Grand Prix d'Abu Dhabi | Lewis Hamilton - Mercedes, genèse de la plus grande association de l'histoire de la F1
Mis à jour 06/12/2024 à 18:12 GMT+1
C'est la fin. Ce dimanche, au Grand Prix d'Abu Dhabi, Lewis Hamilton et Mercedes vont mettre un terme à la collaboration la plus fructueuse de l'histoire de la F1, puisqu'elle a permis au pilote de décrocher 6 titres et de dépasser la centaine de victoires. À l'origine, leur union paraissait pourtant improbable. Mais Niki Lauda et Ross Brawn y ont cru avant tout le monde. Ils ont bien fait.
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L'histoire est devenue si riche qu'elle a fini par nous faire croire qu'elle était une évidence. C'est oublier que la collaboration entre Lewis Hamilton et Mercedes, qui prendra fin à l'issue du Grand Prix d'Abu Dhabi dimanche, avait plutôt eu, à l'origine, des airs de coup de poker. Pour le Britannique, mais aussi pour l'écurie. C'était, en fait, le début de la plus grande collaboration de l'histoire de la F1 : aucun autre pilote que "King Lewis" n'a décroché six titres de champion du monde avec la même écurie.
En 2012, année durant laquelle les négociations entre Hamilton et Mercedes ont été nouées, personne n'aurait pu imaginer que leur union atteindrait de telles hauteurs. Le pilote avait certes déjà coiffé une première couronne avec McLaren, dès sa deuxième saison, mais la suite avait soulevé certaines interrogations : était-il devenu ingérable, notamment après sa guéguerre avec son ancien coéquipier Fernando Alonso ? Son rythme de vie était-il compatible avec la quête d'un second titre de champion du monde, après lequel il courait depuis cinq ans (déjà) ?
Autour de Mercedes, les doutes étaient encore plus nombreux. En trois saisons, la firme allemande n'avait obtenu qu'une seule victoire après avoir pourtant sorti Michael Schumacher de sa retraite. "Schumi" était (re)venu pour gagner mais il avait fini par se lasser.
Lauda au centre de tout
Et en 2012, alors que son contrat arrive à expiration, l'écurie a accepté de patienter jusqu'au mois d'octobre pour connaître les intentions du Baron Rouge. L'idole allemande mérite bien quelques concessions...
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Mais pour Niki Lauda, fraîchement nommé président non-exécutif de Mercedes, la situation est trop inconfortable : patienter si longtemps, c'est prendre le risque de se retrouver le bec dans l'eau si Schumacher décide de prendre sa deuxième retraite. L'avenir des meilleurs pilotes se joue bien avant. Et puisque l'Autrichien n'a pas sa langue dans sa poche...
"Je ne trouvais pas que c'était une bonne idée et je l'ai fait savoir à la direction de Mercedes, racontera-t-il plus tard au biographe Maurice Hamilton. J'ai eu la permission de parler avec Lewis parce que je savais que c'était le seul grand nom qui pouvait être libre."
Il fallait aussi convaincre mercedes
Alors il fonce. Le pilote de Stevenage est à l'écoute, tout surpris qu'il est par cette opération séduction d'un homme dont il était convaincu qu'il ne l'appréciait pas beaucoup. Dans un premier temps, Hamilton est plutôt hésitant en constatant, notamment, les résultats sportifs de la firme à l'étoile. "Mais Niki est une personne qui sait convaincre, nous glisse Didier Coton, alors consultant pour la société de management de la carrière du Britannique. Il a une crédibilité liée à son palmarès et sa personnalité. Et il sait trouver les arguments."
Lauda titille la corde sensible. "Si tu restes encore chez McLaren, tant mieux, lui dit-il. Mais où est le défi dans ta vie ? [...] Imagine une seule seconde si tu réussis à devenir champion du monde avec Mercedes. Imagine ce que cela apporterait à ton image." L'emblématique pilote autrichien met les pieds dans le plat. À ce moment-là, pourtant, le constructeur lui-même n'est pas encore emballé par cette idée...
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Car la direction de la firme est également à l'écoute d'un certain Toto Wolff, qui s'apprête à devenir directeur exécutif de son écurie. Lui fait un constat : Mercedes consacre moins de moyens au développement de sa monoplace que Williams - dont Wolff était actionnaire - notamment parce qu'une trop grande partie du budget est allouée à la rémunération de ses pilotes. Pas certain que s'offrir Lewis Hamilton, qui émargera à 25 millions d'euros l'année, arrange les choses.
A Singapour, la bascule ?
Mais là encore, Lauda s'occupe de tout. "C'est Niki qui a persuadé le conseil d'administration de Mercedes de nous donner l'argent pour Lewis, assurera Ross Brawn après la mort de l'Autrichien. Et ce n'était pas du tout une tâche facile." Reste, donc, à définitivement convaincre la star britannique. "Lewis n'aurait jamais pris cette décision sur un coup de tête, souligne Didier Coton. À l'époque, McLaren est l'écurie qui lui a donné sa chance en F1, qui lui a permis de devenir champion du monde. Le lien est très fort. Il y a la question de la loyauté, importante à ses yeux, qui entre en jeu. Mais il faut reconnaître que McLaren n'est pas assez performante à ce moment-là."
Elle souffre non seulement de soucis opérationnels, mais aussi de problèmes de fiabilité sur une monoplace par ailleurs compétitive. Le 23 septembre, au Grand Prix de Singapour, Hamilton est contraint d'abandonner, après une rupture de transmission, alors qu'il occupe la tête de la course. Ses espoirs de titre s'envolent, une nouvelle fois. Ceux de Lauda, eux, se renforcent. "Niki est venu me voir dans ma chambre et nous avons eu une conversation", révélera le Britannique, bien plus tard.
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D'aucuns estiment que c'est ce moment qui a définitivement fait basculer la décision de "King Lewis". D'autant que la nouvelle a été officialisée par Mercedes à peine cinq jours plus tard. Une manière de romancer l'histoire, sans doute. Après avoir décroché son septième titre de champion du monde, en 2020, Hamilton a pourtant largement nuancé cette narration.
Une visite de Brawn décisive
Le pilote, pas franchement réputé pour avoir bonne mémoire - il mélange régulièrement certains de ses souvenirs - s'est dit certain que Lauda était le premier à lui avoir rendu visite chez lui, à Monaco, pour évoquer le projet de Mercedes. "Mais je n'étais pas vraiment convaincu au début, a-t-il insisté. Je pense que le moment qui m'a vraiment poussé à y réfléchir davantage, c'est lorsque Ross Brawn [alors directeur de Mercedes] est venu chez ma mère et s'est assis avec moi dans la cuisine. Nous avons pris le thé et il m'a montré quel était le plan pour l'équipe."
Preuve, peut-être, que sa décision s'est avérée beaucoup plus rationnelle qu'elle n'en avait l'air. "Au départ, il peut y avoir l'envie de se challenger, de prendre un risque, résume Didier Coton. Mais ensuite, il y a eu un constructeur très puissant, qui avait eu un passé, et qui lui a à la fois exposé un budget sportif important, avec des personnes compétentes installées aux postes-clés, mais aussi une organisation technique et une stratégie à court et moyen terme. Pour un pilote du talent de Lewis, c'est tentant. Et je crois qu'on peut dire que l'histoire lui a donné raison".
Dimanche, Hamilton quittera Mercedes avec 6 couronnes et 84 - ou 85, s'il s'impose à Abu Dhabi - victoires de plus qu'à son arrivée au sein de l'écurie. McLaren, elle, décrochera sans doute le graal au classement des Constructeurs. Ce qui serait donc son premier sacre mondial depuis le titre Pilotes qu'elle avait décroché en 2008 avec... Hamilton. Quelle histoire.
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