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Tournoi des 6 Nations - XV de France : William Servat : "Je déteste l'expression : 'On ne perd pas, on apprend'"

Anthony Tallieu

Mis à jour 22/03/2023 à 18:57 GMT+1

TOURNOI DES 6 NATIONS – Le XV de France sort deuxième et la tête haute de ce Tournoi des 6 Nations 2023. La défaite en Irlande a marqué les esprits, mais peut devenir une aubaine pour les Bleus. Pour Eurosport, le responsable des avants tricolores William Servat a voulu le souligner, en dressant un bilan de cet ultime 6 Nations avant la Coupe du monde, vers laquelle il se projette avec confiance.

William Servat donne ses consignes à l'entraînement, le 25 janvier 2023

Crédit: Getty Images

Quel était le sentiment dominant après ce dernier match contre le pays de Galles (41-28) ?
William Servat : D’abord, on a mis 40 points aux Gallois, ce qui n’est pas commun. On était donc contents d’avoir réussi ce match-là mais également frustrés du fait que la suite ne nous appartenait plus. On savait que notre destin n’était plus entre nos mains mais on avait malgré tout à cœur de bien terminer et se donner les moyens de pouvoir gagner ce Tournoi si l’Irlande perdait contre l’Angleterre. On devait se battre sur ce sur quoi on avait un pouvoir.
C’est-à-dire ?
W.S. : Pour ne pas avoir de regret, nous devions gagner avec le bonus, ce qu’on a fait. Il fallait un écart un peu plus important, d’au-moins 19 points, pour ne pas que les Irlandais restent devant nous même s’ils avaient perdu avec le bonus défensif. En cela, le dernier essai gallois nous a donné un goût d’inachevé, pas du fait de l’essai en lui-même mais à cause de l’écart de points. On a manqué de maîtrise sur cette fin de match.
Ce match en Irlande nous permettra de ne pas commettre les mêmes erreurs à la Coupe du monde
Une défaite sèche de l’Irlande vous aurait donné le titre. Y avez-vous cru ?
W.S. : Pour être honnête, on pensait que les Irlandais feraient le Grand Chelem. Maintenant, j’en discutais avec Olivier Magne avant notre match et il me disait qu’on allait gagner facilement contre les Gallois et que les Anglais se feraient pulvériser en Irlande. Je lui ai dit que cela ne se passerait pas comme ça et cela l’a fait sourire. Ceux qui ne sont pas sur le terrain imaginaient qui allait mieux combattre que l’autre et pouvaient se permettre de sourire. On savait, nous, que les Anglais, qui venaient de vivre une grosse désillusion chez eux à Twickenham, auraient faim et qu'ils étaient en mesure de se révolter. Peut-être que sans leur carton rouge, l’issue du match aurait été différente.
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Quel premier bilan avez-vous tiré à chaud de ce Tournoi ?
W.S. : Il est évidemment positif. J’ai lu que l’équipe de France ne s’était imposée qu’une seule fois en Angleterre en année de Coupe du monde (en 1987, ndlr). Au-delà de ça, il est même très positif dans le sens où nous ne sommes jamais passé à côté dans le combat. Durant les épreuves de force et en conquête, on était là ! On n’a jamais failli dans l’engagement. On a failli une fois stratégiquement, contre l’Irlande, et on l’a payé. Les enseignements que nous pouvons tirer de cette défaite nous permettront de continuer à grandir et nous construire.
Quels sont-ils justement ?
W.S. : Je déteste l’expression "on ne perd pas, on apprend". Ce sont les gens faibles qui disent cela. L’Irlande est la première nation mondiale et ce n’est pas un hasard. Par contre, ce match est riche d’enseignements, c’est une évidence. Au niveau de l’engagement physique, dans le combat et les phases de jeu organisées que sont la conquête, je crois qu’on était au-dessus. On a en revanche perdu stratégiquement et je reste convaincu que sans un ou deux petits points stratégiques qui nous ont fait défaut, nous étions tout à fait en mesure de gagner en Irlande. Ce n’est pas très grave car la remise en cause a eu lieu immédiatement. On savait où on avait fauté et on a remis les choses dans le bon ordre pour le match d’après. Ce match en Irlande nous permettra de ne pas commettre les mêmes erreurs à la Coupe du monde.
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Si l’équipe de France en est là où elle est aujourd’hui, on le doit à Bernard Laporte
Quel a été l’impact de la démission de Bernard Laporte avant le Tournoi ?
W.S. : Il ne faut pas oublier que c’est Bernard qui a mis en place le staff. Il nous a donné les moyens de travailler comme on le souhaitait, avec une liste de 42 joueurs qui est aujourd’hui la base de la consistance de l’équipe de France. Si elle en est là où elle est aujourd’hui, on le doit à Bernard ! On n’a pas été impacté par sa démission car ce qu’il a mis en place n’a pas bougé et j’espère que ça ne bougera pas d’ici la Coupe du monde. Je pense par exemple à la présence de Bernard Viviès (le responsable de la délégation du XV de France), qui est indispensable au groupe et à son équilibre. Il est très apprécié de tous et son rôle est prépondérant dans la qualité de l’équipe. Si un changement politique s’opérait et qu’il devait partir, il manquerait cruellement au groupe.
Au niveau des satisfactions individuelles, Thibaud Flament a crevé l’écran. Vous attendiez-vous à le voir à ce niveau ?
W.S. : Oui ! C’est un joueur qui a énormément d’activité et qui travaille pour l’équipe, comme d’autres ont pu le faire durant ce Tournoi. Prenons par exemple le cas de Charles Ollivon. C’est un porteur de balle exceptionnel et un grand défenseur mais il a su étoffer son jeu et sa panoplie avec un gros travail dans les rucks. C’est ce travail qui permet de libérer d’autres joueurs et les met plus en valeur offensivement, comme François Cros qu’on a plus vu ballon en mains. Pour en revenir à Thibaud, quand il a un tel abattage, cela permet aussi aux garçons autour de rayonner et de laisser moins d’énergie dans les phases de combat et de ruck car lui est très efficace là-dessus. Il n’était pas trop là-dedans au départ, peut-être parce qu’on ne lui avait jamais trop dit mais aujourd’hui, il s’y livre totalement.
Aujourd’hui, Flament fait partie des meilleurs du monde à son poste
Est-ce s’enflammer que de lui voir, au sortir de ce Tournoi, peu d’équivalent à son poste dans le monde ?
W.S. : L’expression "s’enflammer" est-elle appropriée quand on parle de Thibaud Flament (rires) ? Aujourd’hui, il fait partie des meilleurs du monde à son poste, c’est une évidence. Avoir l’activité qu’il a est une chose, mais avoir son efficacité en est une autre. Un œil non-averti va voir Thibaut briller parce qu’il marque des essais ou parce qu’il court et gagne des mètres avec le ballon. C’est la partie non-immergée de l’iceberg. La partie immergée est encore plus importante avec son travail de l’ombre dans les rucks et en phase de combat. Ce qu’il fait aujourd’hui dans ce registre aide l’équipe de France à être encore plus grande et plus ambitieuse.
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Le vrai point noir n’est-il pas la grave blessure d’Anthony Jelonch ?
W.S. : J’ai évoqué les joueurs capables de se livrer pour le collectif et Anthony en est l’exemple concret. C’est quelqu’un qui n’est pas là pour briller individuellement mais qui fait briller le collectif par son comportement. C’est une perte pour l’équipe et pour le groupe car il est une belle personne et il va cruellement nous manquer. Quand on perd sur blessure un élément fondateur du groupe, qui est là depuis longtemps avec nous, c’est dur mais cela fait aussi malheureusement partie du sport. Il doit désormais avoir un accompagnement pour avoir tous les moyens possibles pour revenir pour cette Coupe du monde. Il est ambitieux et je suis sûr qu’il se donnera les moyens pour battre le temps et la nature et aller à ce Mondial.
N'est-ce pas sur ce match de l’Écosse où votre équipe, qui a vu sortir prématurément trois des huit titulaires du pack (Haouas, Jelonch, Alldritt) a montré le plus de force mentale ?
W.S. : Nos joueurs ont l’état d’esprit qui fait que leur bien-être passe par le collectif. Quand Gregory Alldritt doit sortir au bout de dix minutes suite au carton rouge de "Momo" Haouas, bien-sûr qu’il y a de la déception chez lui. Mais je n’ai jamais senti dans son comportement et sa façon de s’exprimer une once de rancœur vis-à-vis du collectif. C’est d’autant plus incroyable qu’il a été jugé durant ce Tournoi par des anciens qui ont peut-être oublié ce qu’était notre sport. Ce n’était pas facile pour lui mais il avait à cœur de répondre à tout le monde et il l’a fait au match suivant.
Taofifenua est peut-être le meilleur "finisseur" du monde
Et pour les autres ?
W.S. : Quand Anthony sort, François Cros fait une entrée exceptionnelle. C’est ce qui est fort dans cette équipe et c’est aussi, je le répète, la conséquence de pouvoir s’entraîner à 42, comme nous l’a permis Bernard Laporte, qui donne à ce groupe cette qualité magnifique.
Avoir l’esprit tourné vers le collectif, c’est aussi accepter d’être numéro 2 et de le rester même quand le numéro 1 est absent, comme Sipili Falatea l’a fait en Angleterre ?
W.S. : Cela a été un choix difficile mais il faut aussi prendre en compte les caractéristiques et les morphologies de chacun. Prenons l’exemple de Romain Taofifenua : il est peut-être le meilleur "finisseur" du monde. Toutes ses entrées ont été extraordinaires et lui ont donné de la confiance. En entrant une trentaine de minutes, il fait des différences notables et donne aussi de l’énergie et de la confiance à l’équipe. Sipili est dans cette gamme de joueurs. Il est jeune, très explosif mais encore jeune en mêlée. Dorian Aldegheri a été excellent sur ce match en Angleterre et Sipili a fait une entrée à la hauteur de nos attentes.
On a encore plus de détermination à entrer dans cette Coupe du monde
Ce match en Angleterre est-il à ce jour votre plus belle émotion en tant qu’entraîneur ?
W.S. : C’était une très belle émotion mais on en a vécu d’autres. Je pense à la victoire contre l’Afrique du Sud, à celle contre les All Blacks, à la finale du Grand Chelem. Peut-on dire que l’émotion de l’Angleterre a été supérieure à celle de l’Afrique du Sud ? Je ne le crois pas. En revanche, ce sont des matches qui marquent, c’est une évidence.
Au sortir de ce Tournoi, avec quel niveau de confiance pouvez-vous aborder la Coupe du monde ?
W.S. : On a su bien enchaîner après ce Grand Chelem l’an dernier et la confiance perdure. Je pense qu’on peut s’avancer vers cette échéance avec une base solide. On a confiance en notre jeu et en nos joueurs et nous avons également de vraies certitudes quant à notre stratégie. On a aujourd’hui encore plus de détermination à entrer dans cette Coupe du monde qui approche à grands pas.
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