouchable capitaine Lautaro Martinez à la pointe du 3-5-2 de Simone Inzaghi, il a étalé très rapidement toutes ses qualités sur le terrain. De sa puissance à sa vitesse, de sa prise de profondeur à ses mouvements avec et sans ballon : le natif de Parme a déjà éloigné l'ombre du désormais très méprisé Romelu Lukaku. Si Marko Arnautovic et Alexis Sanchez ont également débarqué pour faire le nombre, puisqu'Edin Dzeko n'a pas été prolongé, le poste de titulaire lui revient.

Le match face à la Real Sociedad (1-1), mercredi dernier, en Ligue des champions, n'a fait que renforcer cette idée. Sur le banc au coup d'envoi, Thuram, entré en deuxième mi-temps, a changé le visage d'une équipe complètement amorphe. "Il y a une Inter avec lui et une Inter sans lui, Thuram s'est emparé de cette équipe le soir où, paradoxalement, elle avait décidé de s'en passer. Tout le monde s'est rendu compte de son importance", constatait La Gazzetta dello Sport vendredi. C'est donc tout logiquement qu'il a récupéré sa place dimanche face à Empoli (0-1), où son équipe a aligné une cinquième victoire en autant de journées.

Pour l'instant, tout réussit au buteur français. Un état de grâce qui se traduit également par les chiffres. Lors des quatre premières journées, il comptait déjà 11 tirs cadrés (pour 2 buts contre Fiorentina et Milan). Seul Lautaro Martinez faisait mieux avec 19. Quant à sa moyenne de frappes, elle s'élève à trois par rencontre. Face à Empoli, il fut à deux doigts de claquer la même ogive que lors du derby milanais. Mais un chouïa trop enlevée, cette fois.

"Il apporte vraiment quelque chose, a reconnu l'international argentin en conférence de presse. Il a de très grandes qualités et beaucoup de force. Je suis vraiment heureux de pouvoir jouer avec lui." Au point que ce duo de feu a déjà été rebaptisé "ThuLa" par les médias transalpins. Les passes décisives ? Trois aussi, en cinq matches. Le tout pour une moyenne de notes qui grimpe à 7/10 dans La Gazzetta dello Sport après cinq copies rendues. "Excellent début de trimestre, Monsieur Thuram. Poursuivez ainsi !", pourrait-on imaginer comme possible appréciation professorale.

"Je le suis depuis longtemps, je parle souvent avec son père et je suis content de le voir à l'Inter, a affirmé Youri Djorkaeff, ancien joueur de l'Inter, à La Gazzetta dello Sport. C'est un attaquant très moderne qui peut tout faire. Il a signé dans une équipe particulière, unique. Mais s'il apprend et s'adapte jusqu'au bout, et je n'ai aucun doute, il deviendra l'un des meilleurs attaquants italiens et européens."

Même sentiment pour Aldo Serena, ancien attaquant du club, interrogé dans l'émission Radio Anch'io Sport sur Rai Radio 1 : "Thuram est un attaquant rapide et altruiste, il sait se mettre à disposition de l'équipe et de ses coéquipiers. Pour moi, il sera le vrai 'crack' de cette saison. En plus, il commence à avoir du sang froid et de la lucidité dans la surface." Un aspect travaillé par le principal intéressé lors des entraînements, tout comme ses frappes et sa finition devant le but. L'un de ses objectifs est notamment de dépasser la barre des 15 buts en championnat, chose qu'il n'a encore jamais faite. Améliorer l'aspect tactique est également dans sa to-do list. En somme, devenir un vrai "bomber" à l'italienne.

Au-delà de l'aspect purement technique, Marcus Thuram a complété, de manière parfaitement naturelle, son opération séduction en dehors. "Tout le monde l'apprécie, c'est un garçon qui a toujours le sourire et qui sait répandre la bonne humeur", affirme-t-on à l'Inter, heureux de son adaptation express. Son enfance de l'autre côté des Alpes y a grandement contribué. "Son italien est parfait, ce sera plus facile pour lui de s'intégrer", admettait Inzaghi le 18 août dernier. "C'est comme s'il était ici depuis des années", ajoute un dirigeant du club lombard, presque surpris par l'impact immédiat de l'attaquant de 26 ans. Pas vraiment apeuré par cette pression qui entoure quotidiennement l'Inter, soit celle de tous les grands clubs italiens, Thuram semblerait presque s'en inspirer.

"Il ne souffre pas non plus de la tension des grands matches. Et ça, c'est une caractéristique des champions, rapportait La Gazzetta dello Sport vendredi. Il a la mentalité d'un top player." La preuve par trois : le match face à la Fiorentina (4-0) où il inscrit son premier but après être resté muet lors de ses deux premières sorties, puis le derby, évidemment, et son entrée contre la Sociedad. "Thuram a un impact européen auquel l'Inter ne peut pas renoncer, et son feeling avec Lautaro est à prendre en considération. Quand le niveau s'élève, le choisir n'est jamais une erreur", concluait le quotidien rose.

"Mon père m'a félicité pour ce début de saison, a révélé l'international tricolore à Sport Mediaset. Maintenant, je veux continuer à aider mes coéquipiers, avec des buts, des passes décisives, des courses défensives..." Sa titularisation, ce mercredi, face à Sassuolo (20h45), est escomptée. Et cela ne surprendra personne.