Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Coupe du monde 2023 - Mike Tadjer : "Dans 15 ans, je rêve de voir le Portugal embêter l'Angleterre"

Vincent Guiraud

Publié 11/10/2023 à 19:26 GMT+2

Le Portugal a remporté dimanche face aux Fidji le premier match de Coupe du monde de son histoire (24-23). Grand artisan de cette belle réussite, Mike Tadjer, talonneur portugais de 34 ans, a accepté de répondre aux questions d'Eurosport. A peine redescendu de son nuage, le joueur formé en France, tout jeune retraité, analyse l'évolution du rugby portugais ces dernières années.

Mike Tadjer a disputé le dernier match de sa carrière face aux Fidji avec le Portugal.

Crédit: Getty Images

C'est, pour l'heure, la belle surprise de cette dixième édition de la Coupe du monde. Présent dans la poule C aux côtés de l'Australie, de la Géorgie, des Fidji et du Pays de Galles, le Portugal a enchanté le grand public avec son jeu tout en mouvement, prouvant aux yeux du monde entier que les petites équipes pouvaient parfois bousculer les mastodontes du rugby mondial. Les hommes de Patrice Lagisquet sont même entrés dans l'histoire de leur sélection en remportant dimanche soir à Toulouse, leur premier match de Coupe du monde face aux Fidji (24-23).
Trois jours après cette victoire historique, Mike Tadjer, talonneur international portugais, passé par Clermont, Brive ou encore Perpignan, revient, les yeux encore dans les étoiles, sur cette belle épopée. De son coup de pied qui a fait le tour du monde à son interview émouvante après la rencontre, le première ligne formé à Massy est devenu, le temps d'un weekend, et alors qu'il disputait le dernier match de sa carrière, le symbole de cette réussite made in Portugal.
Que retenez-vous de cette Coupe du monde 2023 qui s'est achevée dimanche soir pour le Portugal ?
Mike Tadjer : C'était une aventure incroyable. Autant sur le plan humain que sportif. En m'engageant dans ce projet il y a quatre ans je ne m'attendais pas à vivre quelque chose d'aussi fort que ça. Honnêtement, avant le début de la compétition, on ne pensait pas qu'on allait vivre tout ça. Quand on voyait le niveau des grosses équipes, on se disait que ça serait encore compliqué cette année.
picture

Mike Tadjer entre Samuel Marques et Tomas Appleton au moment de l'hymne du Portugal.

Crédit: Getty Images

Trois jours après votre victoire contre les Fidji, avez-vous pris conscience de l'exploit que vous avez réalisé ?
M.T. : Depuis trois jours, on est encore un peu dans les nuages. On ne réalise pas vraiment pour le moment. On essaye d'atterrir petit à petit et de se rendre compte. Hier quand les garçons sont revenus au Portugal, ils ont eu un accueil de fou. Moi je suis resté en France mais je reçois un nombre incalculable de messages de félicitation. C'est incroyable. On redescend doucement sur terre mais ce n'est pas facile… 20 ou 30 ans après notre mort, cette victoire sera encore inscrite dans les livres et c'est nous qui l'avons décrochée.
Justement, après le match face aux Fidji vous avez déclaré que vous pouviez "mourir tranquille". Quel sentiment vous a traversé l'esprit à la fin de la rencontre ?
M.T. : En réalité, quand j'ai dit ça, je le pensais vraiment. Ma femme m'a engueulé le lendemain mais bon… Quand j'ai dit ça je pensais à la phrase de Thierry Roland qu'il avait prononcée après le sacre des Bleus en 1998. C'était vraiment mon sentiment à ce moment-là.
On ne pouvait pas quitter la France sans avoir fait quelque chose de grand
Comment jugez-vous les prestations du Portugal durant ce Mondial ? Victoire contre les Fidji, match nul contre la Géorgie et défaite contre l'Australie et le Pays de Galles.
M.T. : C'est super mais si on veut être un peu tatillon, sur les trois premiers matchs (Pays de Galles, Géorgie et Australie), on peut avoir des regrets. Après ces trois rencontres, on était assez frustrés car on avait eu l'opportunité de gagner contre la Géorgie, et contre les Gallois et l'Australie, on avait manqué de réalisme. On s'était dit qu'on ne pouvait pas rester là dessus.
Ça a été un moteur pour préparer la rencontre contre les Fidji ?
M.T. : Oui complément. On passe à côté d'une victoire historique contre la Géorgie à cause d'une pénalité. Face à l'Australie, dans le contenu, on y était mais on a aussi manqué le coche. On a trouvé cette motivation supplémentaire. C'était le dernier match de cette Coupe du monde, le dernier match tout court pour certains comme moi avec le Portugal. Dans nos têtes, on ne pouvait pas quitter la France sans avoir fait quelque chose de grand. On voulait marquer l'histoire de la sélection.
Parlez-nous un peu de cette équipe, des joueurs qui la composent.
M.T. : Ça fait 4 ans que Patrice Lagisquet a pris ce projet en main. Sur les 33 joueurs qui ont participé à la compétition, on était seulement une dizaine de professionnels. Les autres jouent au niveau amateur au Portugal et ont un métier à côté. Notre capitaine par exemple (Tomás Appleton) est chirurgien dentaire dans la vie. On a un beau mélange entre amateurs, jeunes joueurs et des professionnels un peu plus vieux. Patrice Lagisquet a su tirer le meilleur de chacun de nous pour nous amener à cette victoire historique.
picture

Les Portugais applaudis par les Fidjiens après leur victoire historique.

Crédit: Getty Images

Vous avez conscience que vous êtes devenu durant cette Coupe du monde l'une des nations les plus appréciées au niveau du jeu ?
M.T. : C'est vrai que le monde du rugby nous a découverts durant cette compétition. Mais nous, on n'est pas forcément étonné du jeu qu'on a mis en place. Ça fait 4 ans qu'on travaille ce jeu de mouvement. Pour les avants, c'était un peu plus compliqué mais on a su s'y faire aussi.
Une Coupe du monde pour ma terre d'origine, sur ma terre natale
Le fait que la compétition se déroule en France, dans votre pays de naissance, c'était particulier pour vous ?
M.T. : J'ai une chance incroyable de vivre une Coupe du monde pour ma terre d'origine, sur ma terre natale. Les sentiments que j'ai eus ont été décuplés. J'ai eu la chance d'avoir ma famille, mes proches, quasiment à tous les matchs. C'était quelque chose d'émotionnellement très fort. Petit à petit, je redescends et je me rends compte qu'on a marqué l'histoire du rugby mondial et du rugby portugais encore plus. Finir ma carrière là dessus, je ne pouvais pas rêver mieux, notamment avec ce magnifique jeu au pied (il rigole).
Un jeu au pied qui a fait le tour du monde. Vous n'avez rien à envier à un numéro 10 ?
M.T. : Franchement c'était assez simple pour moi. Sur cette action, quand je récupère le ballon, je regarde derrière moi et je ne vois personne. C'était la seule issue que j'avais, de mettre un grand coup de pied pour se dégager.
C'est quelque chose que vous travaillez en plus des mêlées ?
M.T. : J'adore le foot et j'en ai fait longtemps dans ma jeunesse. A tous les entraînements, je fais des drops, je tente des pénalités, je tape au pied avec les arrières avant l'échauffement. Franchement je me débrouille pas trop mal au pied pour un première ligne.
Patrice Lagisquet a fait beaucoup pour nous et pour le rugby portugais
Comment jugez-vous l'évolution du rugby portugais ces dernières années ?
M.T. : L'évolution est incroyable et le grand artisan de tout ça, c'est Patrice Lagisquet. Il faut rendre à César ce qui est à César : Patrice a fait beaucoup pour nous et pour le rugby portugais. Avant son arrivée, c'était très compliqué, on s'entraînait chacun de son côté. Le rythme était difficile entre les quelques professionnels et les amateurs. C'est pour ça que j'avais arrêté pendant trois ans la sélection, ça devenait trop compliqué. Mais quand Patrice est arrivé, j'ai été séduit par son projet. Lui et son staff ont cadré vraiment tout ça et ont permis ces 4 dernières années de faire évoluer le rugby au Portugal. Il y a quatre ans, on jouait un match contre le Brésil en groupe C. Quatre ans plus tard, on gagne contre les Fidji en Coupe du monde. C'est inimaginable.
picture

Lagisquet termine son aventure avec le Portugal sur une victoire historique

Crédit: Getty Images

Quelle place a le rugby dans la société portugaise ? Le grand public s'y intéresse de plus en plus ?
M.T. : On a fait un match de préparation à Coimbra avant la Coupe du monde pour lequel on a battu notre record d'affluence avec 12 000 personnes. Globalement, depuis notre qualification à la Coupe du monde et encore plus depuis dimanche et cette victoire face aux Fidji, l'engouement est national. On a fait la une d'A Bola, l'un des plus gros quotidiens sportifs du pays, c'est juste dingue. On sent vraiment que le rugby, qui est à la base un sport de riche au Portugal, prend de plus en plus de place. Pourvu que ça dure pour les prochaines générations.
Où voyez-vous le rugby portugais dans 10 ou 15 ans ? Pensez-vous qu'il pourra rivaliser avec des équipes du tiers 2 voire plus ?
M.T. : C'est tout ce que je souhaite à cette équipe. Mais le nerf de la guerre, c'est l'argent. S'il n'y a pas d'argent, c'est compliqué d'avoir des infrastructures pour s'entraîner ou encore pour compenser le salaire de ceux qui ne sont pas professionnels quand ils se rendent disponibles pour la sélection. Mais d'ici 15 ans, je rêve de voir le Portugal embêter l'Angleterre sur un match amical ou même en Coupe du monde. Ce serait magnifique.
Le rugby portugais a-t-il de beaux jours devant lui ?
M.T. : J'espère vraiment oui. Pour les lignes arrières, je ne me fais pas trop de soucis. Il y a une vraie culture du rugby à 7 au Portugal. Mais devant, c'est un peu plus compliqué. On n'a pas du tout la même culture de combat que d'autres nations. On est beaucoup plus en difficulté sur les phases de conquêtes, dans les rucks ou sur les mauls. Là où il faut mettre la tête sans trop réfléchir… Et au haut niveau, ça peut être rédhibitoire.
Pour vous donner un exemple, il y a 4 ans, la Roumanie est venue jouer chez nous. On menait de 15 points à 8 minutes de la fin du match mais on prend deux mauls et on perd le match. C'est sur ça qu'il faudra encore progresser dans les années à venir si le Portugal veut pouvoir rivaliser sur le long terme avec les meilleures nations.
picture

Mike Tadjer (Portugal)

Crédit: Getty Images

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité