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Interview - Bernard Laporte sort du silence : "Qu’ont fait ces gens pour le rugby ?"

Anthony Tallieu

Mis à jour 26/03/2023 à 11:07 GMT+2

Bernard Laporte ne s’était pas exprimé depuis sa démission de la présidence de la Fédération française de rugby le 27 janvier dernier. Pour Eurosport, l’ancien sélectionneur du XV de France est revenu sur les raisons qui l’ont poussé à prendre cette décision, son rapport toujours très proche avec les Bleus et ses ambitions au sein d’un rugby professionnel où il se projette toujours. Interview.

Bernard Laporte en novembre 2022

Crédit: Getty Images

À quoi ressemble votre quotidien depuis votre mise en retrait puis votre démission de la présidence de la FFR ?
Bernard Laporte : J’ai repris mes activités professionnelles, comme les interventions dans des séminaires, que je ne faisais plus trop car même si j’étais bénévole, gérer une fédération me demandait beaucoup de temps. J’ai basculé sur autre chose même si j’ai tous les jours des gens du rugby au téléphone.
Vous êtes resté silencieux depuis janvier et la consultation pour la désignation retoquée de Patrick Buisson en tant que président délégué de la FFR. Pourquoi vous exprimer aujourd’hui ?
B.L. : Quand j’ai proposé Patrick, je ne voulais pas interférer dans la consultation et prendre l’espace médiatique. Depuis le résultat, je ne le cherche pas plus. Ce que je veux par-dessus tout, c’est qu’on parle de l’équipe de France. On est à cinq mois d’un événement majeur pour les joueurs, le staff et pour nous, passionnés de rugby. Quand je vois ce qu’il se passe aujourd’hui dans ce pays, toutes ces difficultés dans notre société, je n’ai pas envie de mettre du fiel sur du fiel. Je veux qu’on positive et qu’on accompagne cette équipe de France, qui peut nous apporter du bonheur et de l’émotion.
Ce que j’ai pris personnellement, en revanche, c’est cet acharnement et ces mensonges permanents
Avez-vous vécu comme un échec personnel le rejet par les clubs amateurs d’installer Patrick Buisson ?
B.L. : Pas du tout ! Il était d’ailleurs prévu qu’on propose quelqu’un d’autre si le "oui" ne l’emportait pas. J’étais même prêt à proposer quelqu’un de l’opposition. Quand je vois que Patrick n’a pas été élu à 80 voix près, je me dit qu’on avait quand même le soutien des clubs amateurs. Ce que j’ai pris personnellement, en revanche, c’est cet acharnement et ces mensonges permanents. C’est cela qui m’a amené à me dire : "Maintenant, on arrête !".
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Bernard Laporte.

Crédit: Getty Images

Pensez-vous notamment à votre mise en garde à vue demandé par le parquet financier pendant la consultation des clubs amateurs ?
B.L. : Je préfère ne pas en parler mais cela fait en effet partie des acharnements.
La même semaine, la prise de parole controversée de Claude Atcher, accusé d’harcèlement moral dans le cadre de ses fonctions de directeur de France 2023, n’a-t-elle pas également influé négativement sur le vote ?
B .L. : Je ne lis pas la presse donc je ne pourrais pas vous dire si cela a été le cas. Maintenant, il me semble logique que Claude ait cherché à se défendre.
La veille de votre démission, vous étiez encore résolu à continuer. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
B.L. : C’est tout ce qu’il s’est passé sur ces derniers jours. C’était trop ! Quand la convocation démarre et que le même jour, je reçois une convocation du Tribunal…tout ce mélange des gens…J’ai préféré dire stop. Encore une fois, j’étais bénévole à la FFR et j’avais l’impression d’avoir fait tout ce qu’il y avait à faire pour la fédération.
Avant que j’arrive, on était la huitième ou la neuvième nation mondiale, on ne gagnait pas un match et on avait un budget bien inférieur
C’est-à-dire ?
B.L. : J’ai monté son budget de 106 à 136 millions de budget. Cela ne se fait pas d’un coup de baguette magique ! Ce sont des heures passées dans des rendez-vous avec des chefs d’entreprise pour les convaincre de s’engager. Il y a eu le projet bleu transversal avec les équipes de France de jeunes et surtout le fait d’avoir remis le XV de France sur les rails et faire qu’il soit, si ce n’est la meilleure équipe du monde, du moins une des meilleures équipes du monde. Avant que j’arrive, on était la huitième ou la neuvième nation mondiale, on ne gagnait pas un match et on avait un budget bien inférieur. Aujourd’hui toutes les équipes de France tournent, on a 136 millions de budget et on va passer à 140 millions. Je pouvais faire quoi de plus ? Rien ! On accueille en plus la Coupe du monde, et je souhaite désormais qu’on ne parle que de cette compétition.
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Fabien Galthié et Bernard Laporte

Crédit: Getty Images

Avez-vous été déçu par les silences ou les prises de paroles à votre encontre ?
B.L. : Je n’ai pas le temps d’en vouloir aux autres. Ceux qui passent leur temps à critiquer, c’est qu’ils n’ont rien d’autre à faire ou qu’ils ne sont pas bons. L’opposition s’en est donné à cœur joie mais qu’ont fait ces gens pour le rugby ? Qui dans cette opposition est capable de faire ce qu’on a fait nous ? Florian Grill ne maîtrise pas ce qu’est le haut niveau, il ne le connaît pas. Or le président de la FFR doit connaître le haut niveau car l’essentiel des revenus de la fédération provient de l’équipe de France. Un président qui ne connaît pas le haut niveau, c’est ce qu’on a connu avant que j’arrive et cela nous a mené à la catastrophe. Quand je vois les Anglais, aujourd’hui, c’est la même chose. Si on ne connaît pas le haut niveau, on ne nomme pas les bonnes personnes pour former un staff. Quand Rob Andrews était président de la fédération anglaise, il n’y avait pas d’erreur parce qu’il maîtrisait.
Grill, Benazzi, Pelous… ils sont juste-là pour essayer d’exister dans une fédération parce qu’ils sont nuls
Et ?
B.L. : Quand je vois ceux qui entourent Grill, ils ont certes joué mais… Abdelatif Benazzi n’a même pas fait un an dans un staff à Montpellier et il est détesté de tout le monde, Fabien Pelous a été viré de Toulouse…Je ne peux même pas leur en vouloir tellement ils me font rire ! Si ces gens étaient bons, ils seraient à la place des Mola, Urios et compagnie. Non, ils sont juste-là pour essayer d’exister dans une fédération parce qu’ils sont nuls ! Et il est clair que ceux qui parlent le plus aujourd’hui sont les plus nuls. Pelous était avant moi à la fédération. L’équipe de France allait au tapis et il ne le voyait pas ! Il a été un très grand joueur et a mérité les sélections que je lui ai données mais il a fait quoi après ? Demandez à Ugo Mola comment il a essayé de le destituer ! Et il a explosé en vol même pas un an après. Donc je dis à ces gens, prenez des clubs, gagnez comme je l’ai fait et après vous pourrez parler et je vous dirai bravo !
À l’inverse, comment avez-vous accueilli les soutiens que vous ont témoigné Raphaël Ibañez, Fabien Galthié et plus récemment William Servat ?
B.L. : Je n’ai pas été surpris car ces garçons ont des valeurs et eux, ils le montrent. Les joueurs les apprécient et veulent qu’ils restent. C’est ça la force d’un staff. Je les remercie car cela montre qu’ils sont grands. Il est évident que certains faibles se seraient cachés mais eux sont grands et ils assument.
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Fabien Galthié, en marge de France-Galles | 18/03/2023

Crédit: Imago

Avez-vous été touché qu’ils vous invitent au stage de Capbreton juste avant le Tournoi et vous demandent de remettre les maillots aux joueurs pour le dernier match contre le pays de Galles ?
B.L. : Cela m’a fait plaisir oui. Comme un symbole, j’avais déjà remis les maillots un an auparavant pour le match du Grand Chelem contre l’Angleterre. Je leur avais annoncé à cette occasion la prolongation de Fabien Galthié et il y avait beaucoup d’émotions. J’avais voulu envoyer un signal fort car Fabien est le meilleur et le message était que, peu importe le résultat du lendemain, je lui faisais confiance. Cette année était un peu différente de mes remises de maillots précédentes. Je ne prépare rien d’habitude et pour la première fois, je me suis demandé ce que j’allais bien pouvoir leur dire car je n’étais plus autant avec eux.
J’ai de l’amour pour ces mecs
Que leur avez-vous dit ?
B .L : Qu’entre 2003 et 2007, on avait fait mieux qu’eux puisqu’on avait gagné le Tournoi trois fois. On n’avait pas été champions du monde pour autant. Et même si on avait fait mieux, il y a aujourd’hui une différence en termes de qualité du groupe, des titulaires, des remplaçants et même de ceux qui doivent rester chez eux. Il y a des bons partout et c’est le résultat d’un travail collectif. L’équipe de France est la locomotive de notre sport et quand elle ne tourne pas bien, ce qui était le cas pendant dix ans avant que j’arrive, vous perdez des licenciés et vous ne vendez que 25 000 billets au Stade de France contre l’Italie et 30 000 contre l’Écosse…
Comment définiriez-vous votre lien avec les joueurs de l’équipe de France ?
B.L. : Sans prétention, je pense les rassurer et être aussi un peu un papa pour eux. Ils ne m’ont jamais vu comme leur président mais comme un entraîneur qui a pas mal gagné et avec qui ils peuvent parler rugby. On échange souvent au téléphone et il y a toujours eu une forme de proximité. J’ai envoyé des textos pendant le Tournoi, notamment à Antoine (Dupont).
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Antoine Dupont.

Crédit: Getty Images

Qui disaient ?
B.L. : Après l’Italie, je lui ai dit qu’ils n’avaient pas fait un grand match mais qu’ils avaient gagné et que les grandes équipes devaient passer par là. Je suis content quand je peux échanger avec les joueurs et que je les vois car j’ai de l’amour pour ces mecs ! J’ai même récemment avoué à Didier Lacroix que ses joueurs ont fini par me faire aimer le Stade toulousain. C’est terrible non ? Mais j’ai tellement d’admiration pour Antoine, Romain (Ntamack), Julien (Marchand), Cyril (Baille) ou François (Cros) !
Je ne suis pas rassasié, j’ai envie de gagner avec d’autres
Comment avez-vous vécu de devoir suivre les matchs de l’équipe de France à distance ?
B.L. : C’est tellement mieux à la télé ! Tu es chez toi, allongé sur le canapé, en survêtement, avec un verre de whisky. Si le match est bon, tu en bois un deuxième et même un troisième s’il est excellent… Contre l’Angleterre, je ne voulais pas que ça s’arrête. J’ai découvert ce bonheur de regarder les matches seul. Tu peux boire ton verre tranquille et aller t’en chercher un autre sans avoir à serrer 150 mains sur le chemin, à des gens bien comme à des hypocrites. C’est fabuleux.
Durant le Tournoi, la fédération fidjienne vous a proposé de prendre la sélection. Pourquoi avoir refusé ?
B.L. Comment vouliez-vous que je devienne entraîneur d’une équipe pour cette Coupe du monde que j’ai obtenu pour la France, et que je sois donc adversaire de l’équipe de France à partir du 8 septembre ? Même si les deux pays ne sont pas dans la même poule et que ça aurait été excitant, m’imaginer être opposant à ce staff et ces joueurs que j’aime, c’était tout simplement impossible et hors de question.
Envisagez-vous toutefois de retrouver un poste d’entraîneur dans les prochains mois ?
B.L. : Revenir sur le terrain au quotidien, je n’en ai pas envie. En club du moins car pour une sélection majeure, j’y réfléchirais à deux fois. En revanche être conseiller d’un président, mettre en place un projet comme j’ai pu le faire avec l’équipe de France, cela peut m’intéresser. Je ne tournerai jamais la page du rugby. C’est une passion, cela me plaît et je ne suis pas rassasié, j’ai envie de gagner avec d’autres.
Peut-on vous imaginer collaborer avec Mohed Altrad, dont vous êtes proche, à Montpellier ?
B.L. : On verra. C’est une chose qui pourrait effectivement me plaire. Ce qui est sûr, c’est que je ne démarrerai rien avant la Coupe du monde, même si cela ne m’empêche pas de prendre des engagements avant. Je veux pouvoir être le premier supporter de l’équipe de France.
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