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Grand Prix des Pays-Bas - Pourquoi le fiasco Piastri complique les promesses de retour au sommet d'Alpine

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 03/09/2022 à 10:52 GMT+2

GRAND PRIX DES PAYS-BAS - La reconnaissance par la FIA du droit d'Oscar Piastri de piloter pour McLaren en 2023 a été un nouveau coup dur pour Alpine, qui comptait reprendre la main dans ce dossier. Désavouée, décrédibilisée, l'équipe française va maintenant devoir négocier avec McLaren pour arracher Pierre Gasly à AlphaTauri et sauver son projet 2024.

"Alpine doit prendre Gasly en 2023 pour sortir gagnant de cette histoire"

Alpine avait une chance de gagner ce dernier combat - pour l'honneur - d'une bataille perdue d'avance, le discrédit que l'affaire Piastri a jeté sur elle est donc total et elle ne pourra le faire oublier de sitôt dans le paddock et au sein de la communauté des fans de la Formule 1.
"Le Tribunal a rendu une décision unanime selon laquelle le seul contrat à être reconnu par le Bureau est le contrat entre McLaren Racing Limited et M. Piastri en date du 4 juillet 2022", a tranché le Bureau de reconnaissance des contrats de la Fédération internationale de l'automobile, vendredi après-midi. "M. Piastri a le droit de piloter pour McLaren Racing Limited pour les saisons 2023 et 2024", a-t-il ajouté, révélant au passage que l'accord "pluriannuel" entre la pépite australienne de 21 ans, formé par Alpine, n'était que de deux ans.
Sonnée, l'écurie tricolore a répondu dans un communiqué laconique en anglais, qu'elle n'a pas eu le courage de traduire en français. En voici les termes : "Alpine F1 Team remercie le Bureau de reconnaissance des contrats de s'être réuni lundi et nous reconnaissons la décision qu'ils ont prise. Nous considérons que l'affaire est close de notre côté et annoncerons notre tandem de pilotes 2023 en temps voulu. Notre objectif immédiat est le Grand Prix des Pays-Bas et l'obtention de points dans notre lutte pour la quatrième place du championnat des constructeurs."
Oscar Piastri (Alpine) au Grand Prix d'Autriche 2022

La naïveté de Szafnauer

L'amertume a conduit Alpine à ne pas mentionner le nom de l'Australien et sa fierté de compétitrice à rappeler que, in fine, la compétition se poursuit en piste, et que c'est le terrain de jeu ultime. Pas sûr qu'on se souvienne plus, dans quelques années, de sa place finale dans ce championnat du monde 2022 que du verdict du Piastrigate. La marque au A Fléché occupe la quatrième place du championnat du monde, derrière les mastodontes Red Bull, Ferrari et Mercedes, et devant McLaren, surtout.
Après tout, on verra fin 2024 si le choix d'Oscar Pastri, celui de l'impatience, était le bon. Et qu'il ne s'y est pas noyé dans une rivière sans retour comme son compatriote Daniel Ricciardo. Mais une chose est sûre : la Formule 1 a montré qu'entre joutes techniques, sportives, financières et juridiques, elle est une guerre 365 jours par an, à 360 degrés.
Alpine devra en tirer les conséquences pour avancer, ce qui ne va pas être simple. Oscar Piastri et son agent Mark Webber lui ont montré qu'elle devra avoir à l'avenir des projets lisibles aux yeux de tous, y compris ceux d'un espoir qui n'a pas encore roulé en Formule 1. En cela, son directeur d'équipe, Otmar Szafnauer, a fait preuve d'une certaine naïveté, en pensant d'abord que Fernando Alonso finirait par lui céder en ne resignant que pour un an. Ensuite, il n'a pas soupçonné qu'il avait perdu Oscar Piastri depuis longtemps, son engagement avec McLaren remontant quatre semaines avant le mensonge - "Je n'ai signé avec personne" et la volte-face d'Alonso. Qui ne l'a pas pris au sérieux en informant de son départ ses patrons, Laurent Rossi et Luca de Meo, directeurs généraux d'Alpine et de Renault, mais pas lui.
Otmar Szafnauer (Alpine) au Grand Prix des Pays-Bas 2022

Brown disposé à aider Alpine ?

Trompé autant par le jeune que l'ancien, l'Américain arrivé d'Aston Martin a vu sa position considérablement affaiblie par cette malheureuse histoire et il serait étonnant que son périmètre reste exactement le même au sein de l'équipe. Alpine doit agrandir son site d'Enstone afin d'accueillir 75 nouvelles personnes. Avec 925 employés, les Bleus ne seront plus loin des 950 de Mercedes. Mais ce n'est pas qu'une question de nombre. A l'écouter, il sait où prospecter. "Il y a certains domaines où d'autres équipes dans lesquelles j'ai travaillé sont meilleures, elles ont plus de connaissance", expliquait l'ex-directeur d'équipe de Force India/Racing Point/Aston Martin, en juillet dernier.
En revanche, il n'est pas certain qu'Otmar Szafnaeur, dont Zak Brown a mis en doute l'intégrité à Spa, s'occupe du dossier du second pilote 2023. Car il faut désormais jouer serré, s'attirer les bonnes grâces de deux autres équipes et celui de la FIA. L'objectif est d'aller chercher Pierre Gasly chez AlphaTauri et ça, au moins, Red Bull ne s'y oppose plus. Renault, maison mère d'Alpine, et Red Bull ne se sont pas quittés en bons termes fin 2018 mais Christian Horner et Helmut Marko sont disposés à libérer leur Normand. Helmut Marko a été pour la première fois clair là-dessus, vendredi : "Si les conditions sont réunies, nous ne nous mettrons pas en travers du chemin de Gasly. Pour lui, le rêve de piloter pour une équipe française deviendrait réalité", a déclaré le conseiller de Red Bull Racing vendredi, dans le paddock de Zandvoort.
Pierre Gasly (AlphaTauri) au Grand Prix d'Autriche 2022
Les "conditions" dont parle l'Autrichien de 78 ans, qui s'est rallié depuis peu à la position de Christian Horner, sont une offre "sérieuse" d'Alpine et l'obtention de la superlicence du candidat remplaçant, Colton Herta, pilote Andretti en Indycar et en formation chez McLaren. Ce dernier ne possède que 32 points sur les 40 requis par la FIA pour courir en Formule 1, et il ne sera pas possible d'atteindre ce quota sans une dérogation de la place de la Concorde, au motif du préjudice des années covid 19. Pendant la pandémie, la FIA a considéré que chaque pilote n'avait pu courir dans les meilleures conditions, ou tout simplement disputer les compétitions voulues. A la rigueur, AlphaTauri pourrait rapprocher l'Etasunien des 40 points en ajoutant 1 unité sur sa licence par session d'essais libres 1 disputée d'ici la fin de la saison, mais ce ne serait pas décisif.

Gagner en 2024, un défi de plus en plus grand

Moyennant la compréhension de la FIA (Colton Herta a commencé à s'entraîner au volant d'une McLaren), encore faudrait-il que Zak Brown soit disposé à libérer son pilote, et contre une somme d'argent. Et ce n'est peut-être pas par hasard s'il s'est présenté chez Alpine, jeudi, pour parler business. Econduit, il est rapidement ressorti de l'hospitality et Alpine va devoir frapper à sa porte.
Si ce coup de billard à trois bandes échoue, la solution sera peut-être celle préconisée par Esteban Ocon, qui prône le recrutement de Mick Schumacher (Haas) par amitié, et réticence à l'idée de cohabiter avec Pierre Gasly (AlphaTauri). Mais pour quelle ambition sportive ? Le fils du septuple champion du monde, Michael, n'a jamais fait tourner les têtes dans le paddock et sa décote est réelle depuis le retour de Kevin Magnussen. Sans parler de Ferrari qui a décidé de s'en séparer en fin de saison ; et Günther Steiner qui est proche d'en faire de même.
Esteban Ocon (Alpine), Mick Schumacher (Haas) au Grand Prix des Pays-Bas 2022
Il faut donc espérer qu'Alpine puisse sortir la tête haute de cette histoire. Recruter Pierre Gasly lui permettrait de tourner la page et communiquer sur son identité bleu-blanc-rouge - c'est pour cela que son nom a remplacé celui de Renault - afin de se confronter à ses rivales commerciales, les Anglaises Aston Martin et McLaren, l'Allemande Mercedes ou l'Italienne Ferrari.
Le fameux délai des 100 courses annoncé par Laurent Rossi l'année dernière pour redevenir une écurie gagnante en 2024 avait pour le moins surpris, sinon déçu. Ce report avait fait prendre conscience que la marque n'était plus si sûre de son agenda malgré le grand virage du règlement technique de 2022 qui autorisait chaque écurie à rêver. Les fans de la marque étaient également persuadés qu'il fallait un jeune pilote surdoué à Alpine pour faire le coup de Renault avec Fernando Alonso dans les années 2000. Les histoires de McLaren avec Lewis Hamilton, de Red Bull avec Sebastian Vettel et Max Verstappen ont ensuite montré que c'était la formule à suivre, et ce n'est pas un hasard si Ferrari a emprunté cette voie avec Charles Leclerc. Une chose est sûre, Alpine va devoir se réinventer.
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