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Si moderne, si conservateur : quand Mourinho entend protéger la sélection portugaise

Nicolas Vilas

Mis à jour 02/03/2014 à 15:46 GMT+1

Habitué des déclarations fracassantes, José Mourinho vient de réaffirmer son opposition aux naturalisés en équipe nationale portugaise. Entre provocation et conservatisme, les prises de position de l’entraîneur de Chelsea feraient presque de lui le cliché de l’"emigrante português". Pourtant, il n'est pas vraiment un des leurs, écrit Nicolas Vilas.

Chelsea manager Jose Mourinho gestures

Crédit: Reuters

Si autant de Portugais admirent José Mourinho c’est certainement parce qu’ils se retrouvent - ou aimaient se retrouver - en lui. Séducteur, riche, le "Special One" est un winner qui fait fantasmer un Portugal en quête de leaders. Il est LA success-story de l’emigrante ("émigré"). En poussant un peu, il en serait presque la caricature. Le Mou, en tout cas, caresse ses compatriotes dans le sens du poil quand il n’hésite pas à afficher et à affirmer des convictions que pas mal de compatriotes de sa génération partagent. Notamment ceux, qui comme lui, ont quitté leur pays natal pour aller tenter leur chance à l’étranger.

Un conservateur nationaliste

"Quand je serai sélectionneur, je ne convoquerai que des joueurs nés dans mon pays, ou s’ils ne sont pas né dans mon pays, ils auront un lien fort avec le pays. Jamais je ne convoquerai un joueur juste parce qu’il possède un passeport de mon pays (…). Si un jour, je suis sélectionneur du Portugal, je n’appellerai que des Portugais. La sélection nationale est le Portugal et non le Portugal et les copains. Le Portugal est pour les joueurs portugais." Samedi dernier – dans une décla qui n’avait rien de off – Mourinho s’est positionné en ces termes sur la question des naturalisés. Ce n'était pas un coup d'essai.

En 2009, il lançait déjà : "Si un jour je suis sélectionneur, je dirai non aux naturalisés." Juste avant le Mondial 2010, sans les nommer, il pointait du doigt Liedson et le seleccionador Carlos Queiroz : "Maintenant, on donne des passeports aux Brésiliens pour les faire jouer." Les mots du technicien de 51 ans sont lourds de sens. Au Portugal, le sélectionneur Paulo Bento, qui continue de miser Pepe, n’a pas écarté la présence de Fernando au Mondial. Le milieu de terrain du FC Porto a entrepris les démarches pour devenir citoyen portugais et s’il n’a pas été convoqué pour l’amical face au Cameroun (5 mars), "c’est pour un problème en marge de la question sportive", a expliqué le sélectionneur. Fernando qui a été international U20 avec la Canarinha, n’avait pas effectué de demande auprès de la FIFA, il y a encore quelques jours.
Mis à part ce détail, la convocation de Fernando n’aurait rien d’illégale. Mourinho veut un "Portugal pour les joueurs portugais", omettant qu'un Portugais naturalisé est un citoyen de droit. Un Fernando qui compte six ans de résidence sur le territoire portugais (minimum légal pour obtenir la nationalité portugaise) est-il moins portugais qu’un Anthony Lopes ? Le gardien de l'OL est né et a été formé en France, n’a jamais vécu là-bas et son attachement au Portugal reste le sang et les souvenirs de ses parents.
Mais Mourinho, quand il s'exprime ainsi, défend plus qu’une vision du foot : "Le monde a perdu des valeurs, les meilleures et il en cimente d’autres, les pires" dit-il. Les "valeurs" : l’une des thématiques promues par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne de 2012. Selon un sondage réalisé par la Fundação Vox Populi, l’ancien président de la Répubique était la personnalité française la plus admirée par les Portugais de France en 2010.

Bosseur et fier

"Je suis un Portugais fier." Ainsi se décrivait José Mourinho dans une interview accordée au Jornal de Notícias en juin 2013. Avec sa vingtaine de titres glanés, le Mou s’est donné le droit d’être fier. Y compris celui d’être portugais. 81% des Portugais de France se déclarent eux aussi "fiers d’être portugais ou lusodescendants" (sondage fvp 2010). Cet orgueil typique de Mourinho peut parfois virer à la provocation, à l’arrogance, jugeront certains. Sa première conférence de presse à Chelsea lui a valu son surnom mais aussi sa réputation : "Je demande à ce qu’on ne me considère pas arrogant mais je suis champion d’Europe et je crois que je suis spécial." Récemment, il est revenu sur son titre de champion d’Espagne à 100 points et 121 buts et il a régalé les cadreurs d’ESPN : "Qui est le meilleur entraîneur de l’histoire du Real Madrid ? Moi !" L'intimidation, y compris physique, n’est parfois pas bien loin. L’œil de Tito Villanova s’en souvient encore. Le journaliste de Radio Marca alors traité de "merde", selon son témoignage, aussi. Mourinho, un homme entier qui nourrit une certaine parano, peut-être même un complexe.

Entre complexe et parano

Le football portugais n’a pas de quoi rougir et nourrit cette fierté. Malgré des moyens limités, les clubs rivalisent avec leurs voisins herculéens. Le palmarès de la Seleção, lui, reste malheureusement vierge. Mais les Portugais ont d’autres motifs de fierté : des Ballons d’Or (Eusébio, Figo, Cristiano Ronaldo), un coach superstar (Mourinho) et une pléiade d’autres qui s’exportent. Avec plus ou moins de réussite et plus ou moins de sympathie. Mourinho : "Quand j’étais en Espagne, on m’appelait ‘‘Fils de p… de Portugais’’, c’est authentique. Une véritable haine." Avec 11 millions d’habitants et une économie en berne, le Portugal vit dans l’ombre, la critique voire le mépris des superpuissances européennes. " Je souffre de l’actuelle situation de mon pays et, en vivant à l’étranger, je comprends les critiques sarcastiques  implicites de beaucoup de commentaires autour de mon pays", commente le Mou.

La saudade d’un privilégié

Il a beau se présenter comme tel, être l’égérie des plus grandes banques qui appellent les expatriés à leur confier leur argent, José Mourinho n’est pas un émigré comme les autres. Il n’a pas quitté le Portugal par nécessité. Contrairement à ces "cogénérationnels" il n’a pas fui la misère, ni la dictature. José suivait des cours particuliers à domicile jusqu’à ses dix ans. Il est le fils de Félix Mourinho, ancien gardien et entraîneur et gloire du Vitoria de Setubal. Son père lui a "offert" un contrat lorsqu’il entraînait le Rio Ave mais il lui a surtout donné le goût d’entraîner. Le fiston a débuté comme observateur, connu le boulot de traducteur (de Robson), d’adjoint avant de devenir entraîneur principal. Mourinho se nourrit de la saudade et ne cache pas son attachement à sa ville natale : "Ma Setubal, ma maison, mes mémoires, mes souvenirs", narrait-il au JN. Mais il est et il y est privilégié. Sa ville lui a créé une rue à son nom. José Mourinho, fils de, a fini par se bâtir une réputation, se construire un nom. Et c’est sûrement de là que lui vient sa fierté, si portugaise.
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